Dans chaque période de la vie, il existe une possibilité de minimiser la charge fiscale. Cependant, en menant des réflexions à ce sujet, il convient d’éviter de ne penser qu’à court terme, sachant que toute mesure prise dans le présent produit des effets ultérieurement, au plus tard au moment de la retraite ou de la succession. Par exemple, une remise échelonnée de l’exploitation ou l’imposition de la plus-value sur des immeubles mixtes peuvent ainsi alourdir la facture fiscale (impôts ou cotisations aux assurances sociales ; voir encadré).
Une planification fiscale prévoyante intègre aussi la situation de la génération suivante.
Une planification fiscale prévoyante ne s’arrête donc pas à la période de la vie professionnelle, mais intègre la situation personnelle de l’exploitant·e durant sa retraite et celle de la génération qui lui succède.
Remise moyennant un fermage
Dans un contrat de bail à ferme, la génération sortante remet l’ensemble des terres et des immeubles de l’exploitation à la nouvelle génération, en vue que celle-ci les exploite contre paiement d’un loyer. Les immobilisations corporelles meubles de l’exploitation sont vendues au fermier. La cession de l’inventaire procure en général au vendeur un bénéfice de liquidation soumis à l’impôt et aux cotisations AVS. Tant que le transfert de l’immeuble agricole de la fortune commerciale dans la fortune privée n’a pas été demandé, l’immeuble agricole demeure dans la fortune commerciale du bailleur.
Transfert ultérieur impossible dans certains cantons
Suite à l’arrêt du Tribunal fédéral (TF) du 1 er mai 2020 (2C_332/2019), certains cantons ne permettent plus, en cas d’affermage, une liquidation ultérieure à un taux d’imposition privilégié. Ils interprètent en effet cette décision de la manière suivante : le moment de la mise en fermage signifie la fin de l’activité lucrative indépendante, si bien que seuls les points concernant le changement technico-économique de fonction et l’activité opérationnelle restent ouverts pour une imposition privilégiée du bénéfice de liquidation à ce moment. En vertu de cette nouvelle doctrine, il faut vérifier s’il convient de transférer aussi les immeubles commerciaux dans la fortune privée au moment de la mise en fermage.
Nouvelle pratique fiscale pour les immeubles mixtes
On parle d’immeuble mixte quand une partie d’une parcelle se situe en zone agricole et l’autre en zone à bâtir ; dans ce cas de figure, l’ensemble de la parcelle est cependant soumis aux dispositions du droit foncier rural. Jusque-là, dans la plupart des cantons, lors du transfert de parcelles de ce type dans la fortune privée, seuls les amortissements cumulés étaient imposés : il n’y avait pas d’imposition de la plus-value résultant de la différence entre les frais d’investissement et la valeur vénale, malgré le fait qu’il s’agissait de terrain à bâtir.
Lors de la remise du domaine, les amortissements cumulés sont vérifiés.
Cependant, de plus en plus de cantons abandonnent cette pratique. Ainsi, ils pourraient désormais imposer aussi le bénéfice résultant de la plus-value comme revenu, entraînant d’énormes charges fiscales, cotisations aux assurances sociales incluses. Par ailleurs, l’imposition à un taux privilégié pourrait être appliquée si les conditions (p. ex. changement technico-économique de fonction et d’activité opérationnelle) fixées par l’arrêt du TF de 2020 ne sont pas données.
Planification fiscale par phase de vie
1ʳᵉ phase de la vie : célibataire, avant la reprise de l’exploitation
- Tarif de base. Les personnes célibataires sans enfants disposant d’un revenu tiré d’une activité lucrative sont imposées au tarif de base.
- Epargne fiscalement avantageuse. L’épargne déposée sur un compte du pilier 3 a permet de diminuer la facture fiscale.
2ᵉ phase de la vie : fondation d’une famille, après la reprise du domaine
- Tarif familial. Les couples avec enfants sont imposés au tarif familial. Dans les couples en concubinage, le revenu le plus élevé des deux partenaires est imposé à ce tarif. Grâce aux déductions supplémentaires pour enfants, la charge fiscale baisse dans les deux cas.
- Investissements. Après la reprise du domaine, le revenu est généralement réduit du fait des investissements réalisés et des amortissements qui en résultent. Il est important de signaler que la charge fiscale est généralement seulement reportée. En effet, lors d’une remise ultérieure du domaine ou en cas d’abandon de l’exploitation, l’imposition rétroactive des amortissements cumulés est analysée par l’administration fiscale.
- Prévoyance-vieillesse, assurance des risques. Concernant les investissements, des alternatives comme le crédit-bail (leasing) doivent être étudiées. En effet, il est possible de faire valoir les intérêts de ce type de crédits dans la déclaration fiscale (voir Revue UFA de janvier 2024). Il est possible d’alléger encore davantage la charge fiscale en utilisant les fonds disponibles pour alimenter la prévoyance-vieillesse et assure le risque décès et invalidité en plus de l’AVS.
3ᵉ phase de la vie : 10 ans avant la remise du domaine
- Déductions. Quand les enfants sont majeurs et ont achevé leur formation professionnelle initiale, il n’est plus possible de procéder aux déductions pour enfants dans la déclaration fiscale. Les investissements dans l’exploitation sont également réduits.
- Prévoyance-vieillesse. Durant cette phase, il est possible d’alléger sa facture fiscale en alimentant la prévoyance-vieillesse (rachats dans la caisse de pension, pilier 3 a). Pour éviter le coup de massue fiscal lors du retrait ultérieur des fonds de la prévoyance facultative, il convient d’ouvrir un nouveau compte 3a à partir de 50 000 francs.
4ᵉ phase de la vie : remise du domaine/ arrêt de l’activité lucrative indépendante
- Imposition du bénéfice de liquidation à un taux privilégié. Au moment de la remise du domaine ou de l’arrêt de l’activité lucrative indépendante et du transfert des immeubles commerciaux dans la fortune privée, la génération sortante pourrait profiter de l’imposition du bénéfice de liquidation à un taux privilégié pour autant que les conditions légales soient remplies.
- Retrait en capital et report de la rente. La rente versée par une caisse de pension est imposée comme revenu. Le retrait en capital est quant à lui imposé une seule fois à un taux inférieur et séparément des autres revenus. Par ailleurs, les personnes restant professionnellement actives après l’âge officiel de la retraite peuvent reporter le versement de leur rente AVS et lisser ainsi leur charge fiscale jusqu’au moment de toucher pleinement leur rente.
Remarque : Les lois et les pratiques fiscales de chaque canton demeurent réservées et doivent être vérifiées dans chaque cas.