Les consommateurs et consommatrices suisses souhaitent des alternatives indigènes à l’huile de palme. En conséquence, la demande en huile de colza et de tournesol suisse augmente constamment. Jusqu’à présent, la production suisse a permis d’y répondre. Les huileries ont néanmoins dû faire face à une nouvelle problématique : la matière première livrée contient souvent trop de corps étrangers et de grains cassés.
Taux d’impuretés trop élevé
A la saison 2019 / 2020, le taux d’impuretés (corps étrangers, morceaux de tige et terre) des lots livrés était nettement plus élevé que les années précédentes. « 2019 a été une mauvaise année pour la récolte de tournesol », résume Fortunat Schmid, membre de la Direction de l’unité d’activité Céréales, oléagineux, matières premières de fenaco. En effet, durant la récolte, les conditions météorologiques n’ont pas été idéales. Un peu partout, les tournesols ont dû être battus alors qu’ils n’avaient pas encore atteint le stade de maturité optimal. Ils ont été livrés aux centres collecteurs avec de forts taux d’impuretés. Rolf Häusler, de l’Association des centres collecteurs collectifs de Suisse, le confirme : « En septembre, le battage a été laborieux. » Par conséquent, un plus grand nombre de corps étrangers se sont retrouvés mélangés à la récolte. Il devient alors compliqué de régler la moissonneuse-batteuse de manière à éviter trop de pertes de grains tout en limitant la part de corps étrangers. R. Häusler s’inquiète du fait qu’il y a de moins en moins de variétés précoces. Les producteurs sèment des variétés plus tardives, qui ne sont pas toujours prêtes pour le battage au moment de la récolte.
« Le tournesol doit être semé fin mars.» Jacob Widmer
Un problème qui se répercute
Les centres collecteurs ont de la peine à éliminer les impuretés avec leurs équipements sans entraîner la perte de nombreuses graines de bonne qualité. « Le tournesol est la culture la plus difficile à nettoyer », affirme Rolf Häusler. Les graines font à peu près le même poids que les corps étrangers ; il est difficile de les nettoyer au moyen d’un séparateur aéraulique. Le problème se répercute alors sur l’huilerie, qui reçoit une marchandise non conforme aux conditions de prise en charge. En 2019, une huilerie n’a pas toléré les taux d’impuretés trop élevés, ne pouvant nettoyer les graines de tournesol concernées. Au lieu de réexpédier la marchandise, elle s’est montrée conciliante, et un compromis a été trouvé sur les réfactions appliquées. Lorsque l’on transforme ce genre de lots en huile comestible, des résidus indésirables subsistent dans le produit fini, ce qui se ressent ensuite au niveau de la qualité et du goût. L’aspect financier entre aussi en ligne de compte si, dans le lot, les corps étrangers sont facturés au même prix que les grains.
Directives de Swiss granum sur les corps étrangers dans la récolte de tournesol
Sont considérés comme corps étrangers : grains de céréales (blé, orge, seigle, triticale, maïs, etc.), autres grains d’oléagineux, débris de végétaux, ivraie, terre et pierre. Les lots dont les corps étrangers excèdent 3 %, qui sont atteints de moisissures (également sclérotes) ou qui dégagent une forte odeur de moisi, sont exclus de la prise en charge. La part des grains cassés dans le tournesol doit être prise en considération. Elle est ajoutée aux corps étrangers car l’huile de grains cassés devient rance.
