En Suisse, environ 80 % des animaux destinés à la production de viande sont issus de la branche laitière. C’est donc à celle-ci que revient une part décisionnelle importante quant à la race, déterminant quels animaux parviennent dans les exploitations d’engraissement de gros bétails. Cependant, les intérêts des exploitations laitières et de celles d’engraissement ne coïncident pas toujours.
Vêlage facile
Quelle que soit la stratégie choisie, les exploitations laitières souhaitent des vêlages faciles. Les races à viande de gabarit petit ou moyen, comme l’Angus, peuvent être utilisées sans restriction. Pour les autres races, on peut se référer à la valeur d’élevage relative au déroulement du vêlage chez le bétail laitier pour choisir le taureau.
Dans les exploitations laitières, la durée de gestation, qui elle-même dépend de la génétique, joue parfois un rôle dans le choix du taureau d’engraissement. Une étude de l’université de Zurich de 2008 montre que la durée moyenne de gestation, toutes races confondues, était de 287 jours, les veaux mâles naissant environ deux jours plus tard que les femelles. Les races à maturité tardive (p.ex. Blonde d’Aquitaine, Piémontaise ou Brune) présentent une gestation plutôt longue (Ø 290 jours), tandis que la Simmental et la Limousine se situent dans la moyenne avec 289 jours. Parmi les races d’engraissement usuelles, l’Angus affiche la gestation la plus courte, avec quelque 284 jours. Ainsi, la durée de gestation de cette dernière se rapproche de celle des Holstein. Dans ce contexte, on notera que plus la gestation est courte, plus il est facile de planifier le tarissement et le démarrage de l’alimentation de la vache tarie.
L’Angus populaire
Les chiffres d’Identitas montrent un doublement des naissances d’Angus au cours des sept dernières années. Le plus grand service d’insémination de Suisse relève quant à lui une augmentation d’environ 30 % des ventes de doses de semence d’Angus en 2022 par rapport à 2018. Pour la Limousine, (p. ex.) la hausse n’est que de 7 % sur la même période. Cependant, on réalise toujours quatre fois plus d’inséminations avec de la Limousine qu’avec de l’Angus. Cette préférence croissante pour cette dernière race s’explique peut-être par des poids plus faibles à la naissance : selon l’étude précitée, les veaux Angus sont moins lourds que ceux des races Limousine et Simmental (respectivement environ – 4 kg et –8 kg). En règle générale, plus les veaux sont légers, plus le risque de complications au vêlage est faible. Par contre, ils doivent rester plus longtemps dans l’exploitation de naissance avant d’atteindre les 80 kg requis par le commerce : pour un veau de 35 kg à la naissance, c’est en effet une semaine de plus que pour un veau de 42 kg, partant d’un gain moyen quotidien (GMQ) de 1000 g par jour (buvée intensive).
Bonne performance d’abattage
Pour des questions de rentabilité, les engraisseurs tablent sur des veaux des races à viande, qui ont le potentiel génétique pour atteindre une bonne performance d’abattage. Ainsi, les mots d’ordre sont GMQ élevés, rendement d’abattage optimal et bonne taxation de la graisse. Alors que l’engraissement des taurillons est plutôt confronté au problème des animaux non couverts (classe de tissu gras 2), c’est plutôt l’inverse qui est vrai pour les engraisseurs intensifs de génisses et de veaux (classe 5). La génétique pèse ici de tout son poids. Les évaluations d’UFA portant sur plus de 15 000 animaux montrent que, chez les mâles, les races Angus, Limousine et Simmental sont les plus équilibrées en termes de GMQ et de couverture de graisse : la plupart des animaux y atteignent la classe 3 (79 %) ; s’agissant de l’Angus, 14 % arrivent en classe 4, alors que pour la Limousine, et la Simmental, 18 % sont en classe 2. Sur ce plan, les races à maturité tardive (p. ex. Blanc-Bleu Belge ou Blonde d’Aquitaine) sont plutôt problématiques, puisque pour ces deux races, respectivement un taureau sur deux et un sur trois relèvent de la classe 2.
Les éleveurs intensifs de génisses et de veaux sont confrontés à des animaux à couverture de graisse trop importante.
Génisses plus grasses
Dans le cas d’une insémination conventionnelle de race à viande (non sexée), la théorie veut qu’un veau sur deux soit une femelle. Selon la race considérée, l’accumulation de graisse est un véritable problème dans l’engraissement intensif des génisses. Chez celles-ci, la couverture de graisse débute au même moment physiologique que chez les mâles, soit au pic de la croissance musculaire. Or, les taureaux ayant une croissance musculaire plus prolongée et plus importante, ils accumulent moins rapidement de la graisse que les génisses. Ainsi, les génisses des races Blanc-Bleu Belge et Blonde d’Aquitaine, dont la maturité est tardive, sont les seules à atteindre en majorité la classe de tissu gras 3 ; toutes les autres races ont un pourcentage supérieur à 50 % en classe 4. Ce phénomène est particulièrement marqué chez les femelles Angus, pour lesquelles une génisse sur quatre est taxée 5, ce qui entraîne des déductions importantes. Les races d’engraissement courantes que sont la Limousine et la Simmental comptent pour leur part nettement moins d’animaux de classe 5 (respectivement 8 % et 5 %).
Dans l’engraissement des génisses, il faudrait donc toujours se fier aux recommandations du tableau. Si l’offre le permet, l’achat des petits veaux devrait quant à lui correspondre au type d’engraissement prévu.
Notre conseil
Quelle race pour quelle utilisation ?
- Les exploitations de naissance doivent choisir les taureaux des races d’engraissement qui leur conviennent, mais elles ne doivent pas non plus négliger les besoins de l’exploitation d’engraissement. Le prix des petits veaux étant déterminé par l’offre et la demande, il faut produire en fonction du marché.
- Les génisses des races précoces se prêtent mieux à un engraissement extensif, par exemple au pâturage. En revanche, celles des races à maturité tardive et à grand gabarit devraient trouver leur place dans un système d’engraissement plus intensif.