Les premières expériences positives du début des années 2000 ont montré que les lupins blancs supportent de faibles gelées jusqu’à environ – 5° C au moment du semis, en mars. Ils ont un réseau racinaire profond, qui leur permet de surmonter la sécheresse estivale. Grâce à la symbiose racinaire avec les bactéries des nodules, ils n’ont pas besoin de fumure azotée. Leurs grandes fleurs attirent par ailleurs les insectes pollinisateurs, surtout les bourdons. En 2002, l’arrivée de l’anthracnose, une maladie fongique, a mis un terme à leur culture. Cette maladie est transmise par la semence et peut se propager de manière épidémique en conditions chaudes et humides. Durant la floraison, elle provoque des formes de croissance tordues et le dépérissement de feuilles, de rameaux, voire de la plante entière. Plus tard, elle attaque les jeunes gousses et peut les « dévorer », si bien qu’il ne reste plus que des débris de gousses tordus, d’apparence calcinée. Une perte de l’entier de la récolte est possible.
Lupins à folioles étroites
A partir de 2010 environ, le FiBL et fenaco ont réalisé des essais avec le lupin (bleu) à folioles étroites. La gzpk (Getreidezüchtung Peter Kunz) a ensuite elle aussi procédé à des essais. Il s’agit d’une autre espèce botanique que le lupin blanc, nettement plus résistante à l’anthracnose. Ces plantes à folioles étroites, plus tendres que le lupin blanc, montrent surtout leurs atouts durant les étés secs dans des terrains sablonneux. Elles ombragent moins bien le terrain, ce qui peut entraîner des invasions de mauvaises herbes. Le lupin à folioles étroites est prêt pour la récolte trois à quatre semaines plus tôt que le lupin blanc. On notera par ailleurs que de nombreuses variétés de lupins « bleus » ont des fleurs blanches. Pour différencier les deux espèces, il ne faut donc pas se fier à la couleur de la fleur, mais à la structure de la feuille.
Le FiBL de Lausanne, le FiBL de Frick et la gzpk ont réalisé durant plusieurs années des essais avec le lupin à folioles étroites. Une culture mélangée avec des céréales a souvent fait ses preuves et fourni un rendement total supérieur à celui de la culture en variété pure. L’avoine comme partenaire de mélange freine la croissance des mauvaises herbes à partir de 10 % du volume déjà, dans un mélange avec 90 % à 100 % de lupin. Mais elle concurrence aussi ce dernier. Alors que la culture pure de lupin à folioles étroites a donné dans la plupart des cas des rendements de 20 décitonnes (dt) par hectare de 2015 à 2017 dans des essais en parcelles, et dans des essais en bandes de 2019 en Suisse romande, la culture mélangée avec de l’avoine a donné 10 à 11 dt de lupin et environ 23 dt d’avoine par hectare (Table). Le Strickhof a testé en 2019, en collaboration avec la gzpk, un mélange de lupin à folioles étroites et de cameline et a récolté 22,2 dt de lupin et 5,3 dt de cameline par hectare. Ces rendements représentent une moyenne réaliste, alors que les rendements de 2020 étaient nettement plus élevés. Pour les sept essais en bandes dont les résultats ont été dépouillés par le FiBL Suisse romande, il a été récolté en moyenne 21,7 dt de lupin et 16,7 dt d’avoine par hectare, ce qui donne un bon rendement global de 38,4 dt par hectare. La culture en variété pure à Moudon a certes donné un rendement de 38 dt par hectare, mais il n’y a eu en 2020 qu’un seul essai correspondant.
Les lupins bleus se distinguent en particulier lors des étés chauds.