• Jusqu’à 1 % de corps étrangers et de grains cassés = pas de réfaction sur le prix
• 1,1 à 2 % = 1 % de réfaction
• 2,1 à 3 % = 2 % de réfaction
• Plus de 3 % = exclu de la prise en charge
Une stratégie commune
La problématique est aujourd’hui reconnue. Il s’agit maintenant de relever les aspects importants et les améliorations possibles dans toute la filière, en vue de livrer aux huileries une matière première irréprochable. Ainsi, la mauvaise année de 2019 resterait une exception. Chaque acteur de la filière peut et se doit de participer efficacement à l’effort collectif. Du côté des producteurs, prenons l’exemple de Jacob Widmer, agriculteur et entrepreneur en travaux agricoles possédant 25 ans d’expérience dans la culture du tournesol. Pour limiter au maximum le volume de corps étrangers, il souligne un premier point : « La récolte commence par le semis. Le tournesol doit être mis en terre fin mars. » J. Widmer explique que la culture peut être récoltée entre fin août et début septembre. Il sait que la récolte peut alors présenter un taux d’humidité de 10 %, qui diminue à 6 % grâce au séchage. Il insiste sur l’importance de contrôler régulièrement la culture afin d’estimer son degré de maturité. « Même si l’on craint le mauvais temps et le fait que le sol ne soit pas praticable, il ne faut pas commencer la récolte trop tôt. » Afin de pouvoir récolter le plus tôt possible, il vaut mieux choisir une variété plus précoce, surtout si la région ne se prête pas spécialement à cette culture. Les conseillers d’UFA Semences peuvent renseigner les productrices et producteurs sur les différentes variétés. En outre, la densité de semis doit être optimisée de telle sorte que les capitules ne soient pas trop gros ou trop lourds et que la tige ne ploie pas. Il est souhaitable d’effectuer, à son échelon, un contrôle qualité après le battage.
L’étape suivante fait intervenir les entreprises de moissonnage-battage. Dans la pratique, on utilise souvent des barres de coupe à maïs pour la récolte, ce qui entraîne un fort taux d’impuretés. Une tête de récolte adaptée au tournesol est donc préférable. La culture du tournesol n’étant pas très courante dans l’agriculture suisse, la technique de récolte n’est pas aussi perfectionnée que pour d’autres cultures. Les moissonneuses-batteuses de grande dimension sont ce qu’il y a de plus adapté. Elles permettent d’optimiser les réglages pour les capitules des tournesols et d’ouvrir suffisamment les grilles. Les têtes de récolte dotées d’un broyeur de tiges permettent une hauteur de coupe maximale pour éviter de récupérer trop de tiges et gagner en qualité.
A la livraison, les centres collecteurs pourraient appliquer des réfactions selon le taux d’impuretés, dans le but de compenser la perte de poids au nettoyage. Cette mesure n’améliorerait certes pas la qualité à court terme, mais elle inciterait les producteurs et les entreprises de moissonnage à accorder plus d’attention à la qualité du battage l’année suivante. En outre, les centres collecteurs pourraient adapter leur dispositif de nettoyage aux tournesols. Un nettoyage des grilles permettrait d’atteindre le bon rendement. Enfin, il est conseillé de contrôler encore une fois le taux d’impuretés avant le chargement. Si le problème ne peut être solutionné aux échelons précédents, les conditions de prise en charge de Swiss granum devraient éventuellement être revues. Il faudrait alors que l’ensemble des partenaires de marché s’accordent entre eux pour relever les limites, avec d’éventuelles réfactions. Mais la branche n’en est pas encore là. Rolf Häusler reste confiant : « Nous y arriverons ! »
Comment réduire le taux d’impuretés ?
• Semer à temps et choisir des variétés précoces.
• Equiper une grande moissonneuse-batteuse d’une tête de récolte pour tournesol et d’un broyeur de tiges.
• Définir une hauteur de coupe élevée et régler parfaitement les grilles.
• Dans les centres collecteurs, adapter le dispositif de nettoyage au tournesol.
• Les centres collecteurs doivent, le cas échéant, appliquer une réfaction selon le taux d’impuretés de la marchandise.
• Contrôler la présence de corps étrangers à tous les échelons.
Informations supplémentaires
Surfaces cultivées et autres données sur swissgranum
Fiches technique - Grand Culture de agridea
UFA-Revue (2017) Article sur le tournesol en tant que culture intéressante