Nouvelles méthodes de sélection végétale
Définition de l’OGM
La loi sur le génie génétique définit l’OGM (organisme génétiquement modifié) de la manière suivante:
« Par organisme génétiquement modifié, on entend tout organisme dont le matériel génétique a subi une modification qui ne se produit pas naturellement, ni par multiplication ni par recombinaison naturelle. » (Art. 5, al. 2)
Les nouvelles variétés de plantes doivent être des championnes. On exige d’elles des rendements élevés et stables, de la robustesse et la résistance aux ravageurs et aux maladies. Elles doivent par ailleurs ménager les ressources et être adaptées au site. Et satisfaire en outre des exigences qualitatives en matière de constituants et de goût. Adapter une plante aux désirs de l’homme est un processus long et coûteux. Ces dernières années, de nouvelles techniques sont venues compléter les méthodes de sélection classiques, permettant d’accélérer et de simplifier le processus.
Méthodes classiques
Les plantes sauvages ont souvent des propriétés qui manquent aux plantes cultivées. Cela peut être une résistance à un champignon parasite. Dans la sélection classique, on croise des plantes sauvages apparentées avec des plantes cultivées. Leurs descendants sont ensuite sélectionnés en fonction des propriétés recherchées. Comme ces descendants mélangent les gènes des deux parents, on y trouve aussi des propriétés de la plante sauvage que l’on ne souhaite pas conserver. Ces indésirables doivent être éliminées par rétrocroisement, sans que la plante perde la résistance acquise par croisement. Ce processus est long: le développement d’une nouvelle variété par croisement et sélection demande en moyenne entre dix et vingt ans.
D’autres méthodes qui se sont imposées sont la sélection hybride et la sélection par mutation. Dans cette dernière, des mutations aléatoires sont provoquées par irradiation ou au moyen de produits chimiques.
Sélection à l’aide de marqueurs
Pour épauler la sélection végétale classique, on utilise des technologies modernes. Dans la sélection classique, on cultive les descendants en plein champ et on évalue le résultat. Maintenant, on prélève des échantillons de feuilles sur chaque plante, dont on analyse l’ADN en laboratoire à l’aide de marqueurs moléculaires. Un marqueur est une séquence du génome de la plante que l’on peut mettre en évidence plus facilement qu’un gène. Ces marqueurs simplifient la recherche d’un gène responsable d’une certaine caractéristique, par exemple la résistance à une maladie fongique. On peut ainsi utiliser pour la poursuite de la sélection uniquement des plantes qui possèdent la caractéristique souhaitée.
La sélection assistée par marqueurs ne modifie pas le patrimoine génétique de la plante. La technique permet de définir rapidement ses caractéristiques, rendant la sélection plus efficiente. Les personnes critiques à l’égard du génie génétique signalent toutefois que les marqueurs utilisés sont souvent produits à l’aide d’organismes génétiquement modifiés.
Génie génétique
Avec le génie génétique, on introduit de nouveaux gènes dans l’ADN de la plante. En l’occurrence, les barrières naturelles empêchant le croisement interspécifique sont franchies. Cela signifie que les gènes possédant les propriétés souhaitées peuvent provenir d’autres espèces de plantes ou d’autres organismes comme les bactéries. Il existe diverses méthodes de transgenèse. Mais pour toutes, il est indispensable d’identifier et d’isoler le gène avant de le transplanter.
Un exemple bien connu de plante transgénique est le maïs Bt, qui résiste à la pyrale du maïs parce qu’on lui a implanté des gènes provenant de la bactérie Bacillus thuringiensis. Cette variété de maïs est surtout cultivée aux Etats-Unis et en Amérique du Sud, et dans une moindre mesure dans certains pays européens. En Suisse, la culture des plantes génétiquement modifiées est interdite. Un moratoire est en vigueur jusqu’en 2021. Les essais avec des organismes génétiquement modifiés (OGM) à des fins de recherche doivent bénéficier d’une Auteurisation de la Confédération. Par ailleurs, les produits obtenus à partir d’OGM doivent être déclarés.
Nouvelles méthodes
Ces dernières années, le développement de nouvelles méthodes de sélection végétale a beaucoup progressé. Cette dénomination regroupe diverses techniques, recourant toutes à l’information génétique.
Ces derniers temps, on parle surtout d’« édition génomique » et de « Crispr/Cas9 ». Par édition génomique, on entend la modification ciblée de l’ADN des plantes, telle qu’elle pourrait se passer au hasard des mutations naturelles. On n’introduit donc pas de gènes étrangers dans la plante. Le système enzymatique Crispr/Cas9 est un auxiliaire possible de l’édition génomique. Il s’agit de « ciseaux moléculaires » qui coupent l’ADN à un endroit défini. Les cellules possédant un système de réparation, elles recollent les deux brins d’ADN séparés. On peut donc modifier ou supprimer certains éléments de l’ADN. Il est aussi possible de raccourcir les séquences d’ADN.
Comme l’édition génomique n’introduit pas dans la plante de nouvelles grandes séquences d’ADN, celles-là ne diffèrent pas des plantes qui apparaissent dans des conditions naturelles.
Dans le contexte des nouvelles méthodes de sélection végétale, on parle aussi de plantes cisgéniques. La sélection est opérée comme avec les plantes transgéniques, à la différence près que les plantes cisgéniques ne possèdent pas de fragments d’ADN étrangers à l’espèce. Ces plantes auraient donc pu théoriquement aussi apparaître dans la nature.
Législation
Les plantes issues des nouvelles méthodes de sélection végétale ne contiennent pas d’ADN étranger. Dans le produit final, on ne peut pas les distinguer de celles issues de la sélection classique par des moyens naturels. La question se pose donc: ces plantes doivent-elles oui ou non être soumises à la loi sur le génie génétique (voir encadré pour la définition de l’OGM)? On discute actuellement pour savoir si la classification comme OGM doit être basée sur la méthode de production ou sur le produit final.
Un débat controversé
L’Association Stratégie Qualité a organisé le 8 septembre dernier une conférence consacrée aux chances et aux risques liés aux nouvelles méthodes de sélection végétale. Les intervenants ont notamment débattu de l’opportunité de soumettre les plantes qui en sont issues à la loi sur le génie génétique.
Anne Willemsen, secrétaire générale de la Commission fédérale d’éthique pour la biotechnologie dans le domaine non humain, a expliqué qu’avant de les catégoriser juridiquement, il faut évaluer les risques liés à ces nouvelles méthodes. D’où la nécessité de la recherche sur les risques et de l’analyse de ces derniers.
Michael Winzeler, d’Agroscope, a présenté quelques projets de recherche, notamment sur des pommes de terre cisgéniques résistant au mildiou. En général, les méthodes de sélection sont très diverses; ce qui a fait dire à Winzeler qu’une catégorisation n’est guère justifiable. Il a donc plaidé pour une analyse des risques liés au produit final. Juan Gonzales-Valero, de Syngenta, voit dans ces nouvelles méthodes une chance pour une agriculture plus durable (p. ex. grâce à la possibilité de réduire l’emploi des pesticides). Urs Niggli, du FiBL (Institut de recherche de l’agriculture biologique), ne voit pas de contradiction entre les plantes améliorées par les nouvelles méthodes et les objectifs d’une agriculture durable. La sélection bio vise les mêmes buts, mais avec des méthodes différentes. Toutefois, Urs Niggli considère que ces nouvelles technologies ne sont pas utilisables en production biologique, en raison du principe d’intégrité du génome en sélection biologique et de la nécessité de maintenir la transparence du processus de sélection.
Auteure
Verena Säle, Revue UFA, 8401 Winterthour