En Suisse, la culture de sarrasin a joui d’une longue tradition du Moyen-Age au XIXe siècle. Elle a toutefois peu à peu perdu en importance avec l’intensification de la production agricole. Actuellement, les produits à base de sarrasin les plus connus sont les galettes en Suisse romande et les pizzoccheri dans les Grisons. Or, la hausse des intolérances au gluten et l’évolution du style de vie, qui tend vers une alimentation plus réfléchie, réveille l’intérêt pour le sarrasin dans tout le pays. Pour les producteurs, diversifier la rotation devient de plus en plus important afin de se prémunir, par exemple, contre les pertes de rendement dues à la hausse des phénomènes météorologiques extrêmes. Le sarrasin étant peu exigeant envers le sol et la fumure et n’étant apparenté à aucune des espèces de céréales et de maïs couramment cultivées, il s’intègre sans problème dans les rotations existantes. Le plus difficile est toutefois de déterminer le bon moment pour la récolte, car la variété française La Harpe, qui est la plus cultivée en Suisse, ne mûrit pas de manière homogène. L’accès à de nouvelles variétés russes à la maturité homogène et aux rendements en grains plus élevés a motivé la mise sur pied d’un projet traitant de questions relatives aux aptitudes des variétés et aux techniques culturales. Ce projet a été mené par Agroscope en collaboration avec la Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires (HAFL) et l’EPF de Zurich avec le soutien financier de Bio Suisse et de la Fondation Sur-la-Croix.
Variété
La levée rapide, tout comme la durée de végétation relativement courte (115 jours environ), constituent des caractéristiques communes à toutes les variétés de sarrasin. Des différences variétales ont été observées s’agissant de la vigueur au départ : les variétés russes Drushina, Dikul et Dialog se sont développées nettement plus rapidement que les autres variétés. Outre leur floraison précoce, les nouvelles variétés russes ont convaincu par la taille plus petite des plantes (80 - 100 cm ; La Harpe 120 - 140 cm) et une maturité (des grains) plus homogène. Avec un rendement moyen de 20 à 25 dt / ha, voire de 35 dt / ha lors de bonnes années, Devyatka, Dialog, Dikul et Drushina ont dépassé toutes les autres variétés (rendement entre 10 et 17 dt / ha). Leurs graines sont en outre plus faciles à décortiquer. L’intérêt du sarrasin ne se limite cependant pas à la production de graines ; c’est aussi une source de nectar et de pollen dans les mélanges pour bandes fleuries et pour sous-semis. Des propriétés telles que la période et la durée de floraison ainsi que l’attrait pour les pollinisateurs sont alors déterminantes. Des différences variétales ont aussi été observées dans les relevés. Le choix variétal doit donc s’effectuer en fonction de l’utilisation prévue et du site (voir tableau).
Itinéraire cultural
Le sarrasin est une plante peu exigeante et, jusqu’à présent, ni maladies, ni ravageurs n’ont été observés sur cette culture. Si le sarrasin est mis en place comme culture principale pour la production de graines, le semis est recommandé dès la mimai sous nos latitudes, pour autant que plus aucun gel au sol ne soit à craindre par la suite. La courte période de végétation du sarrasin per met de cultiver celui-ci en deuxième culture, par exemple après de l’orge, sans toutefois pouvoir escompter des rendements maximaux. Sensible au gel, le sarrasin convient aussi comme engrais vert non hivernant avec semis en automne. Le sarrasin est semé avec un semoir à céréales standard réglé pour une profondeur de semis comprise entre 2 et 3 cm, pour permettre une levée rapide. La densité de semis devrait s’élever à environ 180 grains / m2. Il n’est généralement pas nécessaire de fertiliser, un excès d’azote entraînant une production de biomasse trop importante et, avec elle, une hausse de la sensibilité à la verse. Toutefois, sur les sols pauvres en éléments nutritifs, un apport d’azote jusqu’à 60 kg / ha, déduction faite de la teneur en Nmin du sol, peut s’avérer judicieux. Si la date de semis est bien choisie, le sarrasin est en principe très concurrentiel face aux adventices en raison de son développement juvénile rapide et peut-être aussi d’exsudations racinaires (pas encore confirmé à ce jour). On peut toutefois intervenir sur les parcelles très envahies avec une herse ou une sarcleuse. Dans les essais d’Agroscope, c’est un passage unique de sarcleuse au stade 4 à 5 feuilles qui a fourni les meilleurs résultats sans causer de pertes significatives de rendement. Effectuer plusieurs passages avec l’un des deux outils ou en les combinant n’a pas entraîné de diminution significative des adventices. Une intervention avant le stade 4 à 5 feuilles est déconseillée, car les dégâts occasionnés à la culture peuvent être plus importants que les bénéfices apportés par la répression des adventices. En Suisse, aucun herbicide n’est actuellement autorisé dans le sarrasin. Ce dernier peut être directement récolté avec une moissonneuse-batteuse. Il convient cependant de le sécher aussi vite que possible après la récolte afin de garantir la conservation et la qualité du produit.
Transformation et commercialisation
Avec la culture du sarrasin, il est important de clarifier les possibilités de commercialisation avant le semis, faute de quoi l’écoulement ne peut pas être garanti. L’utilisation prévue du produit de récolte est capitale pour le choix variétal, car toutes les variétés ne se laissent pas facilement décortiquer. Des essais de décorticage ont montré qu’il faut privilégier des variétés à gros grains pour produire des graines décortiquées, alors que des variétés à petits grains, comme La Harpe, peuvent aussi être utilisées pour la production de farine. Le marché étant encore relativement restreint en Suisse, les quantités à produire doivent impérativement être définies avec un acheteur sauf, bien sûr, si le produit de récolte est écoulé en vente directe. A l’avenir, l’importance du sarrasin dans l’agriculture suisse dépendra entre autres de la demande des consommateurs et du développement de nouveaux produits à base de sarrasin.