Production de semences
L’utilisation de semences certifiées garantit aux agriculteurs une qualité élevée en matière de pouvoir germinatif, d’état sanitaire et de taux d’impuretés. Pour obtenir le label de qualité «Z», la semence doit subir des contrôles sévères. Agriculteur biologique et producteur de semences, David Werner explique à la Revue UFA quels sont les problèmes de la production de semences et en quoi la multiplication biologique diffère de la multiplication conventionnelle.
Revue UFA:
Monsieur Werner, quelles espèces végétales multi-pliez-vous sur votre exploitation?
David Werner:Pour les céréales, nous multiplions du blé et de l’épeautre. Pour les plantes fourragères, la production porte sur le raygrass anglais, le trèfle violet et, depuis cette année, sur le vulpin des prés, dont c’est la première multiplication en qualité bio en Suisse. Nous multiplions également des herbacées et des fleurs pour des prairies fleuries riches en espèces, notamment de l’avoine pubescente, de la centaurée scabieuse et de la scabieuse colombaire.
Quelle est la principale difficulté en production semencière?
En production biologique, le contrôle des mauvaises herbes est un problème général. Dans la multiplication des semences, il faut maîtriser des mauvaises herbes à problèmes supplémentaires. Je leur applique en ce qui me concerne la tolérance zéro dans toutes les cultures de mon exploitation. Prenons l’exemple du gaillet gratteron. Vu la taille de ses graines, il n’est pas possible de l’éliminer à 100 pour-cent des céréales lors du nettoyage des semences. C’est pourquoi j’élimine le gaillet gratteron au champ. Il en va de même pour le rumex, qui pose un problème dans la production de semences de trèfle et de graminées. Tolérance zéro également pour le vulpin des champs. J’ai repris il y a quelques années une parcelle avec énormément de cette mauvaise herbe. Je ne pourrai jamais y multiplier des graminées. Mais dans l’ensemble, j’ai de la chance: mon père m’a transmis des parcelles très propres.
L’exploitation de multiplication de David Werner
Le domaine de David Werner est situé à Wäldi (TG), à 580 m d’altitude. Il est certifié bio depuis 2014. Les 21 hectares sont consacrés aux grandes cultures et aux cultures maraîchères: blé, épeautre, soja, maïs grain, pommes de terre, carottes, petits pois et haricots de conserve. L’engraissement de poulets bio est un autre pilier de l’exploitation familiale. 2500 volatiles sont répartis dans six poulaillers mobiles.
L’exploitation est reconnue pour la production de semences. David Werner y multiple du trèfle violet, du ray-grass anglais, des céréales et des semences de fleurs pour les prairies fleuries écologiques. Cette année, la multiplication de vulpin des prés (variété Alopex ) est venue s’y ajouter. David Werner est le premier Suisse à se lancer dans cette production. Werner fait partie de l’organisation de multiplication des Ostschweizer Saatgutproduzenten (OSP). Il livre ses semences à Niderfeld, chez Semences UFA. Elle y sont nettoyées et conditionnées, après avoir été analysées par le laboratoire maison et homologuées par le service de certification d’Agroscope.
Organisation de la multiplication des semences en Suisse
La production de semences est réglée par contrat. Pour produire des semences certifiées, il faut être membre d’une organisation de multiplication. Il en existe 10 grandes et quelques petites actives à l’échelon régional. Il faut y ajouter Delley semences et plantes SA (DSP), qui fournit la semence de base. Sept des organisations de multiplication produisent des semences biologiques, dont Sativa, qui ne produit que du bio. Toutes les organisations sont regroupées au sein de swisssem, la Fédération suisse des producteurs de semences. En Suisse, 1450 agriculteurs produisent des semences et plants certifiés sur quelque 9000 hectares. La production de semences bio (sans les plants) occupe environ 10 % de cette surface.
À quels autres éléments faut-il veiller dans la multiplication?
