La numérisation est un thème d’actualité désormais indissociable de l’agriculture. En production végétale, ce terme englobe une série de technologies numériques comme des commandes électroniques sur les machines, des capteurs pour la saisie de données relatives aux champs et aux plantes ou, à terme, des robots autonomes.
Applications pratiques
Les possibilités qu’offrent les technologies numériques sont multiples. Leur utilisation doit permettre un emploi plus ciblé et plus efficient des ressources, de nature à procurer des avantages financiers et environnementaux. Par ailleurs, la saisie, le transfert et le traitement automatiques des données peuvent constituer une aide à la décision pour les exploitants. Enfin, l’objectif est de simplifier les processus et de décharger les agriculteurs dans leur travail quotidien.
Jusqu’ici, on ne savait pas vraiment dans quelle mesure ces technologies numériques s’étaient implantées dans les exploitations suisses. Des agriculteurs de toute la Suisse ont ainsi été questionnés sur leur utilisation de systèmes d’aide à la conduite et sur les activités faisant intervenir des systèmes de mesure électroniques sur les machines. Les exploitations ont ensuite été réparties dans plusieurs catégories afin de mettre en lumière les différences en matière d’utilisation des technologies numériques dans les diverses branches de production.
Aide à la conduite et systèmes de mesure
Les systèmes électroniques d’aide à la conduite, comme les systèmes de guidage automatique, englobent diverses technologies qui soutiennent les agriculteurs lors des travaux au champ et simplifient les processus de travail. Les systèmes de mesure électroniques sur les machines impliquent quant à eux une utilisation en réseau plus marquée. C’est le cas par exemple de la fumure de précision, lors de laquelle la quantité d’engrais peut être adaptée en temps réel en fonction des données du capteur. Les résultats de l’étude montrent que de nombreux agriculteurs s’en sortent sans recourir aux technologies numériques. Toutes branches de production confondues, 63 % des agriculteurs sondés ont indiqué ne pas utiliser de systèmes d’aide à la conduite (voir graphique 1) et 83 % n’utilisent pas de systèmes de mesure électroniques sur les machines. Utilisé par 23 % des sondés, le régulateur de vitesse est le système d’aide à la conduite le plus usité. Les systèmes de mesure électroniques sur les machines sont employés pour le semis monograine et la mesure d’humidité de la récolte par 12 % des sondés. Seul 1 % des agriculteurs interrogés utilise ces systèmes de mesure pour la reconnaissance des adventices.
Rôle précurseur du maraîchage
En se penchant sur les diverses branches de production, on remarque clairement le rôle précurseur des maraîchers en matière d’utilisation des technologies numériques. Dans cette branche, 67 % des agriculteurs utilisent au moins un des systèmes d’aide à la conduite cités et 31 % recourent aux systèmes de mesure électroniques sur les machines. Seules les grandes cultures comptent un nombre plus élevé d’adeptes de ces systèmes de mesure, utilisés par 34 % des sondés. La plus large utilisation des technologies numériques en culture maraîchère peut s’expliquer par une charge de travail horaire accrue et par la forte création de valeur, de sorte qu’employer des technologies numériques est particulièrement rentable.
Les technologies qui réduisent la charge de travail physique sont utilisées plus fréquemment que celles faisant intervenir des capteurs.
Les résultats du sondage montrent clairement de grandes différences non seulement entre les branches de production, mais aussi entre les deux types de technologies. Actuellement, les systèmes d’aide à la conduite sont plus fréquemment employés sur les exploitations suisses que les systèmes de mesure électroniques, qui sont pourtant le fondement de l’agriculture de précision moderne.
Il est difficile de comparer ce taux d’utilisation avec l’étranger, car la définition des technologies numériques tout comme les méthodes de collecte des données varient. Les résultats de l’étude suisse confirment en outre la tendance internationale : les technologies qui contribuent à alléger la charge de travail physique sont nettement plus utilisées que celles en réseau qui font intervenir des capteurs, par exemple pour la fumure de précision.
Incertitudes
Toutes les technologies ont toutefois un point commun : elles modifient le travail quotidien des agriculteurs, notamment la gestion de l’exploitation. C’est pourquoi avoir une certaine affinité avec les nouvelles technologies numériques est une condition indispensable à leur adoption. La numérisation dans l’agriculture apporte également son lot d’incertitudes. On se demande souvent à qui appartiennent les données récoltées et qui les utilise. La fiabilité et la longévité sont également sources d’incertitude en matière d’investissement. Comme pour les smartphones, de nouvelles technologies plus pointues encore font sans cesse leur apparition, ce qui amène à se demander quel est le meilleur moment pour investir. Le sondage mené par Agroscope n’a pas étudié les arguments précis plaidant pour ou contre un investissement dans les technologies numériques. Il ressort néanmoins de la littérature qu’outre les aspects précités, les coûts sont également un facteur décisif. Les caractéristiques de l’exploitation telles que la taille et la situation ont aussi leur importance. C’est au final l’agriculteur qui décide luimême s’il veut recourir aux technologies numériques, à quel moment il veut le faire et lesquelles il veut utiliser. La formation peut se révéler une aide utile à la prise de décision, car un agriculteur informé se sentira plus sûr lors de l’utilisation.
Les résultats présentés dans cet article sont tirés d’un large sondage auprès des agriculteurs suisses pratiquant la production végétale et animale. Le sondage a été réalisé entre janvier et mars 2018 sur le thème du progrès technique.