La loi fédérale sur la protection des eaux (LEaux) dispose que les cantons déterminent, après consultation des milieux concernés, l’espace nécessaire aux eaux superficielles. Les propriétaires fonciers concernés doivent donc pouvoir s’exprimer. Ils doivent être informés des plans de protection et pouvoir se faire une idée des conséquences que cela aura sur leurs terrains. Outre le plan de situation à une échelle appropriée, les conditions d’utilisation de l’espace réservé aux eaux (la zone peut porter un autre nom) doivent être publiées. Par ailleurs, il doit exister un rapport consultable sur la procédure et les motifs de la délimitation considérée, comme la largeur de l’ERE. Quand la détermination de ce dernier est du ressort de la commune, il existe éventuellement un rapport d’examen préalable des services cantonaux, qui établit si les conditions cantonales sont respectées. Le propriétaire foncier peut ainsi vérifier les raisons pour lesquelles l’ERE doit mesurer la largeur définie sur sa parcelle. Il est en effet arrivé qu’une commune veuille déterminer une largeur plus importante uniquement pour maintenir des prescriptions concernant la distance par rapport aux constructions, sans tenir compte des restrictions d’exploitation. Seul un recours avait permis de réduire l’ERE à une largeur conforme aux exigences de la Confédération.
Largeur de l’espace réservé aux eaux
Les exigences de la Confédération prévoient que la largeur de l’espace réservé aux eaux est calculée d’après la largeur du fond du lit (graphique 1). Il s’agit de la largeur naturelle moyenne du fond du lit du cours d’eau, normalement dépourvue de plantes supérieures aquatiques ou terrestres. Il faut donc commencer par la mesurer pour un tronçon de cours d’eau. Pour les cours d’eau aménagés, les directives prévoient une multiplication par 1,5 de la largeur du lit existant en cas de variabilité limitée de la largeur, et par un facteur 2 en l’absence de variabilité de la largeur (graphique 2).En pareil cas, il est aussi recommandé au propriétaire foncier de mesurer la largeur du lit existant et de procéder au calcul de la largeur de l’ERE. Des exemples montrent en effet que dans certains cas, la largeur du lit et le degré d’aménagement ont été calculés dans un bureau sur la base de données cartographiques erronées et non d’une vérification sur place. La publication des données de base garantit toutefois que de telles erreurs peuvent être corrigées. Elles sont en partie consultables sur les géoportails cantonaux.
Pour les cours d’eau situés dans des aires protégées, comme des zones de protection du paysage avec des dispositions de protection des eaux, l’espace réservé aux eaux est déterminé sur la base d’un calcul spécial (courbe de biodiversité). Quant aux cours d’eau dont la largeur du lit naturel est supérieure à 15 mètres, les cantons définissent eux-mêmes l’ERE conformément aux principes de la législation fédérale et disposent donc d’une certaine marge de manœuvre.
Surfaces d’assolement
Comme les surfaces d’assolement comprises dans l’ERE ne peuvent plus être exploitées que de manière extensive, on ne calcule en partie la largeur naturelle moyenne du fond du lit des cours d’eau aménagés le long de surfaces d’assolement qu’en utilisant le facteur de multiplication 1,5. Ainsi, pour un cours d’eau de 6 mètres, la largeur du fond mesure 9 mètres au lieu de 12. Il en résulte un ERE de 29,5 mètres au lieu de 37. L’utilisation du facteur maximal de correction de 1,5 tient notamment compte de l’intérêt public en matière de protection des terres agricoles. Le Tribunal fédéral a toléré cette manière de faire.
Symétrie de la délimitation
Conformément aux directives, l’ERE doit en principe être déterminé sous forme de couloir et le cours d’eau ne doit pas forcément se situer au milieu. Toutefois, dans la zone agricole, une délimitation symétrique est judicieuse. Même s’il y a une route, une voie ferrée ou une zone à bâtir située le long d’une rive, l’ERE ne doit pas être transféré en totalité dans la zone agricole non construite. En effet, comme la législation sur la protection des eaux prévoit une protection des situations acquises, routes, voies ferrées et constructions peuvent toujours être utilisées dans le périmètre de l’ERE. Ce qui n’est pas le cas de l’agriculture, pour laquelle l’exploitation est dans certains cas massivement restreinte, si bien qu’un transfert de l’ERE en zone agricole violerait le principe d’égalité devant la loi.
