Texte : Dario Pedolin et Thomas Nemecek
Le revenu des agriculteurs·trices suisses se situe régulièrement en dessous du revenu de référence des secteurs secondaire et tertiaire. Le faible salaire horaire est souvent lié à la trop lourde charge de travail. En outre, de nombreux efforts sont entrepris pour maîtriser l’impact de la production agricole sur l’environnement, mais, dans ce cas aussi, on manque souvent les objectifs visés.
Le graphique compare efficience environnementale et efficience économique pour le lait (à gauche) et pour les betteraves sucrières (à droite). L’efficience est donnée si le résultat d’une observation se situe au-dessus ou à droite de la médiane. Le lait présente une légère corrélation entre les deux types d’efficience : les résultats des observations se situent en grande partie dans les champs en bas à gauche et en haut à droite. Aucun lien de ce type n’est constaté pour les betteraves sucrières. En outre, leur efficience environnementale varie moins que celle de la production laitière.
Données sur le revenu et l’impact environnemental
Financé par le Programme national de recherche « Economie durable » (PNR 73), le projet « Enterprise-Twice » montre les différences qui existent en termes de revenus et d’impact environnemental au sein de différents groupes de produits. En outre, il met en évidence les groupes de produits agricoles qui présentent des synergies entre les aspects économiques et environnementaux. Le projet se base sur les données de plus de 200 observations issues du projet de Dépouillement centralisé des bilans écologiques d’exploitations agricoles (DC-BE)
Les données du DC-BE contiennent des inventaires détaillés des flux de substances et de tous les travaux réalisés, ce qui permet d’établir des analyses du cycle de vie des groupes de produits. La production de lait, l’élevage et l’engraissement de bovins, ainsi que la culture de céréales, de pommes de terre et de betteraves sucrières ont été pris en compte. Les impacts environnementaux de ces groupes de produits peuvent ensuite être calculés. La contribution de chaque groupe de produits au revenu agricole a été calculée à partir des données comptables des exploitations afin d’établir une comparaison avec le revenu.
Les plus grandes différences entre exploitations sont observées dans l’élevage et l’engraissement de bovins.
Dosage précis des concentrés
L’impact environnemental peut varier fortement entre des exploitations fournissant les mêmes produits, notamment dans l’élevage et l’engraissement de bovins. L’utilisation de concentrés joue à cet égard un rôle décisif. Ceux-ci augmentent certes la productivité, mais sont aussi responsables d’une large part de l’impact environnemental. Par ailleurs, une production trop extensive n’est pas non plus optimale : en cas de performances laitières et carnées très basses, les besoins d’entretien sont répartis seulement sur une faible quantité de produits.
C’est dans la culture de betteraves sucrières que la différence entre les exploitations est la plus faible. Un important facteur réside dans le fait que cette culture concerne surtout la région de plaine et qu’elle est largement automatisée et mécanisée.
Grande variabilité des revenus
Les revenus présentent une plus grande variabilité que l’impact environnemental pour l’ensemble des groupes de produits analysés. Les plus grandes différences entre exploitations sont observées dans l’élevage et l’engraissement de bovins. Les revenus se situent dans une fourchette qui va jusque dans le domaine négatif.
La comparaison entre l’impact environnemental et la situation des revenus montre que les bons revenus n’ont pas été générés aux dépens de l’environnement. Aucun conflit d’intérêt n’a été relevé. Au contraire, pour la production laitière et l’élevage bovin, un lien légèrement positif a été constaté entre une bonne rentabilité et la protection de l’environnement. Aucun lien n’a été trouvé entre l’environnement et la rentabilité pour les céréales, les pommes de terre et les betteraves sucrières.
Les fourrages grossiers sont payants
Une analyse plus détaillée montre que nombre d’exploitations présentant de bonnes performances économiques produisent selon les directives bio. En outre, une part conséquente de ces exploitations se situe en région de montagne et est spécialisée dans la garde de bétail de rente. Celles-ci atteignent un revenu supérieur à la moyenne grâce aux prix plus élevés des produits bio et aux contributions à la production dans des conditions difficiles. Alors qu’elles présentent une performance laitière légèrement inférieure à celle des exploitations de plaine et que leur croissance est également plus faible, l’utilisation plus importante des fourrages grossiers entraîne un impact moyen de l’élevage bovin sur l’environnement.
Grand potentiel d’amélioration
En conclusion, rien dans l’analyse d’Agroscope n’indique que les agriculteurs·trices améliorent leurs revenus aux dépens de l’environnement. Une production à la fois respectueuse de l’environnement et rentable est possible. Toutefois, la large fourchette observée en termes d’impact environnemental et de revenus pour un même produit (voir graphique) laisse entrevoir un grand potentiel d’amélioration pour de nombreuses exploitations, tant sur le plan environnemental qu’économique.
Analyse du cycle de vie
Aussi appelées « écobilans », les analyses de cycle de vie d’un produit calculent l’ensemble des impacts environnementaux d’un produit, depuis l’extraction de la matière première jusqu’à la consommation et à l’élimination, en passant par le transport et le conditionnement (« Du berceau à la tombe »). Pour ce faire, on réunit des informations couvrant tout le détail des intrants et des produits. L’étude présentée ici a pris en compte les effets sur l’environnement en s’arrêtant au niveau de l’exploitation agricole (« Du berceau à la ferme »).
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Dépouillement centralisé des bilans écologiques (DC-BE)
Dans le projet « Dépouillement centralisé des bilans écologiques d’exploitations agricoles (DC-BE) », Agroscope a étudié les liens entre l’impact environnemental, le revenu et la productivité des exploitations agricoles. De 2006 à 2008, des informations détaillées sur quelque 240 observations ont été récoltées sur tous les intrants et les produits. Un nouveau calcul des analyses du cycle de vie a été effectué récemment à partir de ces données. L’influence environnementale de nombreux facteurs, tels que le type d’exploitation, la catégorie de produit, la forme d’agriculture, la région, la fertilisation, les sources énergétiques ou les pesticides, y a été prise en compte.
La mise en relation des données environnementales avec la base de données du Dépouillement centralisé des données comptables a permis de combiner les évaluations environnementales et celles économiques.