Interview avec Cathrina Claas-Mühlhäuser
Cathrina Claas-Mühlhäuser est la petite-fille du fondateur de l’entreprise, August Claas. Elle dirige l’entreprise en sa qualité de présidente et de propriétaire de la troisième génération.
Revue UFA:
La mondialisation et la numérisation sont deux tendances auxquelles on doit impérativement souscrire. Percevez-vous également les choses de cette manière?
Cathrina Claas-Mühlhäuser:Oui, parce que les opportunités sont supérieures aux risques. Il est toujours préférable de participer aux changements que d’y réagir.
La numérisation bouleverse les processus d’activité dans leur globalité. Dans quels domaines pensez-vous que les défis sont les plus importants?
Claas-Mühlhäuser:Chez Claas, nous avons rassemblé nos compétences dans le domaine électronique au sein d’une nouvelle société-fille. En collaboration avec plus de 150 collaborateurs, nous y développons des architectures électroniques, des systèmes automatiques pour la conduite par signal satellite ainsi que d’autres solutions destinées à une agriculture de plus en plus interconnectée. Parallèlement, nous mettons en place des interfaces numériques pour nos clients, notamment pour ce qui est des pièces de rechange ou des machines d’occasion.
Doit-on repenser le développement? Abandonner le concept de la moisson-neuse-batteuse traditionnelle et opter pour des solutions numériques?
Claas-Mühlhäuser:Claas restera une entreprise productrice de hardware. Aujourd’hui, il est de plus en plus rare qu’un client achète uniquement une machine. Ce qui l’intéresse, c’est de disposer d’une solution globale pour son exploitation. Il y a quelques années encore, la tendance dans la technique agricole était à des machines toujours plus grandes. Aujourd’hui, les innovations portent sur tous les domaines de la technique d’entraînement, de l’intelligence des machines et de l’interconnexion. Nous souhaitons optimiser des chaînes de processus entières.
Claas optimise des machines, les met en réseau et développe des outils pour optimiser les processus des machines. Quelles sont les conséquences pour votre culture d’entreprise?
Claas-Mühlhäuser:Actuellement, la part des ventes réalisées par Claas à l’étranger s’élève à 77%. Nous utilisons donc toutes les possibilités qui nous permettent d’améliorer nos propres processus de travail et de développement. Beaucoup de nos clients partagent notre conception entrepreneuriale et perçoivent la gestion des données comme une chance.
Claas a développé la société de logiciels 365FarmNet. C’est un fait, les plates-formes neutres et ouvertes ont du succès. En quoi 365FarmNet est-il utile pour les clients?
Claas-Mühlhäuser:L’agriculteur estime que son entreprise constitue un tout et souhaite prendre des décisions stratégiques. Pour y parvenir, il est indispensable d’analyser les processus a posteriori. Pour ce faire, l’agriculteur a besoin d’énormément de données qu’il peut récolter et analyser à l’aide de 365FarmNet, pour que ses décisions reposent ensuite sur des bases plus solides.
Imaginons que votre métier consiste à vendre 365FarmNet. Quel serait votre principal argument en faveur de cette plate-forme?
Claas-Mühlhäuser:Avec 365Farm-Net, l’agriculteur dispose d’un outil numérique qui peut être adapté de manière individuelle à ses besoins, grâce à sa structure modulaire. Le modèle de partenariat de 365Farm-Net permet d’intégrer le flux d’informations au travail quotidien, de manière illimitée et sans que l’agriculteur doive utiliser des programmes additionnels. Depuis Agritechnica 2015, le système 365Farm-Net met par ailleurs gratuitement à disposition les fonctions de base, cartes des parcelles et documentation comprises, et ce de manière illimitée dans le temps et indépendamment de la taille de l’exploitation. L’agriculteur peut ainsi se faire une idée précise de ce qu’est 365Farm-Net sans engager trop de frais. Il pourra alors choisir la solution la mieux adaptée à son exploitation.
Bon nombre de clients finaux craignent pour la sécurité de leurs données. A qui appartiennent les données prélevées, par exemple dans le cadre de 365Farm-Net?
Claas-Mühlhäuser:Beaucoup d’agriculteurs ont peur que leurs données puissent être rassemblées et stockées dans un cloud. Je pense que ces craintes sont injustifiées.