Le lupin blanc
Le lupin blanc supporte mieux les sols lourds et des pH supérieurs à 7 que son cousin acidophile, son potentiel de rendement est meilleur et il freine mieux les mauvaises herbes. S’il résistait mieux à l’anthracnose, il pourrait enrichir la diversité des légumineuses à graines dans les cultures bio en Suisse et diversifier l’alimentation humaine. C’est pourquoi le FiBL a lancé en 2014 un projet pre-breeding de sélection de résistances chez le lupin blanc, durant lequel on a évalué le matériel des banques de gènes et des variétés nationales du monde entier, procédé à des croisements avec des variétés commerciales et sélectionné les descendants en fonction de leur résistance. Les souches les plus résistantes sont désormais disponibles, mais il faudra encore quelques années avant la commercialisation des premières variétés issues de ce projet, qui a été réalisé en collaboration avec la Sélection céréalière gzpk.
En Allemagne, deux variétés de lupin blanc nettement plus résistantes à l’anthracnose ont été développées dans un projet similaire : Frieda (2019) et Celina (2020). Le FiBL a testé la variété Frieda durant deux ans et confirmé sa meilleure résistance dans plusieurs essais avec une pression maladie extrêmement élevée. Le Strickhof a aussi réalisé un essai en bandes avec Frieda en 2020. La visite de culture du 19 juin 2020 a permis d’observer un peuplement très couvrant de lupins blancs. Sur ce site, on a récolté le 11 septembre 2020 près de 42 dt de lupin blanc Frieda par hectare. Sulimo, la variété française homologuée en 2016, qui avait fourni de très bon rendements de 2017 à 2019, a produit au Stiegenhof 33,8 dt par hectare, ce qui est un bon résultat, mais avec une maturité plus tardive d’un mois. Alors que la pression de la maladie a été très forte cette année à Full-Reuenthal et à Feldbach, la variété est restée très en deçà des résultats des dernières années. Pour Celina, on ne dispose de résultats que pour cette année, mais ils sont encourageants. Reste à régler la question de la teneur en alcaloïdes des nouvelles variétés. On recommande en effet une valeur limite de 0,05 % pour l’alimentation animale et une teneur de 0,02 % pour l’alimentation humaine.
Conseils de culture
Les producteurs intéressés par la culture de Frieda ou de Celina (lupin blanc) en 2021 devraient commander les semences dès maintenant chez leur fournisseur et prévoir un plan B au cas où il n’y en aurait plus. La multiplication des variétés est encore en développement et la demande de semences est supérieure à l’offre. Les lupins sont inoculés avec les bactéries des nodules avant le semis, comme pour le soja. Il faut commander l’inoculat avec la semence.
La commercialisation doit être réglée avec le centre collecteur avant le semis.
• Un aide-mémoire sur le lupin blanc a été écrit dans le cadre du projet de l’UE Legumes Translated, www.legumestranslated.eu ➞ Communications ➞ Practice Notes ➞ 4 Cultivation of white lupins (en allemand)
• Conseils de culture sur bioactualites.ch ➞ Cultures ➞ Grandes cultures ➞ Légumineuses à graines ➞ Culture du lupin
• Vidéo sur la culture du lupin bio sur YouTube : Culture du lupin – potentiel de rendement des nouvelles variétés Frieda et Sulimo résistantes à l’anthracnose (en allemand, sous-titré en français)
Recherche sur le lupin au FiBl
Christine Arncken réalise un projet de pre-breeding pour la sélection de lupins blancs résistants à l’anthracnose, sous la direction de Monika Messmer et de Pierre Hohmann, au sein du groupe de sélection végétale du FiBL, et dirige des essais en parcelles de lupin blanc, ainsi que des essais de lupin à folioles étroites (2015 à 2017). Le projet Lupin fait partie des deux projets européen LIVESEED et et Legumes Translated et est soutenu par l'OFAG et Biosuisse; les essais en parcelles sont menés en collaboration avec Agata Leska de la gzpk et Bio Suisse. Remerciements pour les données d’essai à Marina Wendling (FiBL) ; Agata Leska, Christine Scheiner (gzpk) ; Katrin Carrel, Strickhof).