Comptabilité analytique
Agroscope demande régulièrement qu’on lui communique des thèmes de recherche. En économie d’entreprise, les praticiens et la vulgarisation ont souvent cité les coûts complets ou les analyses de branches d’exploitation comme étant des sujets à approfondir. A cette occasion, ce n’est pas l’exploitation en tant qu’unité globale mais certaines de ses entités, comme la production laitière par exemple, qui sont analysées de façon plus détaillée. Agroscope vient de présenter des résultats dans ce domaine (voir encadré consacré aux auteurs). Les résultats individuels de certaines branches d’exploitation sont présentés dans cette édition de la Revue UFA ainsi que dans les éditions à venir.
Comptabilité
Les comptabilités des exploitations de référence ont été mises à la disposition du Dépouillement centralisé des données comptables (DC-Cta) par les chefs d’exploitation concernés, sur une base volontaire et anonyme. Elles ont servi de base de données à l’étude d’Agroscope. Les comptabilités sont gérées sur la base des coûts partiels. Cela signifie que les recettes et les coûts sont à disposition pour chaque branche d’exploitation.
Analyse des branches d’exploitation et calcul des coûts complets
Dans le cadre du calcul des coûts complets, toutes les recettes et toutes les charges sont ventilées sur les branches d’exploitation concernées. La ventilation ne s’applique pas uniquement aux écritures basées sur les coûts partiels mais également à d’autres recettes et coûts généraux indirects, comme les coûts de machine. Dans les lignes qui suivent, la méthode de calcul détaillée d’Agroscope est présentée à l’exemple de la production laitière.
S’agissant des produits, il convient d’inclure, outre les ventes de lait et de viande, les paiements directs tels que ceux qui sont octroyés pour la SRPA et le SST. La production de fourrages grossiers étant également en partie imputée à la production laitière, les paiements directs liés à la surface sont aussi attribués à cette branche de production.
Nous avons réparti les coûts en trois groupes. Comme évoqué précédemment, les différents postes de coûts spécifiques comme les concentrés ou les frais vétérinaires sont enregistrés de manière détaillée par les chefs d’exploitation et ne doivent pas être traités plus en détail. Il s’agit ensuite d’établir les coûts de la surface dédiée aux cultures fourragères, en appliquant un fermage moyen pour cette dernière. Le vrai défi se pose pour le troisième groupe, c’est-àdire pour les coûts généraux englobant le travail, les machines (carburants et travaux par tiers inclus), les bâtiments (y. c. électricité) et les autres coûts généraux (comme les frais de téléphone et d’Internet).
Répartition des coûts généraux
Les coûts généraux disponibles s’appliquent à l’ensemble de l’exploitation et doivent encore être ventilés individuellement sur chaque branche d’exploitation. Agroscope a développé une méthode spécialement à cet effet. Des coûts prévisionnels ont été établis pour chaque branche d’exploitation, comme les coûts de bâtiment par vache laitière, par exemple. Les coûts généraux probables (p. ex. coûts totaux pour les bâtiments de l’exploitation) ont été calculés sur cette base pour chaque exploitation dans son ensemble et comparés aux coûts généraux comptabilisés. Ces derniers sont désormais ventilés sur la base des coûts prévisionnels. Le modèle utilisé permet d’adapter les coûts prévisionnels de moindre importance dans une plus faible mesure que les coûts prévisionnels élevés, ce qui reflète la situation des exploitations agricoles dans la pratique : lorsque les coûts de bâtiment de l’ensemble de l’exploitation sont nettement supérieurs à ce que les valeurs de départ le laissent prévoir, par exemple, il est probable que la production laitière y a contribué dans une plus forte mesure que la production ovine.
Valorisation du travail
Dans la comptabilité, les chiffres concernant le travail sont disponibles sous la forme des journées de travail normales. Nous sommes partis du principe qu’une journée de travail normale dure dix heures et avons opté pour un salaire horaire de 26 francs. En y ajoutant l’ensemble des autres coûts on obtient alors le bénéfice calculé. Lorsque ce dernier est négatif, cela signifie que le salaire horaire effectif, également appelé valorisation du travail, est inférieur à 26 francs.
Pour analyser les écarts entre les exploitations, nous avons réparti l’ensemble de l’échantillon en quatre sous-groupes, la répartition s’effectuant sur la base de la valorisation du travail. Le quartile inférieur et le quartile supérieur ainsi que l’écart entre ces derniers fournissent des indications particulièrement intéressantes.
Exemple Production laitière
En ce qui concerne la production laitière, Agroscope se base sur les résultats d’exploitations de 704 exploitations laitières PER situées en zone de plaine, pour la période 2010 à 2014. Les résultats sont exprimés en francs par vache laitière ou par unité de gros bétail (voir tableau).
Les produits s’élèvent à 6221 francs en moyenne, dont près des deux tiers proviennent des ventes de lait. Les coûts s’élèvent à 8290 francs en moyenne. Outre le montant en valeur absolue, la part des différents postes de coût est également mentionnée. Avec une part de 73 %, les coûts généraux influencent fortement la structure des coûts et pèsent nettement plus que les charges spécifiques (22 %) et les coûts de fermage (5 %). Avec une part de 42 %, soit près de 3500 francs, c’est le travail qui représente le poste de coût le plus important. La perte calculée s’élève à plus de 2000 francs. Par conséquent, la valorisation du travail atteint un faible niveau, de l’ordre de 10.80 francs de l’heure.
Deux sous-groupes
Au sein du quartile inférieur, la valorisation du travail s’élève à 2.80 francs. Elle atteint 22 fr./h pour le quartile supérieur. Une comparaison démontre que le meilleur quartile obtient 824 francs de plus avec la vente du lait et qu’il affiche systématiquement des coûts inférieurs à ceux du quartile inférieur. Cet effet est particulièrement manifeste en ce qui concerne la charge de travail. Cet écart s’explique probablement aussi par le fait que le quartile le plus élevé détient 45 UGB en moyenne, soit nettement plus que le quartile inférieur (29 UGB en moyenne). Bien que les coûts des concentrés soient assez proches, le quartile supérieur arrive à produire 356 kg de plus par vache et par année (niveau de production laitière : 6136 kg).
Conclusion
L’analyse des branches d’exploitation fournit des informations intéressantes. La faible valorisation du travail, qui est de l’ordre de 10.80 fr./h, a de quoi choquer. La structure des coûts, qui est dominée par le travail, fournit des indications importantes aux chefs d’exploitation. C’est à ce niveau que réside le principal avantage de l’analyse par branche d’exploitation : elle permet en effet d’évaluer la situation d’une exploitation (moyenne). Elle constitue une base de départ pour définir les améliorations qui sont envisageables.
Un autre avantage de cette méthode est le « Benchmarking », soit la comparaison entre exploitations. Agroscope a développé à cet effet l’appli « AgriPerform ». Cette appli basée sur Excel permet aux chefs d’exploitation d’analyser, en moins de 90 minutes, les coûts de production des différentes branches d’exploitation pratiquées (disponible gratuitement sous www.agriperform.ch).
Auteurs
Daniel Hoop est collaborateur scientifique et Markus Lips responsable du groupe de recherche en économie d’entreprise à Agroscope Tänikon. L’analyse complète portant sur sept branches d’exploitation est mentionnée au chapitre 4 du rapport Agroscope Science nº 53. www.agroscope.ch