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Production végétale

Oser cultiver du soja

Les nouvelles directives de Bio Suisse concernant l’affouragement des ruminants vont faire augmenter la demande de soja bio dès 2022. Le nombre d’entreprises cultivant du soja fourrager bio est cependant insuffisant. En partageant leur expérience, les agriculteurs peuvent aider leurs confrères à se décider.

Les nodosités (Rhizobium) sur les racines fixent l’azote de l’air (N2)

Les nodosités (Rhizobium) sur les racines fixent l’azote de l’air (N2)

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Rédacteur, Revue UFA

Rédactrice Revue UFA

Peu de plantes ont une image aussi mauvaise que le soja. Le soja est considéré comme un « destructeur de forêts tropicales » et du fait qu’il s’agit d’une plante tropicale, sa culture ne serait pas adaptée à la Suisse. Ces deux affirmations sont à la fois justes et erronées. Il est incontestable que les forêts tropicales, en particulier en Amérique du Sud, ont énormément souffert au cours des dernières décennies de l’extension des surfaces consacrées à la culture du soja. Il est également vrai que la culture du soja ne peut pas se pratiquer partout en Suisse. Or, dans les régions où la culture du maïs grain ne pose pas de problème, le soja peut prospérer. Le développement de cette culture est pertinent en raison des modifications opérées par Bio Suisse dans ses directives : à partir de 2022, les ruminants ne pourront être nourris qu’avec des produits arborant le Bourgeon suisse. La quantité d’aliments concentrés sera tellement limitée que la teneur en protéines devra être la plus élevée possible.

Le soja est la plante ad hoc. Mais si l’on considère la superficie totale plantée actuellement en soja fourrager bio, à savoir 300 hectares, on ressent un certain malaise : il faudrait 2000 à 2500 hectares pour couvrir les besoins en 2022.Il est encore temps de convaincre les agriculteurs de se lancer dans la culture du soja. Bien entendu, le risque zéro n’existe pas. Il faut, pour maîtriser cette culture, effectuer un travail préparatoire intensif de recherche. Il est tout aussi important de demander conseil à des confrères. Les agriculteurs Patrick Wälchli et Philippe Faivre, qui cultivent du soja fourrager bio avec succès, sont de bons interlocuteurs.

Culture en Suisse orientale

Patrick Wälchli dirige une entreprise de 30 hectares et de 40 bovins d’engraissement au pâturage à Bürglen (TG). Il multiplie en outre des semences de ray-grass anglais et de vulpin des champs. La région autour de Romanshorn (zone de maïs 1) à proximité du Lac de Constance, connu pour son climat doux, semble idéale pour la culture du soja. Patrick Wälchli en est à sa première année de conversion. Il y a vingt ans, il en a déjà cultivé avec succès. La raison pour laquelle il a changé de culture est qu’à l’époque, il était plus rentable de cultiver des pois pour l’industrie agroalimentaire. Il est maintenant revenu à la culture du soja sur une surface de 2,5 hectares. Pour lui, la culture de soja fourrager bio complète de façon optimale sa rotation des cultures de maïs grain, féverole, pois d’hiver et de blé d’hiver. La conversion au bio était une conséquence logique pour ce Thurgovien : « Les herbicides racinaires sont de moins en moins efficaces. Quand la terre est sèche, leur efficacité est encore moins bonne, de sorte que je dois sarcler. » Les exigences d’IP Suisse étaient déjà sévères, tout comme les prescriptions imposées par la zone protégée voisine. Pour la récolte 2020, il escompte un rendement de 20 à 25 quintaux par hectare, un pronostic prudent à ce stade précoce, et n’exclut pas une meilleure récolte. La variété semée est la variété mi-précoce 000 / 00 « Galice ».

La lutte contre les adventices est essentielle

Jusqu’à présent, il n’a jamais rencontré de difficulté dans sa gestion des cultures, parce qu’il porte une grande attention à la lutte contre les adventices. « Cela peut représenter entre une cinquantaine et une centaine d’heures de travail », assure-til. En 2020, la terre a été labourée avant les semis, car le champ était encore couvert de chaumes de maïs grain que la herse-étrille ne tolère pas bien. Patrick Wälchli estime qu’une cure anti-adventices tout comme le passage de la herse-étrille sont nécessaires avant les semis. Il ne faut pas tarder à combattre les adventices, car le soja doit être dans le sol au plus tard début mai. Pour simplifier les opérations, il a ajouté un inoculum de soja lors du semis. Cela lui évite le travail d’inoculation des graines, par exemple dans une bétonnière, ainsi que le stress de devoir semer aussitôt après, tant que l’inoculum est stable. Il effectue un semis en lignes parce qu’un semis à la volée est difficile à désherber en culture bio. Au moment de la levée, il est conseillé de passer la herse-étrille, et même de choisir un réglage « agressif » quitte à perdre quelques plantes.

« Le sol doit être propre. »

Patrick Wälchli
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L’inoculation du sol par Patrick Wälchli montre un bon résultat : les nodosités couvriront jusqu’à 80 % des besoins en azote. 

