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Production végétale

Les cicadelles se répandent

Pathologie émergente des betteraves sucrières en Suisse, le SBR est une nouvelle menace pour les betteraviers. Jusqu’à présent, une protéobactérie était considérée comme le principal agent pathogène ; un deuxième agent pathogène, connu sur les pommes de terre, a maintenant été découvert en Allemagne. Ils sont tous deux transmis par des cicadelles.

Une cicadelle 
Pentastiridius leporinus(en haut) suce les feuilles des betteraves sucrières, les infectant par la même occasion ; un champ de...

Une cicadelle Pentastiridius leporinus(en haut) suce les feuilles des betteraves sucrières, les infectant par la même occasion ; un champ de betteraves sucrières (à gauche) présentant la coloration jaune classique due au SBR.

Publié le

Collaboratrice scientifique, Centre betteravier suisse

Texte : Madlaina Peter  Photos : CBS

En bref

Pentastiridius leporinus est aussi présente en Suisse orientale ; là, elle n’est le plus souvent pas porteuse d’agents pathogènes.

– Les cicadelles peuvent transmettre deux agents pathogènes ; l’Allemagne a connu en 2023 une épidémie de betteraves caoutchouteuse, causée par le phytoplasme du Bois noir.

– Il existe des variétés tolérantes au SBR, dont il faut maintenant vérifier la tolérance au phytoplasme mentionné.

Une cicadelle de moins d’un centimètre est responsable du fait que, depuis 2017, les champs de betteraves sucrières de Suisse romande jaunissent à la fin de l’été, présentant tous les signes du syndrome des basses richesses (SBR), diminuant de plusieurs points de pourcentage la teneur en sucre. En 2023, dans les régions du sud de l’Allemagne frappées par le SBR, les racines sont de plus devenues caoutchouteuses. Que s’est-il passé ? La cause de ce phénomène est la bactérie Candidatus Phytoplasma solani, aussi connue sous le nom de phytoplasme du stolbur (ou du Bois noir), présent notamment sur les solanacées cultivées, comme la pomme de terre.

Deux agents pathogènes associés

Le SBR sur les betteraves sucrières a été décrit pour la première fois en France en 2002. Deux agents pathogènes avaient déjà été identifiés à l’époque : le phytoplasme du Bois noir ( Candidatus Phytoplasma solani) et une protéobactérie ( Arsenophonus phytopathogenicusi). La protéobactérie a été définie comme le principal agent pathogène. Jusqu’en 2021, les betteraves sucrières dans les régions d’Allemagne et de Suisse touchées par le SBR étaient avant tout infectées par la protéobactérie en question. Depuis 2023, on observe une infection mixte par cette protéobactérie et une très forte proportion de phytoplasme du Bois noir, ce qui, combiné à la sécheresse et à la population extrêmement élevée de cicadelles, a conduit à l’épidémie de betteraves caoutchouteuses de 2023.

Les cicadelles, vectrices de la maladie

La cicadelle Pentastiridius leporinusa été identifiée comme le principal vecteur du SBR dans les betteraves sucrières. Les adultes proviennent en premier lieu des cultures de blé et pénètrent dans les cultures de betteraves sucrières au début de l’été à partir d’une somme de températures de 750° C (en mai ou juin). Les œufs sont pondus par les femelles dans le sol, les racines des betteraves et du blé d’automne semé ensuite servent de nourriture aux nymphes écloses.

La transmission des protéobactéries à la plante ne se fait pas seulement par les cicadelles adultes, mais aussi par les nymphes. Ces dernières absorbent les protéobactéries sur les racines infectées des plantes et les transmettent, la charge bactérienne augmentant au cours de leur développement. Elles sont donc les véritables moteurs de la propagation de la maladie et, en raison de leur mode de vie souterrain pendant des mois, il est très difficile de les combattre.

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Un champ de betteraves infecté par le phytoplasme du Bois noir en Allemagne (à dr.). Les betteraves atteintes deviennent caoutchouteuses (à g.). 