La mise en place d’une rotation des cultures régulière est difficile. Lors de la récolte des semences, il y a bien entendu beaucoup de graines perdues. Ainsi, je ne pourrai jamais multiplier du ray-grass italien ou du vulpin des prés sur une parcelle qui a accueilli du ray-grass anglais. Sur une parcelle où j’ai multiplié du vulpin des prés, je pourrai multiplier du trèfle rouge, mais jamais de graminées. De tels facteurs m’empêchent de pratiquer une rotation régulière.
La difficulté pour la récolte, c’est de déterminer le moment idéal pour moissonner. En cas de mauvais temps, les pertes au champ sont plutôt importantes. Après la récolte, il faudrait avoir la possibilité de stocker la semence quelques semaines sur l’exploitation. Les graines de trèfle et de graminées doivent encore être séchées.
Autre point critique: la disponibilité de l’azote. Une bonne fumure est surtout importante pour les graminées. Comparativement à la culture fourragère, la multiplication demande des apports d’azote plus importants. Or, contrairement à la production conventionnelle, nous ne pouvons pas les assurer avec des engrais minéraux. Il faut recourir au fumier ou au purin.
Comment se déroule la multiplication d’une semence?
D’abord, l’exploitation doit être homologuée auprès de l’Office fédéral de l’agriculture. Pour la multiplication, on ne peut utiliser que de la semence de base. Durant la période de végétation, les parcelles sont expertisées une fois par un expert fédéral reconnu, sur la base de plusieurs critères comme la contamination par d’autres variétés ou des mauvaises herbes à problèmes. Des tests supplémentaires sont réalisés après la récolte. La semence produite sur notre exploitation est livrée au centre collecteur de l’Association des producteurs de semences de suisse orientale, à Niderfeld. Là-bas, elle est testée en laboratoire avant d’être prise en charge par Semences UFA. Un autre échantillon est adressé au laboratoire des semences d’Agroscope, où elle sera finalement certifiée, à condition d’avoir passé avec succès les tests sanitaires.
Que contrôle le laboratoire?
La semence doit correspondre à des normes strictes en matière de pureté, de pouvoir germinatif et de présence de maladies. Comme mentionné plus tôt, quelques graines de mauvaises herbes peuvent ne pas être éliminées lors du nettoyage et ne doivent donc pas être présentes depuis le début dans la semence. Le pouvoir germinatif peut poser des problèmes, notamment pour le trèfle rouge, car il y a un risque d’endommager ses graines délicates lors de la récolte. En production céréalière biologique, les maladies transmises par la semence sont un sujet de préoccupation. Contrairement à la production conventionnelle, nous ne pouvons pas régler le problème en enrobant les semences. La carie ordinaire et la carie naine sont un problème pour le blé et l’épeautre, alors que pour l’orge, c’est principalement le charbon. Une valeur limite est définie pour les spores de ces maladies cryptogamiques. Si elle est dépassée, la semence n’est pas certifiée.
«Des champs propres sont une condition indispensable à la production de semences certifiées.»
David Werner, producteur de semences
Comment devient-on producteur de semences?
Il faut déposer sa candidature auprès d’une organisation de multiplication reconnue par la Confédération. L’admission en tant que membre dépend des besoins pour chaque culture.
Qu’en est-il de la rentabilité?
Pour les céréales, la rentabilité dérendement après nettoyage, car le petit grain est éliminé. Les bonnes années, il est possible de réaliser un gain supplémenpend beaucoup du taire de l’ordre de 200 à 500 francs par hectare. Les rendements du trèfle et des gramifortement, ce qui peut se traduire par un bénéfice ou une perte élevés. Ces cultures constituent chaque année un défi, mais je le relève avec plaisir. Il faut ajouter qu’en multipliant des semences de trèfle, on fixe de l’azote dans le sol, on crée de l’humus et on favorise les lombrics. Il s’agit en quelque sorte d’une culture de remise en forme qu’il est imposnées fluctuent très sible de chiffrer en francs.
Interview
Verena Säle, Revue UFA, 8401 Winterthour