Il faut davantage d’avoine, tant conventionnelle que bio. Originaire du bassin méditerranéen, l’avoine cultivée (Avena sativa) convient très bien aux emplacements frais et humides sous nos latitudes. Cependant, parent pauvre des cultures, cette céréale a pendant longtemps été très peu cultivée. Alors considérée comme un aliment pour chevaux, elle était consommée par les Suisses tout au plus dans le muesli du petit-déjeuner – et était généralement de production étrangère. Alors qu’on en cultivait encore un peu plus de 10 000 hectares en 1990, la surface d’avoine cultivée a diminué de plus de 85 % pour passer à quelque 1500 hectares en 2014. En comparaison, le blé poussait sur 97 228 hectares en 1990 et 83 183 hectares en 2014 (source : Office fédéral de la statistique, OFS).
Aujourd’hui, la tendance s’est toutefois inversée : grâce à la progression des régimes alimentaires vegans, végétariens et flexitariens, la demande en avoine et en produits à base d’avoine ne cesse d’augmenter.
Cette nouvelle tendance est bénéfique pour l’agriculture suisse, car les consommateurs·trices, majoritairement urbains, privilégient les produits à base d’avoine biologiques et régionaux. Ainsi, en 2022, la surface d’avoine cultivée est remontée à 2000 hectares et la marge de progression est encore grande. Des producteurs·trices d’avoine, bio et conventionnelle, sont recherchés. Ils sont nombreux à oser réintroduire cette culture sur leur exploitation après plusieurs années sans avoine (voir l’entretien avec Christoph Steiner).
En fonction de la situation, l’avoine est récoltée après l’orge et le colza mais un peu avant le blé et l’épeautre. Lors de la récolte de l’avoine à flocons, il faut impérativement veiller à ce que l’humidité de la culture soit inférieure à 14,5 % ou à sécher cette dernière, faute de quoi une odeur de moisi peut se développer, entraînant le déclassement de la récolte en a voine fourragère. Une fois moissonnée, l’a voine à flocons est transférée dans le canal alimentaire, où elle est prise en charge par les transformateurs (voir l’entretien avec Mathias Bühler).
Notre conseil
Informations sur l’avoine
Les personnes souhaitant se lancer dans la culture de l’avoine trouveront de plus amples informations sur Internet.
Pour les producteurs·trices
– Fiche technique d’IP-Suisse
– Agridea: Agriculture biologique, classeur de fiches techniques
– Liste variétale des céréales bio 2023 www.fibl.org ➞ Recherche ➞ 1374
– Un essai variétal comprenant diverses variétés d’avoine à flocons (cinq d’automne et trois de printemps) a aussi pu être réalisé en 2022 au Strickhof. 2022 a été une très bonne année pour les essais bio sur le site du Strickhof. Des informations détaillées et les résultats de l’essai sont disponibles ici (en allemand)
«L’avoine complète idéalement la rotation sur mon exploitation»
Christoph Steiner exploite un domaine de grandes cultures avec une cinquantaine d’hectares de surfaces agricoles utiles (SAU) et 30 vaches allaitantes. L’exploitation respecte le cahier des charges de Bio Suisse depuis cinq ans. Christoph Steiner mise sur une rotation diversifiée, avec du blé, de l’épeautre, des pois, des courges comestibles, du maïs grain et des prairies artificielles. Il cultive en outre de l’avoine sur deux hectares.
Revue UFA : Monsieur Steiner, comment cultivez-vous l’avoine ?
Christoph Steiner : Je cultive de l’avoine d’automne, car les hivers sont doux ici ; de plus, les variétés d’automne sont plus productives et leur poids à l’hectolitre plus élevé. Je ne vois donc pas de raison de cultiver de l’avoine de printemps.
Qu’est-ce qui vous a motivé à cultiver de l’avoine ?
Je cultive de l’avoine pour plusieurs raisons : tout d’abord, c’est une céréale idéale pour notre région, car nous nous trouvons aux portes de l’Oberland zurichois et bénéficions d’un peu plus de précipitations et d’humidité que d’autres exploitations du Plateau. De plus, l’avoine est une culture assainissante idéale pour moi, qui me permet d’alléger la rotation chargée en céréales et ne transmet pas de maladies du blé et de l’épeautre, notamment le piétin-verse. Il m’importait aussi de produire à nouveau une culture destinée à l’alimentation humaine. Le consommateur souhaite de l’avoine ; pourquoi ne pas en produire localement plutôt que d’en importer ? Cela a du sens pour moi et j’ai voulu saisir cette opportunité.
Quels inconvénients voyez-vous dans la culture d’avoine ?
Je cultive de l’avoine d’automne. Le seul inconvénient observé jusqu’à présent sur mon exploitation est qu’avec cette céréale supplémentaire, je favorise les graminées qui germent en automne.
Comment se dessine l’avenir pour la culture d’avoine sur votre exploitation ?
Sur mon exploitation, les rendements sont corrects et le prix bio aussi (2022 : 87 fr./dt). La paille fournie par l’avoine est très tendre et est même en partie consommée par les animaux. Je suis dans l’ensemble satisfait de cette culture et prévois donc d’en augmenter la surface à l’avenir.
Données techniques de C. Steiner
Semis : début octobre, densité de semis : env. 350 grains par m
Désherbage : en automne, 1 - 2 passages avec la herse étrille (suivant l’état du sol), au printemps aussi herse étrille si nécessaire
Roulage : au début de la montaison, un passage avec un rouleau lisse afin d’améliorer la résistance à la verse (CD 30)
Fumure : viser 70 - 80 kg N au printemps, dès que possible 1 × 30 m 3 de jus de pressage puis, au début de la montaison (CD 30), 2 kg / are d’engrais Bio Enne.
« L’avoine, une évidence »
Mathias Bühler est le gérant du bar à café et de l’entreprise de torréfaction Adrianos, à Berne. En raison de la forte demande, il a lancé avec son partenaire commercial (d’abord sous forme de projet privé) la première boisson à l’avoine bio suisse, « Gutsch », servie avec le café dans son établissement.
Revue UFA : Mathias Bühler, d’où vous est venue l’idée de produire vous-même une boisson à l’avoine ?
Mathias Bühler : C’est le café qui a fait germer l’idée de cette boisson à l’avoine. En tant que gérants de cafés, nous souhaitons offrir une alternative au lait de vache à celles et ceux qui le demandent. Une proportion importante des boissons à l’avoine sont importées de l’étranger, ce à quoi nous n’adhérons pas. Nous voulions servir à nos clients une boisson à l’avoine bio produite en Suisse, et c’est ainsi que « Gutsch » est née.
Une boisson à l’avoine et du café : est-ce compatible pour un grand amateur de café ?
Très certainement ! Grâce à son goût neutre, l’avoine se marie très bien avec le café et produit une très belle mousse. Le fait qu’il s’agisse d’une ressource indigène et que nous utilisions l’intégralité du grain pour la fabrication de boissons à l’avoine sont des éléments qui nous séduisent aussi. Nous estimons donc que cette boisson à l’avoine a du sens, car cette céréale indigène nous permet de suivre les tendances tout en augmentant le degré d’auto-approvisionnement de ce produit et en restant innovant.