Du dernier étage de son immeuble, A a filmé B, son voisin agriculteur, à l’aide d’une caméra avec un grand zoom, alors que celui-ci travaillait dans son étable (en principe à l’abri des regards). A a transmis les enregistrements réalisés à C, militant pour la protection des animaux, qui les a publiés sur internet. Le tribunal a ensuite condamné A et C pour violation des domaines secret ou privé au moyen d’un appareil de prise de vues ou fixé sur un porteur d’images. En effet, selon le Code pénal, il est interdit d’observer avec un dispositif de ce type un fait qui relève des domaines précités (et ne pouvant être perçu sans autre par chacun) sans le consentement de la personne concernée. De même, il est défendu de rendre un tel enregistrement accessible à un tiers.
Devant le Tribunal fédéral (TF), A a demandé à être acquitté. Selon lui, son comportement n’est pas répréhensible, l’étable étant bien visible depuis la route ; les agriculteurs devraient s’attendre à être observés et filmés lorsqu’ils travaillent dans un espace aussi visible du public. Il précise encore qu’il ne s’est pas seulement senti autorisé, mais même obligé de documenter ses observations afin d’éviter de nouvelles souffrances aux animaux. Enfin, de son point de vue, l’intérêt public en matière de protection animale primant sur les intérêts privés de B, son comportement est justifié.
Le TF ne partage pas cet avis : il rappelle que l’intérieur des bâtiments privés relève bel et bien du domaine privé. Or les scènes filmées se sont déroulées dans l’écurie. Elles appartiennent donc indubitablement au domaine protégé, leur enregistrement étant punissable. N’ayant pas renoncé à la protection de la sphère privée, B ne devait pas nécessairement s’attendre à être filmé. Le TF précise encore que même si l’étable était bien visible (ce qui n’est pas le cas), cela ne changerait rien. En effet, tout enregistrement d’un lieu relevant du domaine privé protégé est punissable, qu’il soit ouvert ou non secret. Selon le TF, le comportement de A n’est pas justifié : il aurait dû s’adresser aux autorités et ne pas se contenter de transmettre les enregistrements à C. Au vu de ce qui précède, le TF a rejeté le recours de A, confirmant sa condamnation.
Arrêt 6B_56 / 2021 du 24.2.2022