Les agriculteurs se rendent compte que les installations photovoltaïques peuvent être une branche d’exploitation intéressante. Ces installations sont généralement soit posées sur le toit, soit intégrées à celui-ci. Jusqu’à présent, elles étaient estimées comme partie intégrante de l’immeuble. Pour l’estimation de la valeur agricole, la loi sur le droit foncier rural (LDFR) établit une distinction entre les éléments mobiles (inventaire), comme les machines et installations, et les immeubles, c’est-à-dire les objets qui sont liés au sol. Dans deux arrêts rendus en 2019, le Tribunal fédéral a cherché à déterminer si les installations photovoltaïques doivent être considérées comme un élément de l’inventaire ou, au contraire, comme partie intégrante d’un bâtiment.
Martin GoldenbergerLes installations photovoltaïques fixes sont estimées avec l’immeuble.
Il convient de vérifier les aspects fiscaux de l’arrêt du Tribunal fédéral sur les taxations réalisées dans le cadre du droit foncier rural. Le guide d’estimation de la valeur de rendement du 31 janvier 2018 prévoit que les objets non agricoles, comme les installations photovoltaïques, par exemple, font partie intégrante des immeubles et qu’elles entrent par conséquent en compte dans le calcul de la charge maximale. Les installations mécaniques fixes, en tant que composantes du bâtiment, sont en effet incluses dans la valeur de rendement.
Utilisation uniforme
Les deux arrêts du Tribunal fédéral, rendus dans le contexte d’une problématique fiscale, ne permettent pas de conclure qu’une installation photovoltaïque fixe n’est pas évaluée à la valeur de rendement ou qu’elle n’est pas soumise à la charge maximale. Comme le Tribunal fédéral le constate à juste titre, la détermination de l’évaluation est une question de nature économique. Les installations photovoltaïques installées de façon fixe contre ou sur des immeubles doivent être estimées avec les immeubles qui y sont liés. Indépendamment du fait qu’elles soient posées en toiture ou sur une toiture, ces installations photovoltaïques ne peuvent pas être démontées sans engendrer de dégâts au bâtiment ou une dévalorisation de l’installation. Pour les mêmes motifs, les salles de traite, les cornadis ou les racleurs à fumier sont considérés comme des installations fixes et évalués avec les bâtiments. Faisant partie intégrante du droit fédéral, le droit foncier rural et, par conséquent, le guide d’estimation, ont force impérative sur l’ensemble du territoire suisse. La compétence fiscale relève en revanche des cantons. Pour le calcul de la valeur fiscale, les cantons peuvent par conséquent opter pour des valeurs différentes de celles prévues par le guide d’estimation, pour autant qu’une base légale cantonale nécessaire existe à cet effet. Ces valeurs fiscales ne s’appliquent toutefois pas pour les mesures soumises au droit foncier rural, comme les remises d’exploitation, les charges maximales et les fermages. Lorsque les valeurs fiscales s’écartent du guide d’estimation fédéral, il convient d’en informer clairement les propriétaires fonciers. A défaut, ces valeurs créent la fausse impression d’une « valeur de rendement officielle », ce qui peut conduire à des décisions erronées aux conséquences désastreuses.
Notion d’immeuble
La question consistant à déterminer quels éléments d’un bâtiment font partie intégrante de celui-ci ou font au contraire partie de l’inventaire n’est pas nouvelle. Dans son document « Assurance contre les dommages dus aux événements naturels en Suisse » du 31 janvier 2017, l’Autorité de surveillance des marchés financiers (FINMA) constate qu’en Suisse, le terme « bâtiment » n’est pas régi par le droit fédéral. Selon la FINMA, le terme « bâtiment » est une délimitation essentiellement destinée aux assurances bâtiments. La FINMA estime que la notion d’« immeuble » au sens des droits réels est plus large que celle du terme « bâtiment » et qu’elle inclut également des éléments qui ne se trouvent pas directement dans un bâtiment, mais qui font malgré tout partie de ce dernier au regard des droits réels. C’est surtout le cas lorsque les installations concernées ne peuvent pas être enlevées sans « endommager de manière notable le bâtiment ou sans réduire sa valeur de manière importante », selon une définition donnée par le Service cantonal d’assurance des bâtiments du canton de Zurich. Les directives claires du guide d’estimation, de même que l’interprétation conforme aux droits réels, permettent d’établir que, pour l’évaluation de la valeur de rendement des immeubles soumis au droit foncier rural, les installations photovoltaïques fixes doivent être considérées comme une partie intégrante des bâtiments, indépendamment du fait qu’il s’agisse d’installations en toiture ou sur toiture. Pour cette raison, la valeur d’une telle installation photovoltaïque est prise en considération dans le calcul de la charge maximale, ce qui permet au propriétaire foncier de financer la construction d’une nouvelle installation photovoltaïque par le bais d’une hypothèque.
