Les légumineuses fixent l’azote de l’air dans les nodules de leurs racines grâce à une symbiose avec des bactéries. Cet approvisionnement naturel du sol fait d’elles un élément important de la rotation, notamment dans les exploitations biologiques.
Mais après de nombreuses années avec une part plus élevée de légumineuses dans la rotation, il arrive que l’on observe une baisse soudaine ou progressive des rendements, notamment des pois et de la féverole. Des cultures en pleine forme jaunissent et peuvent pratiquement mourir en quelques semaines. Souvent, il s’agit cependant d’un recul progressif ne s’accompagnant pas de symptômes apparents. Une fois les autres causes exclues ( sol détrempé, carences nutritives ), le diagnostic est le suivant : fatigue du sol affectant les légumineuses.
Un complexe de pathologies
Ce que l’on nomme la « fatigue du sol affectant les légumineuses » est un complexe de maladies du pied présentes dans le sol, dont les interactions provoquent une baisse des rendements des légumineuses. Ces maladies sont la fusariose, le phoma, le rhizoctone et le pythium. S’y ajoutent des facteurs comme les ravageurs ( nématodes, sitone ), qui provoquent des blessures favorisant l’entrée des agents pathogènes.
L’humidité du sol est décisive. Elle dépend des précipitations ainsi que du type, de la structure et du travail du sol. L’augmentation de l’humidité et la baisse du taux d’oxygène favorisent nombre des agents pathogènes cités plus haut. Il convient donc d’éviter particulièrement le compactage du sol. Les symptômes de la maladie étaient jusqu’ici observés surtout dans les pays voisins ( France, Allemagne, Autriche ). En Suisse, on ne l’avait détectée que sur quelques sites. Mais elle pourrait devenir un problème également dans notre pays, en raison du succès que rencontrent les cultures associées, par exemple pois-orge.
Chaque espèce a sa sensibilité
Les espèces de légumineuses sont touchées différemment par la fatigue du sol. Les pois et les féveroles y sont clairement les plus sensibles. La luzerne, le lupin, le trèfle violet, le trèfle blanc et les vesces étant sensibles aux mêmes pathogènes, il convient de les placer avant les pois et la féverole dans la rotation. Plus une espèce est sensible, plus la pause culturale doit être longue. Pour les pois, il est recommandé d’attendre sept à huit ans, et cinq ans pour la féverole. Il existe aussi des différences de sensibilité entre variétés ; les féveroles riches en tanins sont ainsi plus résistantes que les variétés pauvres.
Recommandations culturales
Comme toutes les maladies n’affectent pas l’ensemble des légumineuses, il faut tenir compte de certaines particularités. Il faut observer les règles suivantes, que des recherches supplémentaires doivent toutefois confirmer. Les pois et les féveroles doivent être considérés ensemble pour la pause culturale, mais cette dernière peut être réduite s’ils sont cultivés à tour de rôle. Des essais ont par ailleurs montré que les pois ont de la peine à pousser après le trèfle violet et le trèfle d’Alexandrie, si bien qu’il faudrait attendre au moins deux ans.
Comme précédent cultural des pois, la vesce à épis ne pose pas de problème, mais elle ne convient pas avant la féverole. Diverses expériences réalisées à l’étranger montrent par ailleurs qu’en matière de maladies du pied, la culture associée de légumineuses à graines avec des non-légumineuses est à considérer de la même manière qu’un semis pur. Il en va de même pour les cultures dérobées. Les cultivateurs de pois ou de féveroles ne devraient pas utiliser ces plantes comme dérobées ou comme engrais vert. Il faudrait donc aussi lutter contre les graines tombées au sol.
Test de fatigue
Avant de procéder au semis de légumineuses, on peut procéder soimême à un test simple en cas de soupçon de fatigue du sol. Il suffit de prélever des échantillons de sol de la parcelle, de les mélanger, puis d’en stériliser la moitié au four de cuisine. On sème ensuite des pois dans les deux moitiés de l’échantillon et on observe leur croissance. Si les pois de la moitié stérilisée poussent beaucoup plus vigoureusement, on est en présence d’une fatigue du sol affectant les légumineuses. Une explication détaillée ( en allemand ) est disponible gratuitement sur la boutique en ligne du FiBL ( www.shop.fibl.org ).
Effet curatif du compost
L’université de Kassel ( D ) et l’Institut de recherche de l’agriculture biologique ( FiBL ) ont réalisé avec succès des essais concernant l’effet phytosanitaire du compost dans les sols fatigués. Le compost de déchets verts a influé positivement sur la santé des pois en revitalisant le sol et en favorisant une flore antagoniste. On pouvait déjà constater une différence avec l’épandage de 10 t de matière fraîche par hectare. A mesure que le volume d’épandage augmentait ( max. 40 t / ha ), l’efficacité progressait en conséquence. La culture suivante, du blé d’automne, a également donné des rendements significativement plus élevés grâce à la meilleure fixation de l’azote dans le sol.
Variétés résistantes
Des recherches réalisées au FiBL ont montré la grande difficulté à sélectionner des résistances chez les espèces les plus touchées, car il existe de nombreuses interactions entre la génétique des plantes et les microorganismes du sol. Diverses excrétions racinaires peuvent favoriser ou inhiber les agents pathogènes ou les microorganismes utiles. Soutenu par l’OFAG, la fondation Mercator et le projet Liveseed de l’UE, le FiBL explore, en collaboration avec l’EPF Zurich et le sélectionneur de céréales Peter Kunz, de nouvelles résistances et les effets d’excrétions racinaires favorisant la résistance dans les conditions du terrain. Les résistances de centaines de lignées de pois ( parmi lesquelles du matériel de sélection et des accessions de banques de gènes ) ont été évaluées par un système de dépistage. On étudie maintenant les interactions des résistances ainsi découvertes avec les microorganismes et leurs effets en plein champ. Ce matériel permettra de sélectionner des variétés résistantes, afin de résoudre à long terme le problème de fatigue du sol affectant les légumineuses. Mais en attendant, un seul principe demeure : « Mieux vaut prévenir que guérir. »