365FarmNet utilise un serveur certifié en Allemagne: la transmission des données s’effectue uniquement de manière cryptée. Le stockage sur disque dur que chacun effectue à domicile est bien plus risqué. Un élément est essentiel: fondamentalement, les données appartiennent à l’agriculteur. C’est lui seul qui décide qui est autorisé à les utiliser. Le secteur de la technique agricole doit tout mettre en œuvre pour ôter cette incertitude à notre clientèle.
Bon nombre de chefs d’exploitations de taille moyenne pensent que les solutions numériques sont elles aussi réservées aux grands domaines agricoles. Est-ce exact?
Claas-Mühlhäuser:Jusqu’à maintenant, les grandes étapes stratégiques allaient de pair avec des investissements importants. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Les relevés et les évaluations des données permettent d’économiser des coûts et de ménager les ressources. Il en découle par ailleurs des modèles d’activité entièrement nouveaux pour l’agriculteur. Vu sous cet angle, je crois que la numérisation constitue une grande opportunité, précisément pour les exploitations de plus petite taille, qui ne sont pas en mesure d’engager du personnel supplémentaire. Dans ce type d’exploita tion, il est particulièrement important d’utiliser le temps disponible de manière efficace.
365FarmNet se compose actuellement d’un réseau de 27 partenaires. Comment fonctionne l’intégration des différents fabricants?
Claas-Mühlhäuser:Une bonne collaboration implique un objectif commun. A travers 365FarmNet, Claas ne cherche pas à disposer d’un canal de distribution supplémentaire pour ses moissonneuses-batteuses ou ses tracteurs, mais souhaite proposer un service supplémentaire à ses clients. L’utilité de la plate-forme augmente par ailleurs avec chaque partenaire, qui apporte son savoirfaire. A l’avenir, d’autres platesformes à l’intention de l’agriculture seront encore développées.
Quel partenaire aimeriez-vous encore avoir avec vous? Pourquoi?
Claas-Mühlhäuser:Pour moi, la question se pose en des termes différents: quels sont les partenaires et, plus important encore, quelles sont les solutions et les informations souhaitées par nos clients?
Quel est le rôle de fenaco, en tant qu’importateur général pour le marché suisse?
Claas-Mühlhäuser:En tant qu’entreprise familiale, nous attachons beaucoup d’importance aux collaborations à long terme reposant sur des valeurs, tant avec nos importateurs qu’avec nos clients. Pour nous, fenaco est un partenaire dynamique en Europe. Nous collaborons d’ailleurs depuis longtemps dans un esprit de confiance réciproque.
Craignez-vous que des entreprises non agricoles comme Apple ou Google découvrent le secteur agricole et vous concurrencent?
Claas-Mühlhäuser:La peur est mauvaise conseillère. Je suis quel qu’un qui recherche d’abord la discussion et qui réfléchit aux potentiels des projets réalisés en commun. Dans ce contexte, il est important, à mes yeux, de disposer d’une compréhension commune de ce qu’est la protection des données et des droits de nos clients. Cela vaut pour tous nos clients, aujourd’hui et demain.
«Pour nous, fenaco est un partenaire très dynamique»
Cathrina Claas-Mühlhäuser, présidente du Conseil de surveillance de Claas
Comment voyez-vous l’agriculture à l’horizon 2050?
Claas-Mühlhäuser:Selon la région et le sol que l’on y trouve, les réponses à cette question peuvent différer sensiblement. Sans une agriculture moderne, seul 1,5 milliard d’habitants pourraient être nourris. La population mondiale va toutefois passer de sept milliards d’habitants actuellement à neuf milliards en 2050. La technique va donc jouer un rôle toujours plus important. A l’avenir, des êtres humains capables de comprendre les sols et la météo, tout en ayant une vue sur l’environnement dans son ensemble, continueront à être un facteur de succès décisif.
AuteureAlice Chalupny Communication d’entreprise fenaco, 8401 Winterthour
PhotosClaas
Le nouveau chef de la Direction de Claas a participé à l’assemblée des délégués de fenaco
Hermann Lohbeck a été nommé nouveau chef de la Direction de Claas. Il succèdera dès le 1 er octobre 2017 à Lothar Kriszun, qui partira alors à la retraite. Hermann Lohbeck est membre de la Direction du groupe Claas depuis 2014 et responsable du domaine d’activité Récolte des fourrages. Diplômé d’études commerciales, Hermann Lohbeck a tout d’abord travaillé en tant que conseiller fiscal et expert-comptable, avant de rejoindre l’entreprise Claas en 1999. Hermann Lohbeck a présenté un exposé sur le thème de la numérisation dans le secteur agricole lors de l’assemblée des délégués qui s’est déroulée à Lucerne.