FIl n’est plus rare qu’une femme se trouve à la tête d’une exploitation agricole. Selon une étude de l’OFAG, elles sont entre 9 et 25 % suivant la catégorie d’âge. Au centre agricole de Liebegg, on forme tant des paysannes que des agricultrices et ici aussi, le pourcentage de femmes qui suivent la formation d’agricultrice a augmenté. L’idée de créer un réseau dédié aux cheffes d’exploitation, indépendamment de leur formation, a germé au contact des femmes. Cette structure offre la possibilité d’échanger avec d’autres cheffes d’exploitation, de participer ensemble à des manifestations ou à des cours et de partager des moments de convivialité. Le travail de responsable d’exploitation implique en effet parfois pour les femmes d’autres défis ou opportunités que pour les hommes. D’une part, la condition physique est différente et bien souvent, les femmes portent plusieurs casquettes : celles de cheffe d’exploitation, de mère et de maîtresse de maison. D’autre part, elles apportent de la diversité et des idées novatrices dans l’agriculture ; de même, elles gèrent différemment le personnel.
Petra Schmid
Maître agricultrice, Petra Schmid gère l’exploitation de ses parents en fermage, qu’elle reprendra en 2024. Située dans le Fricktal, l’exploitation bio comprend un troupeau de vaches allaitantes et leurs veaux, des grandes cultures et un verger. Elle recherche aussi des truffes dans la forêt avec sa chienne et a récemment planté une culture de truffes.
« Enfant déjà, je me plaisais dehors. De tous mes frères et sœurs, j’étais celle qui aimait le plus les animaux. C’est pourquoi je suis allée à l’école d’agriculture après ma formation commerciale et suis devenue maître agricultrice. La première personne que j’ai dû convaincre a été mon père. Il était réticent à cause de la charge physique élevée. Entre-temps, il s’y est fait. Bien sûr, on m’a autrefois souvent demandé si aucun de mes frères ne voulait reprendre le domaine. Aujourd’hui, beaucoup de personnes me demandent si je peux gérer seule l’exploitation. Est-ce qu’on ne me fait pas confiance ou l’image d’une femme à la tête d’une exploitation agricole est-elle vraiment si inhabituelle ?
« Je me surprends parfois moi-même aussi à catégoriser les femmes. »
Je me surprends parfois moi-même aussi à catégoriser les femmes. J’aurais par exemple tendance à imaginer qu’une femme qui travaille chez un artisan sera au bureau, alors que je n’en sais rien. Il en va certainement de même pour nous, les cheffes d’exploitation. Au début, il a été difficile pour moi de m’intégrer dans l’agriculture. A présent, je suis très soutenue et je collabore avec beaucoup de collègues. Malgré cela, échanger avec d’autres cheffes d’exploitation me fait du bien. De plus, je suis convaincue que nous pouvons beaucoup apprendre les unes des autres au sein du réseau, aussi au niveau des techniques de production. »
Anna Basler
C’est par amour qu’Anna Basler (44 ans) est venue en Suisse. Provenant d’un autre domaine professionnel, elle a décidé en 2020 de reprendre la gestion de l’exploitation de son mari. Elle la dirige depuis que ce dernier est retraité et jusqu’à ce qu’un enfant décide de reprendre le domaine. Ce qu’elle préfère, c’est travailler avec les vaches et approfondir ses connaissances dans des ouvrages spécialisés. On rencontre aussi souvent Anna dans les champs à proximité d’Aarau.
« Le plus bel aspect de l’exploitation est le travail avec les animaux. J’aime prendre des décisions. Avec qui accoupler quelle vache ? Quand faut-il les tarir ? J’en assume l’entière responsabilité. Mon mari est derrière moi. C’est formidable qu’il me soutienne, que nous puissions beaucoup discuter et décider ensemble. J’aime aussi dialoguer avec d’autres collègues. Le fait d’échanger d’égal à égal me plaît beaucoup. Les femmes au sein du réseau ont d’autres histoires, d’autres expériences et parfois les mêmes problèmes. Je suis consciente que je ne peux pas effectuer tous les travaux seule sur l’exploitation.
« Je laisse généralement mes employés conduire le tracteur. »
Je laisse généralement mes employés conduire le tracteur. Je préfère être à l’étable et j’apprends beaucoup sur les animaux en empruntant des chemins de traverse. L’homéopathie est mon principal loisir à côté de l’exploitation agricole. En tant que cheffe d’exploitation, j’avais au début peur des nombreuses lois et craignais de commettre des erreurs. La reprise de l’exploitation n’a pas été simple, mais maintenant cela se passe bien. En tant que femme, il n’est pas toujours facile de s’imposer dans un monde professionnel dominé par des hommes. J’ai pu heureusement m’informer partout, poser de nombreuses questions et acquérir de l’expérience. Je me sens maintenant sûre. Notre fils suit actuellement une formation d’agriculteur et nous pouvons échanger ensemble. Bonheur et réussite : tels sont mes souhaits pour ma famille et notre exploitation. »
Marina Boller
Marina Boller (37 ans) a suivi une formation de paysanne après une formation commerciale. Elle afferme une exploitation bio à proximité de Baden. Elle élève un troupeau de vaches allaitantes et produit des grandes cultures ainsi que des cultures fourragères. Son principal loisir est la photographie. Elle présente avec talent ses animaux et son exploitation sur Instagram (lucky__farm).
« Mon principal loisir, la photographie, m’accompagne depuis longtemps. Sur l’exploitation que j’affermais avant, je voulais déjà présenter l’agriculture au grand public. Instagram est une plateforme idéale pour mettre en avant de belles photos. Malheureusement, les algorithmes obligent actuellement à être constamment en ligne et à poster régulièrement des photos. C’est pourquoi je ne suis plus autant active sur ce réseau. J’ai cependant toujours envie de présenter l’agriculture à la population et d’offrir une belle vie à mes animaux. Je m’imaginerais bien avec un groupe de jeu ou l’école à la ferme. J’ai converti mon exploitation en fermage au bio, réduit les grandes cultures et développé mon troupeau allaitant. J’aurais volontiers trait mais j’aime aussi beaucoup que les veaux grandissent près de leur mère. J’apprécie beaucoup la collaboration avec d’autres responsables d’exploitation.
« Les femmes apportent de la diversité ainsi que des idées nouvelles. »
Je trouve important que les femmes actives dans l’agriculture soient reconnues et marquent davantage le monde agricole. Les femmes apportent de la diversité ainsi que des idées différentes et nouvelles. Cela me fait du bien d’échanger avec des personnes partageant les mêmes valeurs, avec d’autres femmes qui dirigent aussi une exploitation agricole et qui doivent concilier vie professionnelle et familiale. »