Approvisionnement en sélénium Elevage dans la production laitière
Le sélénium est un oligo-élément essentiel que l’on trouve dans l’eau, le sol et même dans l’atmosphère. Il est prélevé du sol par les racines des plantes et intègre ensuite le corps de l’être humain et de l’animal qui consomment celles-ci. Le sélénium présent dans le corps joue un rôle important dans la régulation du système immunitaire et des hormones des glandes thyroïdiennes. Dans les cellules immunitaires, il contribue de manière déterminante à protéger les cellules des radicaux libres et du stress oxydatif, présents notamment lors de mammites aigües.
Disponibilité du sélénium
Les animaux dont la ration se compose majoritairement de fourrages herbeux sont rapidement confrontés à un sous-approvisionnement en sélénium. Ce sont souvent les faibles teneurs du sol en sélénium qui sont incriminées. Le prélèvement de l’oligo-élément par la plante est influencé par de nombreux facteurs. La professeure Winkel ( EPFZ, département des sciences des systèmes environnementaux ) estime que la disponibilité biologique du sélénium présent dans le sol ne dépend pas seulement du pH ou de la teneur en humus du sol, mais également de la forme chimique du sélénium. Il existe diverses sources importantes de sélénium pour l’agriculture. Il peut s’agir de sources naturelles, mais aussi de sélénium rejeté dans l’environnement par les industries. D’une manière générale, les sols européens en sont plutôt pauvres. Les données démontrent que les sols suisses affichent des teneurs moyennes ( voir illustration ).
Le sélénium en Suisse
Les scientifiques accordent une grande importance à cet oligoélément. Le changement climatique peut en effet entraîner un sousapprovisionnement de la population en sélénium. Plusieurs études démontrent que la population suisse continue à être bien approvisionnée, mais il en va autrement pour les bovins. Divers travaux indiquent que dans notre pays, le sang des veaux et des vaches contient de faibles teneurs en sélénium. Pourtant, le sélénium joue un rôle important pour la santé des jeunes vaches.
Son importance chez la vache
La vache approvisionne son fœtus en sélénium via le placenta, même lorsqu’elle est carencée. Les veaux qui ne bénéficient pas d’un apport suffisant pendant la gestation sont moins vifs à la naissance. Ils ont alors aussi moins envie de boire et présentent un réflexe de succion réduit voire nul. Ces veaux consomment moins de colostrum et sont plus sensibles aux infections, ce qui peut causer des pertes de productivité durant l’élevage et l’engraissement. C’est la raison pour laquelle les vaches devraient bénéficier d’un approvisionnement en sélénium au cours de la période qui précède le vêlage.
Bien que le sélénium soit un élément trace, il joue un rôle indispensable pour le corps, si bien qu’une carence (concentration sanguine < 50 μg / l) a de graves conséquences sur la santé animale. Mais attention : un surdosage en sélénium peut être mortel. Il est donc primordial de respecter les doses recommandées de 0,15 mg / kg de matière sèche ( MS ) pour une génisse et de 0,2 mg / kg MS pour les vaches. Les vaches avec des valeurs sanguines supérieures à 120 μg / l ont moins de problèmes de rétention placentaire et présentent un meilleur taux de fertilité que celles qui souffrent d’une carence en sélénium. Une vaste étude réalisée en Norvège a démontré que les vaches correctement approvisionnées en sélénium souffrent moins de mammites, de kystes ovariens et de chaleurs silencieuses. Les scientifiques ont découvert que le sélénium ne jouait pas seulement un rôle protecteur pour les cellules immunitaires, mais également pour les ovules et les spermatozoïdes des bovins. De plus, il contribue au développement des follicules et donc à la fertilité. Par ailleurs, chez les primipares, on a constaté un lien entre la concentration en sélénium dans le sang et les numérations cellulaires. Les vaches qui bénéficient d’un approvisionnement suffisant en sélénium affichent une meilleure santé de la mamelle que celles qui souffrent d’une carence en cet élément. Exprimé sur l’ensemble de la lactation, un approvisionnement suffisant en sélénium s’est traduit par 36 % de mammites cliniques en moins, des mammites de plus courtes durée dans 48 % des cas, et 70 % de vaches en moins avec un nombre élevé de cellules. Même le nombre de cellules dans le tank a diminué.
Complémentation en sélénium
Chez les vaches et les génisses, on assurera donc un approvisionnement constant en sélénium avec un sel minéral adéquat. La complémentation de la ration devrait débuter lorsque les bovins sont encore jeunes et être assurée en permanence, même pendant l’estivage ! Les agriculteurs disposent de plusieurs solutions. La plus fréquente consiste à distribuer des minéraux ou à installer des pierres à lécher riches en sélénium. Il est également possible d’administrer un bolus libérant du sélénium progressivement dans la panse. On pourrait aussi envisager l’utilisation d’engrais riches en sélénium pour augmenter la teneur des végétaux, mais un tel engrais n’existe pas actuellement sur le marché en Suisse. L’absorption de sélénium par l’intermédiaire des plantes étant un processus complexe, nous recommandons de procéder à une distribution directe à l’animal.
En principe, on peut distribuer du sélénium sous forme organique ou inorganique aux animaux. Les formes organiques sont également appelées levures de sélénium. Elles sont métabolisées dans la panse, liées à la protéine microbienne ou absorbées dans l’intestin. Les vaches recevant du sélénium sous forme organique présentent une concentration plus élevée de cet oligo-élément dans tous les tissus corporels. Les formes inorganiques entrent dans la composition d’enzymes importants, mais présentent une faible disponibilité biologique pour les vaches. La plupart des minéraux contiennent à la fois des formes organiques et inorganiques. Favoriser la santé animale et les performances sur une exploitation implique de distribuer les minéraux contenant du sélénium à un stade précoce. La complémentation des rations pour bétail a aussi un impact sur la santé humaine : l’être humain absorbe en effet 50 % de ses besoins en sélénium en consommant des produits d’origine animale. L’approvisionnement en sélénium est donc important pour la santé animale et humaine, et rentable pour l’agriculteur.
Auteure med. vet. Denisa Dan, Faculté Vetsuisse, 3001 Berne, vétérinaire auprès du Service Sanitaire Bovin