En bref
- Seuls peuvent être séparés d’une entreprise les immeubles situés hors du rayon d’exploitation usuel dans la localité.
- En cas de séparation d’un appartement ou d’une maison, des conflits d’usage peuvent survenir ultérieurement.
- La division de terrains et de biens immobiliers présente le plus souvent un impact négatif au plan fiscal.
La question du partage d’un immeuble agricole se pose souvent lors de la remise de l’exploitation. Nombre de situations sont possibles : les parents souhaitent garder la propriété de la maison d’habitation, ou alors, le père voudrait conserver la forêt après sa retraite, avec la bénédiction de la génération suivante. Dans le quotidien des services de vulgarisation, il s’agit de poulaillers, de porcheries, d’écuries pour chevaux en pension, de vergers et de vignes, de prairies ou de bâtiments d’alpage, qui ne sont plus exploités à des fins agricoles.
Exceptions possibles au cas par cas
L’analyse diffère en fonction de la qualification de la propriété foncière du point de vue du droit foncier rural. Si l’objet est une entreprise agricole au sens du droit foncier rural, l’interdiction de partage matériel est applicable. S’il s’agit seulement d’un immeuble agricole, c’est l’interdiction de morcellement qui entre en jeu (voir encadré ci-dessous).
L’interdiction de partage matériel protège l’entreprise dans son unité et en garantit la continuité. En vertu du droit fédéral, une entreprise agricole existe si, outre d’autres exigences légales, elle compte au minimum une unité de main-d’œuvre standard (UMOS). Les cantons ont la faculté d’abaisser cette limite à 0,6 UMOS. L’interdiction signifie que la forêt doit être remise avec l’entreprise agricole et ne peut donc pas en être séparée.
Il y a toutefois des cantons qui permettent quand même un partage matériel, par exemple quand seule une partie de la forêt doit être séparée et que cette dernière reste en majorité acquise à l’entreprise. Une autre possibilité, c’est l’acquisition d’un autre immeuble agricole pour compenser la séparation de la forêt.
Définitions
Interdiction de partage matériel. Il est interdit de séparer d’une entreprise agricole des immeubles ou des parties d’immeubles.
Interdiction de morcellement. Les immeubles agricoles ne doivent pas être morcelés en éléments de moins de 25 ares ou de 15 ares pour les vignes. Les cantons peuvent définir des surfaces minimales plus élevées. Ainsi, celui d’Argovie a défini un minimum de 36 ares.
La distance usuelle dans la localité est variable
Seuls peuvent être séparés d’une entreprise (partage matériel) les immeubles situés hors du rayon d’exploitation usuel dans la localité. Dans ce domaine, les pratiques diffèrent d’un canton à l’autre. Dans une région avec des exploitations purement herbagères, la distance est la plupart du temps plus courte que dans une région avec des exploitations de grandes cultures avec des parcelles d’une surface plus élevée. Le rayon d’exploitation usuel peut donc varier de 4 à 9 km.
Dans une affaire lucernoise, le Tribunal fédéral a récemment fixé la distance à 5,4 km. Lorsqu’une entreprise possède un immeuble agricole très éloigné du centre d’exploitation, une séparation est possible lors de la remise du domaine, ou n’est pas nécessaire parce que l’immeuble considéré n’était pas un élément de l’entreprise (voir exemples en encadré ci-dessus). Dans un autre cas, la vente d’une parcelle de vigne faisant partie d’une exploitation laitière a été autorisée parce que l’argent devait servir à l’agrandissement de la stabulation.
Risque de conflit et réserve d’utilisation
Souvent, un souhait concernant le logement ou la maison est exprimé par le vendeur. D’après les autorités d’exécution de l’aménagement du territoire et le Tribunal fédéral, jusqu’à trois logements sont nécessaires à l’exploitation. S’il y en a davantage, il se peut que l’autorisation soit donnée de séparer une maison ou un logement de l’entreprise sous forme de propriété par étage.
Un logement séparé de l’entreprise peut aboutir à la conséquence inverse de celle recherchée lors d’une demande de permis de construire ultérieure, car il existe désormais une maison d’habitation étrangère à l’entreprise à proximité des stabulations (respect d’une distance minimale en raison des immissions).
Toute séparation d’un objet affaiblit généralement l’entreprise.
Toute séparation d’un objet affaiblissant généralement l’entreprise, il faut toujours bien y réfléchir. Par ailleurs, des réserves d’utilisation de parcelles ou de petites étables peuvent provoquer ultérieurement des conflits. Louer plutôt que vendre l’objet considéré est donc plus simple et facilite la résolution d’un éventuel litige.
Interdiction de morcellement pour les immeubles isolés
Si la propriété porte sur plusieurs immeubles agricoles ne constituant pas dans leur ensemble une entreprise agricole, l’interdiction de morcellement s’applique. En d’autres termes, ces immeubles peuvent être vendus séparément à plusieurs acheteurs. L’interdiction de partage matériel ne s’applique pas.
Le morcellement d’un immeuble est possible, mais les surfaces minimales doivent être respectivement de 15 ou 25 ares. Si l’inscription dans le registre foncier établit que l’immeuble a été constitué grâce à un remaniement parcellaire ou à une mesure d’amélioration foncière, son morcellement est interdit.
Il faut impérativement clarifier au préalable les conséquences fiscales de toute action.
Ne pas oublier les conséquences fiscales
Il existe certes de nombreuses possibilités, mais elles ne sont pas toutes vraiment bonnes pour le devenir d’une exploitation : il convient de procéder à une pesée d’intérêts minutieuse et réfléchir à long terme ; en particulier, il faut impérativement clarifier au préalable les conséquences fiscales de toute action. Ainsi, en séparant une maison d’habitation de l’entreprise, il se produit un transfert de la fortune commerciale vers la fortune privée. Il s’ensuit que la différence entre la valeur vénale et les coûts d’investissement (valeur comptable plus amortissements cumulés) est soumise dans la plupart des cantons à l’impôt sur le revenu et aux cotisations sociales.
Exemples pratiques
Ne fait pas partie de l’entreprise agricole. Une entreprise agricole est située dans le canton de Zurich. Son propriétaire possède aussi un alpage dans le canton de Vaud. Pour une exploitation zurichoise, il n’est pas courant que l’alpage soit situé à une telle distance. Même si cette situation a été jugée nettement plus généreusement que celle d’un immeuble agricole normal, le canton a considéré que l’alpage ne faisait pas partie de l’entreprise.
Distance et altitude. L’entreprise agricole est située en fond de vallée d’un canton de Suisse centrale. A une distance de plus de 40 kilomètres et une altitude beaucoup plus élevée, un grand pâturage utilisé pour le jeune bétail est situé en zone de montagne. Dans le contexte de la remise du domaine, le vendeur a pu conserver cet immeuble en zone de montagne avec l’autorisation des autorités.