Large marge de manœuvre pour le calcul de la valeur fiscale en ce qui concerne l’impôt sur la fortune
L’impôt sur la fortune est du ressort des cantons. La Confédération ne prélève pas d’impôt sur la fortune (art. 128 Cst). L’impôt sur la fortune est donc régi selon l’art. 13 LHID (loi fédérale sur l’harmonisation des impôts). L’harmonisation des impôts s’étend uniquement à l’assujettissement, à l’objet et à la période de calcul de l’impôt, à la procédure et au droit pénal en matière fiscale (art. 129 al. 2 Cst). Les cantons disposent par conséquent d’une grande marge de manœuvre (TF 2C_510 / 2017 + 2C_511 / 2017 du 16 septembre 2019 consid. 9) s’agissant des règles de taxation (art. 14 LHID).
Outre la valeur de rendement, la valeur vénale peut aussi être prise en considération. Les cantons peuvent donc restreindre l’estimation à la valeur de rendement agricole, même pour les parcelles affectées à l’agriculture (TF 2C_1094 / 2018 du 9 décembre 2019 consid. 2.4 ; 2A,402 / 2003 du 16 juillet 2004 consid. 2). Le Tribunal fédéral peut uniquement contrôler l’application arbitraire du droit cantonal en vigueur (art. 9 Cst). Les installations photovoltaïques sont systématiquement imposées en tant qu’élément de la fortune imposable (TF 2C_510 / 2017 + 2C_511 / 2017).
Les arrêts susmentionnés établissent que l’impôt sur la fortune englobe l’ensemble de la fortune, indépendamment du fait qu’il s’agisse de biens meubles ou d’immeubles (consid. 5.1.6). Seuls sont exemptés les éléments qui sont explicitement mentionnés comme étant non assujettis (art. 13 al. 4 LHID, ATF 138 II 311 consid. 3.1.2). Les installations photovoltaïques ne figurent pas parmi ces éléments, raison pour laquelle les cantons ont l’obligation de soumettre ces installations à l’impôt sur la fortune et de les taxer en conséquence (consid. 5.3).
Méthodes d’estimation différentes du point de vue du droit fiscal
Etant donné la grande marge de manœuvre à disposition pour concevoir et appliquer les règles de taxation, il n’est pas du ressort du Tribunal fédéral d’édicter des directives ponctuelles à l’intention des cantons (consid. 6.2). Le fondement de l’estimation de la valeur fiscale est une question d’économie d’entreprise indépendante des droits réels (TF 2C_708 / 2017 du 27 septembre 2017 consid. 3.2.5). Il n’y a pas d’obligation d’estimer une installation photovoltaïque comme partie intégrante de l’immeuble ; il est donc également possible d’estimer et de taxer de manière indépendante une installation photovoltaïque dans le cadre de la déclaration fiscale ordinaire (consid. 6.4). Selon qu’il s’agit d’un bien matériel mobile ou fixe, les cantons peuvent appliquer des méthodes de taxation fiscale différentes. En l’absence de pouvoir de contrôle matériel, le Tribunal fédéral arrive ainsi à la conclusion que l’attribution d’une installation photovoltaïque en toiture à la fortune mobilière ne contrevient pas au droit fédéral. Aucune harmonisation fiscale en la matière n’est nécessaire (consid. 9). Cette conclusion est compréhensible étant donné qu’il a été conclu qu’indépendamment des aspects de droits réels, une installation photovoltaïque doit être estimée et imposée en tant qu’élément du patrimoine. La question de savoir qui estime l’installation et selon quels principes relève de la compétence des cantons.