Le sol doit être propre car, pour le soja et le colza, la barre de coupe est réglée très bas et il faut veiller à ne pas salir la récolte. Néanmoins, les choses sont devenues bien plus faciles qu’il y a 20 ans, étant donné que les nouvelles variétés de soja ne forment plus de gousses jusqu’au niveau du sol et que les moissonneuses sont équipées de capteurs. Le battage est prévu pour fin septembre, avec une hygrométrie de 13 à 15 %, parce qu’après, les gousses n’éclateront plus et qu’on risque, en octobre, de voir repousser les adventices sous l’effet de l’humidité. Quant à savoir s’il serait judicieux d’effectuer un sous-semis, l’agriculteur en doute, car cette culture offre trop d’ombrage et il ne serait pas évident de définir une date de semis. Patrick Wälchli veut continuer à cultiver du soja aussi longtemps que cela sera rentable. C’est actuellement le cas, notamment grâce aux subventions de 35 francs pour 100 kilos. Ce qui le séduit aussi, c’est la faible auto-incompatibilité. Après une pause de trois ans, il peut cultiver à nouveau du soja sur la même parcelle. Par ailleurs, cette culture lui offre plus de flexibilité que celle des pois d’industrie, car il peut lui-même décider de sa gestion.

Résumé des conseils des deux producteurs de soja

  • La culture et les soins liés à celle-ci doivent convenir à l’entreprise. 
  • Le soja est optimal pour l’assolement. 
  • Si la culture de maïs est possible, le soja a toutes ses chances.
  • Une cure antiadventices est nécessaire avant la récolte. 
  • Effectuer un semis fictif si nécessaire pour « leurrer » les adventices. 
  • Passer la herseétrille avant la levée en procédant à un réglage agressif. 
  • Mieux vaut perdre du soja que rater la lutte anti-adventices. 
  • Le sol doit rester propre. 
  • Les subventions rendent la culture de soja rentable. 
  • Il faut semer début mai. 
  • S’il fait trop sec ou si les températures sont trop élevées au moment de la floraison, le rendement en sera affecté. 
  • Durant la floraison, la plante a besoin de suffisamment d’eau. 
  • Ne pas récolter trop tard pour anticiper une seconde pousse des adventices.

Culture en Suisse romande

À quelque 200 km à l’ouest, Philippe Faivre cultive du soja à Montignez (JU). Après avoir repris l’entreprise agricole familiale en 1998, il élève aujourd’hui 4000 poules pondeuses et travaille comme entrepreneur de travaux agricoles. Sa conversion à l’agriculture écologique a commencé en 2011. « La ferme est située en Ajoie, à 420 m d’altitude, et se prête idéalement aux grandes cultures. Cela fait cinq ans que je cultive du soja sur une surface de 5 hectares. Cette culture me permet de diversifier l’assolement et convient tout à fait comme précédent cultural pour les céréales », explique-t-il. L’assolement comporte du blé d’hiver, du soja, du colza, des betteraves sucrières, du maïs grain et de la luzerne tous les deux ans.

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Philippe Faivre est satisfait de sa culture et attend la récolte sereinement. 

« Cette culture me permet de diversifier mon assolement. »

Philippe Faivre

Routine dans la culture du soja

Comme son confrère thurgovien, Philippe Faivre déclare que « la lutte contre les adventices est le principal défi de la culture du soja. Cette année, on a eu recours pour la première fois à la technologie GPS pour effectuer les semis de soja, mais toujours avec un semoir à céréales et un interligne de 50 cm ». Les graines de soja ont été semées après un engrais vert non hivernant, UFA Lepha, et après un labourage au printemps, suivi de plusieurs faux-semis dont le but est de stimuler les adventices et de mieux les combattre au préalable. Philippe Faivre utilise des semences inoculées, semées à une densité de 70 graines par m 2 et à une profondeur de 4,5 cm. Il pense cependant qu’une densité plus élevée ne serait pas problématique. En principe, il préfère les années sèches. Toutefois, des conditions trop sèches ou des températures trop élevées pendant la floraison pénalisent le rendement. « Je mise en moyenne sur un rendement d’environ 25 quintaux à l’hectare. Cette année, après les semis, une croûte s’est formée sur une partie de la parcelle à la suite de précipitations, ce qui a causé une levée irrégulière par endroits », déclare Philippe Faivre. La lutte contre les adventices a cependant bien fonctionné. Il partage la bineuse, la herse-étrille et le semoir avec un autre agriculteur du village qui produit lui aussi du soja bio. Les deux sarcleuses avec lesquelles il effectue des travaux pour tiers lui appartiennent. Ces machines sont équipées de caméras pour permettre un meilleure suivi des lignes. « Pour désherber entre les plantes sur la ligne, les deux sarcleuses disposent de doigts Kress. Ce système est pour l’instant la meilleure solution et fonctionne bien ». Pour la récolte, Philippe Faivre dispose de sa propre batteuse et livre le soja à Porrentruy. Ce centre collecteur réceptionne la production bio de la région et fait partie de LANDI Arc Jura qui recherche activement du soja bio. Une partie de sa récolte est prévue pour la production de tofu et le solde est utilisé pour le bétail. Une maturité irrégulière provoque des grains de couleur différente, ce qui n’est pas souhaité pour la production de tofu. Et il faut prêter une attention particulière aux pierres lors du battage, car le soja produit des gousses jusque près du sol et doit être fauché très bas. Cette culture semée en mai est récoltée en octobre. « En bio, le soja est une culture plutôt simple. Elle réussit bien lorsque le sarclage va bien », résume Philippe Faivre.

Reste à savoir si les deux agriculteurs seront des « récidivistes » et s’ils continueront de cultiver du soja fourrager bio. Tous deux sont affirmatifs. 

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