Début décembre 2022, après un automne aux teintes estivales, les températures ont soudainement chuté à – 7° C, voire moins. Et les gelées tardives des années passées ont aussi prouvé qu’il faut toujours craindre le gel.
Causes des dégâts dus au froid
Alternance gel/dégel :le gel provoque des fissures dans le sol et les racines se déchaussent, si bien qu’elles n’absorbent plus d’eau. Le même effet se produit lorsque les températures sont inférieures à – 15° C durant une période prolongée. L’orge y est particulièrement sensible, alors que le blé parvient mieux à compenser ce stress.
Mort cellulaire :si les cellules des plantes sont soumises à des températures inférieures au point de congélation, des cristaux de glace se forment dans les espaces intercellulaires remplis de gaz. Quand l’eau gèle, son volume croît d’environ 10 %. Par ailleurs, elle forme des cristaux de glace aciculaires qui percent les fines structures cellulaires. Cette destruction des tissus interrompt les processus métaboliques et provoque la mort de la plante.
Déshydratation hivernale :le sol est encore gelé alors que la plante transpire en raison d’un temps ensoleillé et partiellement venteux. Elle ne parvient donc plus à puiser l’eau dans le sol gelé, tout comme dans le cas d’une sécheresse estivale.
Les agriculteurs·trices ont cependant la possibilité de limiter les risques de dégâts du gel en veillant non seulement à l’approvisionnement des plantes en azote, mais aussi en potassium (K) et en magnésium (Mg). Pour pouvoir profiter d’un approvisionnement suffisant en ces deux minéraux, il faut les incorporer dans la fumure de fond. Les plantes peuvent ainsi en absorber assez avant le repos hivernal. La fumure de fond incite en effet la plante à s’enraciner profondément grâce à son incorporation et à son stockage dans des couches plus profondes. Elle profite ainsi de l’eau du sol plus profonde et d’un meilleur stock de nutriments.
K et Mg contre la sécheresse hivernale
Le potassium contrôle le métabolisme de l’eau chez les végétaux en régulant l’ouverture des fentes (stomates et pores de la face inférieure des feuilles). Une carence augmente la transpiration, car les fentes ne se referment pas totalement. Un apport suffisant en potassium réduit par conséquent le dessèchement, ce qui est particulièrement important quand les sols gelés ne peuvent plus fournir d’eau.
Une carence en magnésium augmente la transpiration
Le magnésium favorise pour sa part le développement racinaire en assurant le transport des assimilats requis à cet effet. Une carence réduit les possibilités d’absorption d’eau de la plante. En cas de températures négatives ou de gel temporaire, il est nettement plus favorable que la plante se soit enracinée profondément, en-dessous de la couche gelée, et puisse ainsi absorber de l’eau par capillarité.
K et Mg contre la mort cellulaire
Des ions potassium forment dans les parois cellulaires de l’eau d’hydratation (liée à des solides cristallins). Cette eau ne gèle pas en raison de la présence des ions ; on parle alors d’effet osmotique. En cas de risque de gel, la concentration de ces substances actives dans les cellules et leurs parois devrait être la plus élevée possible. Outre le potassium, des acides aminés et des composés glucidiques agissent aussi de cette façon. Si l’apport de potassium est suffisant, la plante en produit davantage.
En cas de gel, des lentilles de glace se forment dans les parois cellulaires. Si le gel persiste ou si les températures baissent davantage, la cellule évacue son eau, qui forme ces lentilles. Cette réaction lui permet d’augmenter la concentration de potassium et de sucres dans son noyau et d’abaisser ainsi son point de congélation.
Le magnésium contribue lui aussi à cette résistance au gel en favorisant la synthèse des acides aminés et des molécules de sucre. Il participe par ailleurs au transport et à la distribution des sucres dans la plante.
Manganèse et risque de dégâts dus au froid
En cas de pH élevé, dans des sols humiques riches en oxygène ou des sols mal rappuyés, le manganèse est peu, voire pas du tout disponible pour la plante. Or, dans les céréales, une carence en manganèse augmente les risques de dégâts dus au froid et de maladies fongiques liées au sol, comme la pourriture des racines. Lorsque la carence est visible au printemps, c’est souvent déjà trop tard. Un symptôme caractéristique est l’apparence tachetée de la plante. Par ailleurs, le long des voies de passage du tracteur, on observe souvent des bandes bien vertes, car le compactage de ce secteur augmente la biodisponibilité du manganèse.
Accomodation au froid
On ne peut malheureusement rien faire contre le manque de résistance en cas d’épisode de gel subit. Cependant, il suffit de peu pour que la plante s’accommode du froid. Lors d’essais réalisés en chambre climatique avec des tissus de colza, on a découvert que cette résistance se met en place après quelques jours à une température d’environ 4° C.
Notre conseil
– semer dans un sol rappuyé
– rouler après le semis
– rouler une fois le sol gelé, pour assurer le contact des racines avec le sol
– pulvériser un engrais foliaire sur les sites visiblement carencés, idéalement au stade 2 à 3 feuilles. Pour l’orge d’automne, attendre plutôt la moitié du tallage (21 BBCH).
Produits favorisant la tolérance au gel
L’engrais de ferme est approprié comme fumure de fond surtout pour les céréales d’automne (en raison des maladies du pied, il faut être prudent avec le fumier dans le blé, l’épeautre et le triticale).
Engrais NPK – Landor 13.9.16 + 2,5 Mg + 7 S – Geldor 8.12.20 + 1,8 Mg + 8 S – Polyvalent 5.10.28 + 2 Mg + 6 S + 0,1 B
Engrais PK magnésien – Granor 0.15.30 + 2 Mg + 2 S – 0.10.30 + 3 Mg + 6 S – Triphoska 0.10.25 + 2,4 Mg + 4 S
Engrais K magnésien – Korn- Kali 40 % K 2 O + 3,6 Mg + 4 S + 3 Na
Engrais foliaires – Mantrac Pro 500 g Mn / l dose 1 l / ha – Photrel Pro 69 g / l N, 71,2 g / l Mg, 89 g / l Ca, 60 g / l B, 70 g / l Mn, 4 g / l Mo dose 5 l / ha – EPSO Combitop 7,8 Mg 13,6 S 4 Mn 1 Zn dose : 10 kg / ha