Dans la vigne, l’enherbement est aujourd’hui généralement admis car il apporte une quantité importante de matière organique qui favorise l’activité et la vie du sol. La portance est améliorée grâce à l’effet structurant du système racinaire. Il permet aussi de limiter le ruissellement et retient la terre, notamment dans les vignes en pente. L’enherbement comporte également des inconvénients, principalement la concurrence pour l’eau et les éléments nutritifs comme l’azote. La concurrence de l’enherbement est naturellement la plus forte sous le rang dans la zone moins accessible avec une machine. La tonte régulière reste bien souvent une méthode insuffisante malgré sa bonne efficacité pour lutter contre l’érosion et les risques limités de blessures ou de casse des ceps. Un désherbage mécanique devient alors inévitable.
Désherbage mécanique
Les fiches techniques 3.15 réalisées par Agridea et le FiBL donnent une bonne vue d’ensemble des techniques destinées à limiter l’enherbement sous le rang. « Il y a de plus en plus de choix au niveau des outils performants servant au désherbage mécanique », explique Nathalie Dallemagne, collaboratrice scientifique pour la vigne et l’œnologie chez Agridea. « Selon les types de sol, la météo et l’entretien nécessaire, il est conseillé d’alterner plusieurs types d’outils », précise la spécialiste.
Des outils polyvalents
Les appareils sans effacement et qui longent les ceps sont simples, rapides et efficaces près des plants. « Ce sont les outils à privilégier en utilisation seule ou en association avec d’autres machines », reconnaît Nathalie Dallemagne. Dans cette catégorie on trouve les disques crénelés qui réalisent un buttage, sont simples à régler tout en étant efficaces et polyvalents. En revanche, ils sont peu recommandés en climat humide. Les disques émotteurs permettent un binage et complètent bien le travail des disques crénelés. Les étoiles à doigts sont également un bon outil en complément pour réa liser un nettoyage au plus près des ceps. Leur utilisation reste simple, mais devient plus délicate dans les sols caillouteux et sur de jeunes plants pour des raisons de casse ou de dégâts. Enfin, les fils rotatifs sur un axe horizontal assurent un bon désherbage sans travail du sol. Le risque d’érosion reste limité de même que les risques de casse. Le travail peut devenir agressif en fonction du type de fils utilisés et présenter des risques de blessures aux plants.
Outils avec effacement intercep
Les engins qui travaillent sous le rang sont montés sur un porte-outils. L’effacement est réalisé soit par appui de l’outil contre le plant ou le piquet de vigne, soit à l’aide d’un palpeur mécanique. Il permet un désherbage proche du cep grâce à un retour plus ou moins rapide après le contournement du plant. Parmi les machines équipées d’un effacement, on compte les systèmes à lames, la décavailloneuse, les outils rotatifs à dents, les brosses ou encore les tondeuses satellites. Ces machines nécessitent un réglage précis, sont moins polyvalentes et plus coûteuses que les systèmes sans effacement. « Elles permettent par contre de bien travailler la zone intercep et déplacent de la terre, à l’exception des tondeuses et des brosses », explique Nathalie Dallemagne.
Comment bien choisir ses outils
Deux à six passages par année sont nécessaires en désherbage mécanique selon le seuil d’acceptation de la présence d’herbe et aussi en fonction du choix des outils. Il est fortement recommandé de privilégier les outils :
- qui ne blessent pas les ceps
- les plus simples : faciles à régler et autonomes, ce qui permet de les coupler avec d’autres outils de travail du sol ou d’autres travaux de la vigne
- les plus efficaces : limitant le nombre annuel de passages et réduisant les risques d’érosion, de blessure et de casse
- les moins coûteux et les moins sujets aux pannes : réduisant les coûts d’investissement et d’entretien
- les plus rapides permettant de maximiser la vitesse de passage
- dont la hauteur de l’outil permet de travailler sous le cep sans blesser les parties végétatives.
Source : Fiche technique 3.15 Agridea, FiBL, mise à jour en mars 2021
Désherbage dans la pratique
Sur le Domaine de Montmollin, situé à quelques kilomètres de la ville de Neuchâtel, les vignes sont plantées avec un interrang de deux mètres face à la pente. Depuis 2016, les 50 hectares sont gérés selon les règles de l’agriculture biologique. « Le désherbage mécanique est réalisé à l’aide de tracteurs viticoles équipés simultanément de disques émotteurs montés latéralement entre les roues et d’étoiles à doigts Kress à l’arrière », explique Francis Ballet, chef de culture sur le domaine. « Dans nos vignes, le principe du désherbage mécanique consiste à gérer les déplacements de terre sous le rang. Un premier débuttage tôt au printemps suivi de passages avec les disques émotteurs donne de bons résultats », précise Francis Ballet. Il s’agit de réduire au minimum le travail manuel avec la pioche pour éliminer les adventices en touffes ou très proches des ceps. A partir de mimai ou juin, les déplacements de terre sont à éviter, car ils favorisent la levée d’adventices annuelles envahissantes. « L’idéal est de réaliser le désherbage mécanique avant une période ensoleillée afin d’assurer le dessèchement des plantes à éliminer », ajoute Francis Ballet lors de la visite dans une vigne du domaine.
Porte-outils polyvalent
Dans la région viticole située sur la rive nord du lac de Neuchâtel, les viticulteurs emploient régulièrement une décavailloneuse. « Le porte-outils Retrax avec le boîtier Reflex peut être équipé de différents outils de désherbage », explique Jean-Pierre Ducommun, du centre agromécanique Ducommun Sàrl à Bevaix, importateur de la marque française Belhomme. « Le système d’effacement à commande électrohydraulique [répond] mieux et surtout plus rapidement qu’un mécanisme hydraulique standard », précise le mécanicien. Les outils classiques de désherbage comme une lame, une épampreuse ainsi que divers socs pour reprendre la terre accumulée sous le rang sont disponibles sur le Retrax.
Sur le Domaine de Montmollin, les chefs de culture ont constaté que le passage avec une décavailloneuse au printemps réalise un bon travail sur le cavaillon en complément des passages suivants avec les disques émotteurs. « Durant l’été, nous employons un système à brosses qui réalise également un épamprage et ne déplace quasiment plus de terre », explique Francis Ballet. « La gestion des déplacements de terre représente une part importante du désherbage mécanique sous le rang », conclut le chef de culture, en précisant que le désherbage s’adapte en fonction de la parcelle et de l’évolution technique.
Les principes du désherbage sous le rang
Pour Christophe Gaviglio, responsable machinisme à l’Institut français de la vigne et du vin, les facteurs de réussite du désherbage mécanique sont les suivants : anticiper la croissance des adventices, gérer les déplacements de terre, alterner les outils, favoriser la vitesse de travail et prendre en compte le reste de l’itinéraire technique. De plus, trois réglages sont essentiels pour travailler avec précision et sécurité autour du pied de vigne : la profondeur de travail, le centrage des outils et la marge de sécurité définie avec le pare-cep. Dans le schéma de la page 22, le spécialiste en machinisme viticole résume les étapes dès la sortie de l’hiver jusqu’après la récolte permettant de gérer le désherbage mécanique sous le rang.