En bref
– Les progrès de la sélection sont grands ; il est difficile de concilier les impératifs (rendement, teneur en sucre et résistances).
– Par rapport à Rhinema, avec Xerus, le rendement en racines a crû de 11,3 t/ha et la teneur en sucre, de 0,3 % ; le rendement financier brut a agumenté de 830 fr.
– Les nouvelles variétés résistantes à la cercosporiose présentent un bon rendement en sucre.
En Suisse, la culture de betteraves sucrières est sous pression, l’intérêt pour cette culture ayant massivement diminué au cours des dernières années (20 000 ha en 2016 contre 15 868 ha en 2022). Fort heureusement, avec 16 420 ha, la surface cultivée a légèrement augmenté en 2023. Cette hausse tient probablement aux facteurs suivants : prix nettement plus élevé (+ 8 fr./t), meilleure sécurité financière face à de potentielles pertes de rendements (grâce à des primes supplémentaires) et variétés plus adaptées.
La santé des plantes : un véritable défi
Très rares jusqu’en 2018, des ravageurs et des virus provoquent actuellement le jaunissement des champs, s’accompagnant de faibles teneurs et rendements en sucre. Les principaux responsables sont la cicadelle Pentastiridius leporinus, venue de France, et les pucerons, dont les attaques sont plus fortes. En outre, le seul produit de traitement des semences restant, « Force », ne permet plus un contrôle suffisant des altises, tipules et autres ravageurs du sol.
Les alternatives à la lutte chimique sont vivement recherchées mais se font malheureusement rares. Offrant la meilleure solution pour une culture betteravière performante, la sélection de variétés multi-tolérantes au plus grand nombre possible de tous les organismes susmentionnés est de mise. Alors que la suppression d’une substance active homologuée se fait généralement rapidement, sélectionner une variété dure au moins dix ans et coûte plusieurs millions d’euros. De plus, il faut déjà connaître des gènes de résistance efficaces et pouvoir les utiliser directement.
Sélectionner une variété coûte plusieurs millions d’euros.
Progression du rendement en racines
Le progrès génétique de la betterave sucrière est considérable et n’est comparable à aucune autre culture : en Suisse, les rendements en racines sont passés de 45 - 50 t / ha dans les années 1960 à 70 - 80 t / ha en 2007. Ils ont ensuite stagné dans la pratique jusqu’en 2017, et ce, pour de multiples raisons. Durant cette période, la recherche s’est concentrée sur la teneur en sucre, comme l’illustrent les variétés Robinson ou Hannibal, et non sur le rendement en racines par hectare. Réussir à combiner teneur en sucre élevée et haut rendement en racines constitue un casse-tête pour la sélection. Le progrès génétique est minime pour la teneur en sucre, tandis qu’il peut atteindre 1,5 % par an pour le rendement en racines.
En Suisse romande, depuis 2018, la teneur en sucre a globalement diminué de 2 % et le rendement en racines, de 6,5 t/ha par rapport à la moyenne des dix années précédentes (2007-2017). Cette forte baisse est due à l’augmentation du syndrome des basses richesses (SBR) et à la jaunisse virale (surtout en 2020). Depuis 2019, le CBS recommande des variétés plus adaptées pour les zones infestées par le SBR, la première étant la variété Rhinema, autorisée dans l’UE. Depuis 2020, des variétés candidates sont testées dans un réseau d’essais distinct ; la première liste de variétés SBR a été publiée pour la culture de 2022. Les résultats obtenus sur deux ans indiquent que Xerus est la variété la plus performante en cas d’infestation par le SBR. Avec cette variété (par rapport à Rhinema), le rendement en racines a crû de 11,3 t/ha et la teneur en sucre, de 0,3 % ; quant au rendement financier brut, il a augmenté de 830 francs. En revanche, les variétés Smart actuelles ne sont pas adaptées à la culture dans des zones touchées par le SBR : par rapport à la variété Rhinema, la teneur en sucre a baissé de 1,1 % en moyenne sur deux ans (pour un rendement en racines identique) ; s’agissant du rendement financier brut, il a même diminué de 100 fr.
Meilleure santé du feuillage
L’amélioration de la santé du feuillage est un autre jalon de la sélection des 20 dernières années. Première variété résistante à la cercosporiose, Lucata est arrivée sur le marché en 2006. Elle a été suivie par Budera en 2008 et Elaina KWS en 2011. Au départ, la résistance s’obtenait au détriment du rendement. Ces variétés ont connu un succès modéré sur le marché, car leur niveau de rendement était très bas en l’absence de cercosporiose et que des fongicides efficaces étaient disponibles. Samuela KWS a été la première variété modérément tolérante et davantage axée sur le rendement (à partir de 2013). La santé du feuillage de la variété Hannibal, très riche en sucre, s’est révélée insuffisante. Celle de l’ensemble du portefeuille de variétés s’est améliorée dès 2017, passant de sensible à modérément tolérante. Les variétés modérément tolérantes parviennent mieux à stabiliser le rendement lorsque la pression des maladies est faible à moyenne. Entrée dans la liste variétale en 2020, Novallina KWS est la première variété hautement tolérante avec un potentiel de rendement élevé sur les surfaces avec et sans pression de maladies.
Il y a une dizaine d’années, KWS a trouvé une nouvelle source de résistances qui procure un niveau de résistance encore plus élevé, avec un feuillage vert jusqu’à la récolte, et des performances élevées avec et sans attaque. Les variétés possédant cette caractéristique sont nommées CR+. Le problème de « la résistance à la cercosporiose au détriment du rendement » est ainsi résolu. La première variété CR+ a commencé à être cultivée en Suisse en 2022 (Escadia KWS). Deux autres variétés CR+ sont disponibles en 2023 (Interessa KWS & BTS 1740).
Notre conseil
Comment lutter contre la cercosporiose avec les nouvelles variétés ?
La cercosporiose se propage plus ou moins fortement et rapidement en juillet en fonction des conditions météorologiques, du microclimat de la culture, de la densité de peuplement ainsi que de la répartition et de la tolérance des variétés. Les feuilles desséchées, contenant les organes de survie du champignon, constituent l’inoculum de départ l’année suivante. Chaque année, la lutte est plus difficile. En effet, on dispose de toujours moins de substances actives fongicides, et l’efficacité des deux triazoles restants baisse. Une gestion durable et à long terme des résistances est impérative afin de protéger les fongicides restants et les gènes de résistance. Pour cela, il est important que le feuillage reste vert jusqu’en automne. La culture des nouvelles variétés performantes et hautement tolérantes à la cercosporiose, associée à une protection fongicide ciblée, permet d’y parvenir. Comme jusqu’à présent, toutes les variétés doivent être traitées avec des fongicides lorsque le seuil d’intervention est atteint. La maladie évoluant nettement plus lentement chez les variétés CR+, la première intervention s’effectue environ une à deux semaines plus tard et l’intervalle entre deux traitements peut aussi être allongé suivant la pression de la maladie, permettant d’économiser un à plusieurs traitements fongicides jusqu’en automne. Le contrôle des champs reste important, aussi avec les variétés CR+. L’application BetaSwiss permet d’activer un rappel pour le contrôle.