Dans le cadre du projet PestiRed, qui vise à utiliser les ressources de manière durable, les exploitations de grandes cultures tentent de réduire le plus possible le recours aux produits phytosanitaires (PPh). La mise en œuvre a lieu par le biais d’une rotation des cultures de six ans.
Sises dans les cantons de Genève, Vaud et Soleure, les 65 exploitations participantes disposent chacune d’une parcelle de contrôle et d’une parcelle d’innovation. Sur cette dernière, différentes mesures sont appliquées pour réduire l’utilisation des PPh, alors que sur la parcelle de contrôle, la même culture est exploitée selon les pratiques habituelles, qui peuvent englober aussi bien les méthodes conventionnelles qu’une utilisation déjà réduite de produits phytosanitaires (culture extenso).
Résultats intermédiaires après les deux premières années de récolte
Les résultats du blé et du colza, les deux cultures les plus répandues dans le projet, ont été analysés après les deux premières années de récolte (2020 et 2021). Les rentabilités de la parcelle d’innovation et de celle de contrôle ont été présentées et comparées au moyen d’une comptabilité analytique ; puis, elles ont été évaluées en calculant la performance sans coûts directs et sans coûts d’exécution du travail (direktund arbeitserledigungskostenfreien Leistung, DAL).
Plus simplement, le chiffre ainsi obtenu représente les revenus restants une fois déduits les coûts des intrants, des machines, des travaux à façon et de son propre travail ; il ne tient en revanche pas compte des contributions à la sécurité de l’approvisionnement.
Rentabilité du blé sans PPh
Les résultats pour le blé se basent sur 20 exploitations. Sur la parcelle d’innovation, 58 dt / ha en moyenne ont été battus, contre 62 dt / ha sur la parcelle de contrôle, ce qui représente une réduction moyenne du rendement de 6,5 %.
En effet, pour le blé, les contributions à l’efficience des ressources ainsi que les contributions cantonales pèsent lourd dans la balance.
Avec de tels prix de base, davantage de primes ont pu être obtenues sur la parcelle d’innovation. De plus, les rendements plus faibles ont pu être compensés par des contributions plus élevées. En effet, pour le blé, les contributions à l’efficience des ressources ainsi que les contributions cantonales pèsent lourd dans la balance.
Du point de vue des coûts, les coûts directs dédiés à la protection phytosanitaire sont beaucoup plus faibles sur les parcelles d’innovation, ceux-ci ayant diminué de plus de 90 %. Quinze exploitations ont pu renoncer totalement à l’utilisation de PPh sur leurs parcelles d’innovation. En ce qui concerne les coûts des semences, les différences sont dues à l’utilisation de sous-semis. Les parcelles d’innovation présentent des coûts d’exécution du travail plus élevés, ce qui s’explique par un travail du sol plus intensif et un désherbage mécanique entraînant davantage de passages.
Les coûts de main-d’œuvre plus élevés s’expliquent également par le traitement manuel contre les adventices problématiques (rumex, chardons). En ce qui concerne les coûts d’exécution du travail, les avantages de l’utilisation des PPh sont visibles. En fin de compte, les parcelles d’innovation sont un peu plus avantageuses que les parcelles de contrôle.
Rentabilité du colza sans PPh
Pour la culture du colza, les données de douze exploitations ont été analysées. La proportion élevée des parcelles cultivées en mode extenso (83 %) doit être prise en compte lors de l’examen des résultats. En conséquence, les rendements se situent à un niveau plutôt bas pour la culture de colza. Sur la parcelle d’innovation, 19,2 dt / ha en moyenne ont été battus, contre 24,6 dt / ha sur la parcelle de contrôle, ce qui correspond à une réduction de rendement de 22 %.
Ainsi, pour le colza, la parcelle d’innovation ne présente que peu d’avantages supplémentaires en termes de prix et de primes, car la baisse des rendements ne peut être compensée ni par des primes, ni par des contributions. Malgré la forte proportion de cultures extenso, les coûts des PPh sont également nettement plus faibles sur la parcelle d’innovation que sur la parcelle de contrôle. Ils sont en effet réduits de 70 %.
Les sous-semis sur la parcelle d’innovation entraînent des coûts plus élevés, tandis que les coûts d’exécution du travail sont comparables sur les deux parcelles. Il en résulte une baisse des revenus sur la parcelle d’innovation pour des coûts comparables et donc une rentabilité inférieure à celle de la parcelle de contrôle.
Comparaison de la rentabilité
Pour l’instant, la rentabilité du blé et du colza est différente. Grâce aux primes et aux contributions, l’abandon des PPh dans la culture du blé semble pouvoir concurrencer les pratiques culturales actuelles. Dans la culture du colza, sur la période considérée, il n’existait pas encore de modèles de primes différenciés sur le marché qui récompensent suffisamment le renoncement aux PPh. Les paiements directs n’ont pas non plus permis de compenser le manque à gagner.
En doublant la contribution pour le colza, la Confédération a fait les premiers pas.
En doublant à partir de 2023 la contribution pour le colza de 400 à 800 francs / ha en cas d’abandon des PPh, la Confédération a fait un premier pas vers une amélioration de la rentabilité. Il est en effet important de viser des conditions du marché comparables à celles du blé pour d’autres cultures telles que le colza, en faisant en sorte que tous les acteurs de la chaîne de création de valeur partagent les risques plus élevés liés à l’abandon des PPh.
Les autres facteurs influençant le succès des stratégies alternatives aux PPh, tels que la culture précédente, l’emplacement ou l’expérience, n’ont pas pu être pris en compte dans cette comparaison économique. Des observations supplémentaires au cours des années suivantes du projet (jusqu’en 2025) permettront des évaluations plus détaillées.
Collaboration à la rédaction: Philippe Mathys, stagiaire, Agroscope