Le colza a le vent en poupe et cela se traduit par une augmentation de la demande des huileries, qui atteint 106 000 tonnes en 2021. Toutefois, malgré l’augmentation des surfaces cultivées en colza, les quantités produites sont restées en deçà des attentes, avec un tonnage de 88 000 tonnes en 2020. Ces rendements plus faibles au niveau national résultent en grande partie d’une pression élevée des ravageurs et des répercussions négatives des périodes de gel au printemps. Cela montre l’importance de la sélection et de l’étude variétale pour pouvoir cultiver des variétés adaptées à nos conditions climatiques et sanitaires.
La liste recommandée des variétés de colza
Elle est établie annuellement au cours d’une commission technique composée des représentants de la recherche, de la production, de la commercialisation, de la vulgarisation et de l’interprofession. Les études se basent sur des essais variétaux officiels menés en microparcelles ou en bandes. Pour qu’une variété soit inscrite à la liste recommandée (LR), elle doit être testée trois ans, puis proposée comme candidate et sélectionnée par la commission technique. Son inscription est nécessaire pour être commercialisée sous le label Suisse Garantie requis par les grandes huileries.
Qui sont les acteurs de l’étude variétale ?
Agroscope est mandaté par l’interprofession swiss granum pour prospecter auprès d’obtenteurs étrangers qui voudraient commercialiser leurs variétés en Suisse. Agroscope réalise aussi des essais en microparcelles, regroupe et analyse les résultats de tous les essais variétaux, propose des variétés candidates à la liste recommandée et rédige cette liste. Le choix des variétés à tester pour la nouvelle campagne est fait par un groupe d’experts au cours d’une conférence téléphonique début août, peu de temps avant les semis. La LR est ensuite établie en janvier à l’issue de la commission technique. Les acteurs de la filière (Forum Ackerbau, fenaco, FRI Jura) mènent des essais en bandes et diffusent la liste recommandée. Swiss granum participe à la publication de la LR et organise les commissions techniques et conférences téléphoniques.
Les avancées de la recherche
Les rendements en colza sont instables en raison, notamment, des dégâts de ravageurs. Aussi s’agit-il de maintenir un rendement suffisant pour les variétés HOLL tout en garantissant leur qualité (teneur en acide linoléique < 3 %). Enfin, des solutions alternatives doivent être envisagées pour pallier aux évolutions de réglementation des produits phytosanitaires et à l’apparition de nouvelles maladies. Le virus de la jaunisse du navet (TuYV, Turnip Yellow virus) reste par exemple à surveiller. Face aux problèmes croissants des dégâts de ravageurs et à la demande de la commission technique, Agroscope a mis en place en 2020 un protocole d’évaluation de la vigueur au départ des variétés. Le projet «Colors» (Colza cultivé en agriculture biologique et choix des variétés tolérantes aux Ravageurs en Suisse) débutant en 2021 permettra d’approfondir ce travail, en collaboration avec l’équipe Entomologie d’Agroscope. Agroscope a également lancé de nouvelles recherches sur le colza associé, dans le cadre du projet « Icaro » soutenu par Semences UFA, Agroscope et les producteurs d’huile Florin et Nutriswiss. Depuis 2018, des essais comparant différents mélanges de plantes de services associées au colza ont été mis en place sur le site de Changins et un réseau de 28 parcelles d’agriculteurs a été suivi dans les cantons de Vaud et de Genève. Les premiers résultats de ces expérimentations et suivis ont permis d’établir que la fixation et les apports d’azote permis par les mélanges d’espèces utilisés actuellement sont généralement assez faibles. En outre, les faibles rendements observés chez certains agriculteurs produisant du colza associé semblent principalement liés à la gestion extensive des ravageurs de printemps, contre lesquels les mélanges actuellement utilisés ne semblent pas avoir d’effet. Ces recherches permettront de contribuer à l’élaboration de recommandations pour permettre d’améliorer la capacité des mélanges futur à fournir de l’azote au colza sans compromettre leur capacité à gérer les adventices. D’autres recherches sont nécessaires pour la gestion des ravageurs de printemps en utilisant des plantes de services ou d’autres moyens. A ce sujet et en parallèle au projet « Icaro », le groupe Entomologie d’Agroscope a étudié l’impact potentiel des plantes associées au colza en sous-semis sur l’altise d’hiver du colza (Psylliodes chrysocephala) devenue particulièrement problématique ces dernières années, notamment suite à l’interdiction des enrobages de semences. Des résultats d’essais réalisés entre 2014 et 2018 à Changins ont permis de montrer que le sous-semis, quel que soit le mélange utilisé, a permis de réduire significativement l’impact des adultes sur les cotylédons et premières feuilles, certainement grâce à une confusion visuelle sur les adultes arrivant dans les champs. Malheureusement, ceci ne s’est pas confirmé sur le nombre de larves par plante au printemps. C’est pourquoi les recherches continuent pour améliorer le type de plantes à associer afin de réduire l’impact global de ce ravageur. De plus, dans une approche holistique de la problématique, des recherches multi-mesures sont actuellement en cours afin de pouvoir gérer l’ensemble du cortège de ravageurs du colza (du semis à la récolte) avec notamment le sous-semis, le push-pull et la tolérance variétale.
Ont participé à la rédaction de l’article
Stève Breitenmoser, Ivan Hiltpold, groupe de recherche Entomologie, grandes cultures et viticulture, Alice Baux, groupe de recherche Variétés et techniques culturales, Agroscope Changins, 1260 Nyon.