Réduction et renonciation
La largeur de l’ERE peut être réduite dans des conditions topographiques particulières, notamment quand le cours d’eau occupe la majorité du fond de la vallée et que la déclivité des versants ne permet aucune exploitation agricole. Il est également possible de renoncer à délimiter un ERE, notamment en forêt et en zone d’estivage. Il en va de même pour les cours d’eau enterrés, artificiels ou de très petite taille. Mais les directives imposent que cette renonciation soit exceptionnelle et que l’on vérifie au préalable qu’aucun intérêt supérieur ne s’y oppose. Une commune peut ainsi prouver pourquoi elle renonce à déterminer un ERE dans une zone. Les services cantonaux sont alors tenus, au terme de l’examen préalable, d’opposer un intérêt prépondérant à la commune pour la pousser à procéder quand même à la délimitation de l’ERE.
Cours d’eau enterrés
Lorsque des cours d’eau enterrés sont situés à proximité de bâtiments de ferme, il faut vérifier si l’on ne pourrait pas inciter l’autorité chargée de la délimitation de l’ERE à y renoncer. En pareil cas, la délimitation est souvent justifiée par la préservation de l’espace nécessaire en vue d’une une future remise à ciel ouvert du cours d’eau. Mais le tracé du cours d’eau enterré est souvent difficile à établir et, en l’absence de projet concret, on ne sait pas où passera le ruisseau. La délimitation de l’ERE est en l’occurrence une mesure d’aménagement qui pourrait empêcher ultérieurement une remise à ciel ouvert appropriée. Sans compter qu’il existe déjà souvent des conditions en matière de droit des constructions le long des cours d’eau enterrés, si bien qu’un ERE n’apporterait rien.
Cours d’eau artificiels
Il est également possible de renoncer à un ERE le long des cours d’eau artificiels. Dans la zone agricole, il s’agit souvent de fossés ou de conduits de drainage. Les canaux d’évacuation des eaux de zones d’habitation qui traversent la zone agricole en surface sont aussi des cours d’eau artificiels. Même si l’on renonce à la délimitation de l’ERE, les éventuelles distances par rapport aux bâtiments et les bandes tampons en vertu de l’ordonnance sur les paiements directs doivent être respectées.
Très petits cours d’eau
Les exigences de la Confédération prévoient aussi que l’on peut renoncer à l’ERE pour les très petits cours d’eau. Mais cette notion n’est pas définie plus précisément. La Confédération renvoie donc aux cadastres cantonaux détaillés des ruisseaux ou des réseaux hydrographiques. Mais un ERE doit être déterminé au moins pour les cours d’eau figurant sur la carte nationale au 1 : 25 000. Toutefois, il a déjà été constaté l’absence de cours d’eau, même si les documents cantonaux ou la carte nationale établissaient le contraire. Dans l’application de ces dispositions, certains cantons définissent comme très petits cours d’eau des ruisselets de 50 centimètres de largeur. En pareil cas, même si l’on renonce à déterminer l’ERE, il s’agit d’un cours d’eau de surface, le long duquel il faut respecter les bandes tampons en vertu de l’OPD.
Fossés temporairement inondés
Surtout en région de montagne, il existe des fossés dans lesquels de l’eau ne circule qu’en fonction des intempéries. Les cantons peuvent toutefois les considérer comme des cours d’eau, en fonction de la pertinence d’une protection contre les crues. En pareil cas, il faut se demander s’il s’agit d’un cours d’eau. La protection contre les crues peut aussi être prise en compte avec l’instauration d’un espace libre de constructions au sens de la législation sur l’aménagement du territoire. Ainsi, les restrictions d’exploitation relatives à l’ERE n’ont pas à être respectées.
Checklist pour la vérification du dossier
- Les documents publiés sont-ils complets ? (Plan de situation avec zone à une échelle appropriée, y compris indication de la largeur de l’ERE, Dispositions concernant l’exploitation dans l’ERE, Rapport de planification pour la délimitation de l’ERE, Rapport d’examen préalable des services cantonaux
- Quelles références ont été utilisées ?
- La largeur du fond du lit correspond-elle ?
- La rive est-elle aménagée et la variabilité de la largeur limitée ?
- L’utilisation du facteur de correction (1,5 / 2,0) est-elle correcte ?
- Existe-t-il un motif pour lequel on n’a pas renoncé à la délimitation dans le cas de cours d’eau enterrés, artificiels et de très petits cours d’eau ?
- La délimitation de l’ERE est-elle symétrique ?
- S’agit-il vraiment d’un cours d’eau, alors qu’il n’est inondé que temporairement ?