Propagation de la cicadelle

Le « tableau clinique » du SBR est très complexe, du fait de la présence de la protéobactérie et du phytoplasme du Bois noir. Après la première apparition, le Centre betteravier suisse (CBS) a mis sur pied un projet de recherche de quatre ans (2020 - 2024) en collaboration avec Agroscope et avec le soutien financier de l’OFAG. Dans ce cadre, Agroscope a établi le diagnostic pour l’identification et la quantification des agents pathogènes. Le suivi réalisé par Agroscope confirme la propagation constante de la cicadelle vers l’est (2023 jusqu’à Oensingen) et dans le Jura (à partir de 2022). Contrairement à l’Allemagne, le principal agent pathogène reste ici la protéobactérie. Pour la première fois en automne 2023, quatre plantes suspectes jaunies des cantons de Zurich et de Thurgovie se sont également avérées infectées par elle. C’est pourquoi le CBS a installé cet été des pièges à glu sur 18 sites dans les cantons de Zurich, Thurgovie et Argovie. Et comme on trouve ce que l’on cherche, les premières cicadelles de Suisse orientale ont été piégées fin juin / début juillet et ont été analysées en laboratoire pour détecter les deux agents pathogènes. Jusqu’au 5 juillet, 18 cicadelles ont été trouvées, dont 16 étaient des cixiidés ( Pentastiridius leporinus), les 2 restantes, des fulgores du stolbur ( Hyalesthes obsoletus). La plupart n’étaient pas porteuses de l’agent pathogène. Ce n’est que dans la région de Lenzbourg (zone de propagation du SBR d’ouest en est) que les premières cicadelles porteuses de la protéobactérie ont été trouvées. Dans l’Unterland zurichois, on a en outre trouvé une seule cicadelle porteuse du phytoplasme du Bois noir.

Mesures de lutte

La cicadelle est là et elle restera. La population de nymphes doit donc être maîtrisée. Il pourrait être possible d’y parvenir en modifiant l’assolement. Laisser le sol nu en hiver et semer une culture de printemps (comme le maïs) affament les nymphes en hiver, c’est ce que montre entre autres une étude de la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) dans le Chablais 2022. L’Alsace était considérée comme exempte de SBR, jusqu’à ce que le blé d’automne soit intégré dans la rotation betteravemaïs. Les éventuelles cultures dérobées ne doivent pas servir de nourriture à la cicadelle. En vol, cette dernière réagit aux champs chromatiques vert-brun et se pose dans les espaces vides. Une bonne structure du sol, une forte densité de végétation ainsi qu’un développement rapide des jeunes plantes offrent une protection. Après l’épidémie de betteraves caoutchouteuses, les activités de recherche sur le SBR ont été développées en Allemagne dans toutes les branches. Dans différentes régions modèles, les possibilités de lutte les plus diverses, telles que le travail du sol, la rotation des cultures, les répulsifs, les insecticides ainsi que le trempage des semences (blé d’hiver), sont testées de manière intensive.

La sélection mise à contribution

La possibilité de contrôle la plus efficiente dans les régions fortement infestées reste cependant toujours le choix d’une variété SBR adaptée aux conditions locales. Depuis 2020, le CBS effectue un examen séparé des variétés sur les sites infestés. Rhinema, la première variété SBR, a montré une teneur en sucre supérieure de 5 % par rapport au standard sensible (Satie). La réussite de l’essai se manifeste avec les variétés les plus récentes Fitis et Michelangelo : leur rendement supplémentaire s’élève à 1000 francs par hectare sous infestation. Les résultats pluriannuels montrent que toutes les variétés Conviso actuelles ne sont pas adaptées aux zones infestées par le SBR. En choisissant une variété Conviso, le planteur renonce au gain supplémentaire au profit du système herbicide. Jusqu’à présent, les essais se sont concentrés sur les variétés tolérantes à la protéobactérie, mais à l’avenir, les variétés devront également afficher un rendement stable lors d’une éventuelle infection par Phytoplasma solani.

En vol, les cicadelles réagissent aux champs chromatiques brun-vert.

Le cercle des hôtes s’élargit

La cicadelle profite manifestement du dérèglement climatique pour se propager. Il y a deux ans, Pentastiridius leporinusa été observée pour la première fois en Allemagne, y compris dans les pommes de terre. Une deuxième génération ayant même été observée chez notre voisin du nord en 2022, les talus bien ensoleillés pourraient être attractifs pour la ponte. En Suisse aussi, suite aux mauvais résultats de tests de cuisson de l’année dernière, un projet de recherche sur plusieurs années a été lancé pour les pommes de terre. La capacité d’adaptation de la cicadelle est très élevée, l’éventail des plantes hôtes et les causes de la propagation sont encore en grande partie inconnus. Des changements de stratégies insecticides sont également évoqués comme causes possibles. Comme pour les betteraves sucrières, il semble y avoir des différences entre les variétés de pommes de terre. Une fois de plus, la sélection est mise à contribution. Cependant, il ne s’agit plus depuis longtemps d’augmenter le rendement, mais de combiner le rendement avec les tolérances / résistances les plus diverses dans une variété qui, dans l’idéal, devrait déjà être dans les champs l’année prochaine. 

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