Madame Müller aime acheter son lait directement à la ferme et compléter ses achats par un kilo de pain paysan et quelques pommes. Vivant seule, elle n’achète qu’en petites quantités. A l’image de cette cliente, de nombreux consommateurs et consommatrices se rendent en voiture à la campagne, échangent quelques mots avec l’agriculteur ou l'agricultrice et surtout, achètent des produits frais provenant directement de la ferme.
Bien réfléchir
« D’un point de vue environnemental, il n’est pas prouvé que la vente directe soit systématiquement préférable. Il n’existe pas d’études détaillées sur le bilan écologique des exploitations pratiquant la vente directe », affirme Otto Schmid, collaborateur de longue date à l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL) et vendeur de fruits et de céréales bio en vente directe.
« Affirmer que les achats à la ferme sont bénéfiques pour le climat en raison de courtes distances de transport n’est pas toujours exact », relève cet expert. Evaluer l’impact des transports sur le climat implique de prendre en compte leur efficacité climatique et les moyens de transport utilisés. Des distances de transport courtes, surtout lorsqu’on fait ses courses en vélo ou à pied, permettent de réduire les émissions de CO 2 . Dans l’exemple mentionné plus haut, il est moins judicieux, d’un point de vue écologique, de se rendre en voiture dans une ferme éloignée pour y acheter quelques kilos de légumes que de s’approvisionner dans un commerce de détail proche de chez soi. Il serait par contre judicieux que les familles agricoles pratiquant la vente directe collaborent entre elles pour proposer une large palette de produits ou pour créer un point de vente de proximité où elles livreront leurs produits. Pour les fermes excentrées, la livraison par poste est une bonne alternative (lire Revue UFA 02/21).
Vente directe
En 2021, dans le cadre de sa nouvelle série d'articles, le LID (Service d’information et de communication agricole) met l’accent sur la vente directe et aide les agricultrices et les agriculteurs, dans chaque édition de la Revue UFA, à la mettre en œuvre.
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La clientèle doit jouer le jeu
L’emballage des denrées alimentaires est un autre sujet important en vente directe. A cause de leur consistance, les fruits et les légumes doivent souvent être emballés. « Pour ménager l’environnement, il faudrait éviter d’utiliser du plastique », explique Otto Schmid. Il incite donc sa clientèle à prendre ses propres emballages et propose des sacs en papier usagés. Otto Schmid conseille d’aborder ce sujet avec la clientèle. Lorsque les gens jouent bien le jeu et pour autant que la distance de transport soit inférieure à 200 km, les emballages réutilisables comme les bouteilles de lait en verre sont préférables aux emballages à usage unique, tant d’un point de vue écologique qu’économique. Mais pour que ce soit le cas, il faut que la clientèle rapporte les bouteilles en verre. Otto Schmid recommande plutôt les matériaux d’emballage en verre que les matériaux composites, « le tri et le recyclage étant moins fastidieux ».
Otto Schmid, FiBL« Les carottes difformes peuvent être utilisées pour préparer des smoothies. »
Eviter le gaspillage
Respecter les ressources utilisées et ne rien jeter, tel est l’objectif premier lorsqu’on souhaite réduire le gaspillage alimentaire au strict minimum. Les exploitations agricoles peuvent largement contribuer à réduire ce gaspillage tout en générant une valeur ajoutée plus élevée. Otto Schmid et sa famille collaborent avec des institutions qui leur rachètent leurs fruits de deuxième choix pour les valoriser. « On peut utiliser les fruits déformés mais intacts pour produire des pommes séchées ou des compotes. Les carottes difformes peuvent servir à préparer des smoothies. » Le spécialiste de la vente directe explique que bon nombre de cuisiniers acceptent d’utiliser des denrées de deuxième choix et développent des idées innovantes pour les valoriser. « Pour cela, le contact direct est essentiel », relève Otto Schmid. Il encourage les magasins pratiquant la vente directe à étiqueter comme telles les denrées de second choix et à les commercialiser à un prix nettement inférieur. « Un avis largement répandu voudrait que la clientèle n’achète pas de tels produits », constate l’agriculteur. Or, son expérience montre que c’est faux, pour autant que les consommatrices et les consommateurs soit bien informés. Pour les exploitations de vente directe, c'est justement l'occasion de se mettre en avant, en donnant des idées de recettes à leur clientèle, par exemple.
Campagne contre le gaspillage alimentaire
En tant que partenaire de la campagne « Save Food. Fight Waste », l’Union suisse des paysans souhaite réduire les déchets alimentaires. Elle encourage les agricultrices et agriculteurs pratiquant la vente directe à étiqueter les marchandises de deuxième et troisième choix avec un logo et à les proposer à des prix réduits. La population prend ainsi conscience que les produits naturels n’ont pas toujours le même aspect et qu’ils ne sont pas parfaits. Des stickers et des flyers peuvent être commandés sur le site www.savefood.ch.
Vivre une expérience
Il est donc erroné d'affirmer que la vente directe est systématiquement plus écologique. Une exploitation qui ne pratique pas un mode de culture durable et qui est de surcroît éloignée de sa clientèle présentera assez vite un bilan écologique mitigé. Le contact personnel entre les producteurs et la clientèle, qui favorise la compréhension envers l’agriculture et la production locale, est un autre aspect important. Pour bon nombre de clientes et clients, les achats à la ferme constituent une expérience en soi. Les points faibles de la vente directe peuvent être compensés en s'intéressant au gaspillage alimentaire et aux emballages, mais aussi en optant pour des canaux de distribution alternatifs.
Conseils d’Otto Schmid (qui pratique luimême la vente directe) pour une vente directe écologique
- Collaborer avec d’autres exploitations est judicieux, surtout lorsque la ferme concernée est isolée. Transporter, à raison de toutes les deux semaines seulement, des marchandises dans un magasin bio situé en ville permet d’économiser du temps et de l’argent.
- Expliquer à ses clients tout ce qu’il est possible de préparer avec des produits de seconde qualité.
- Vérifier s’il existe tout près de chez soi une institution ou un restaurateur qui souhaiterait valoriser des denrées alimentaires de seconde classe.
- Rechercher en collaboration avec sa clientèle des solutions contri buant à réduire les quantités d’emballage. Adapter les emballages aux besoins de sa clientèle. Dans de nombreux cas, l’usage de sacs en papier usagés se justifie.
- Utiliser des couverts réutilisables lors de fêtes ou de manifestation réduit considérablement les déchets. Il vaut la peine de collaborer avec des prestataires spécialisés.