L’engraissement de gros bétail requiert une ration adaptée et équilibrée. Les aliments autorisés varient en fonction du label considéré : certains interdisent le soja ou en limitent l’utilisation à certaines phases. C’est par exemple le cas pour les labels Natura-Veal et Natura-Beef, où le soja est prohibé. Quant à SwissPrimGourmet et Premium Beef, ils l’interdisent jusqu’au sevrage. Enfin, avec Swiss Black Angus, l’alimentation au soja n’est pas autorisée, la prescription s’appliquant même à tous les animaux de l’exploitation (cf. tableau).
Vaches allaitantes et gros bétail
La CE Löhr, à Lobsigen, est dirigée par Martin Uhlmann et Ernst Bangerter. L’étable offre 100 places d’engraissement jusqu’à l’automne. Ensuite, il ne reste que 80 places disponibles, un compartiment étant dès lors occupé par le troupeau de vaches allaitantes Angus. Malgré cela, il est possible d’assurer environ 1,7 rotation par an. Les lots sont occupés par des remontes. Les chefs d’exploitation ne font pas d’élevage, car en sus de l’engraissement du gros bétail, ils réalisent des cultures fourragères et des grandes cultures, une activité chronophage. Ce faisant, ils travaillent le sol avec ménagement, soit sans labour et en semis direct. La plupart des cultures étant très gourmandes en humus, le fumier du bétail permet alors d’améliorer le bilan humique.
Alimentation sans soja
En s’adaptant au label Swiss Black Angus, la CE Löhr est passée à un affouragement sans soja pour tous les animaux. Le respect des exigences concernées leur permet d’avoir la plus-value obtenue avec des animaux Black Angus. Selon Martin Uhlmann, la conversion de l’ensemble de l’exploitation était de toute façon la plus judicieuse en termes de charge de travail : « Si la conversion n’avait pas fonctionné, nous serions revenus à une alimentation avec soja », explique le chef d’exploitation.
Actuellement, le mélange préparé pour les taureaux d’engraissement est distribué à toutes les catégories d’âge. La ration est composée à plus de 60 % d’ensilage de maïs et contient également des céréales humides et de la pulpe de betterave sucrière séchée. Un concentré protéique sans soja est aussi utilisé et un composé minéral spécifique pour l’engraissement du gros bétail sert en outre à couvrir les besoins en minéraux et en vitamines. Cependant, l’ensilage de maïs rend la ration riche en amidon. Ainsi, la dégradation de celui-ci dans la panse tend à abaisser le pH, augmentant le risque d’acidose. Pour pallier ce problème, les animaux reçoivent donc un tampon en sus de chaux fourragère. De plus, le bétail peut consommer de la paille si nécessaire dans le compartiment sur plan incliné, couvrant les besoins en fibres brutes et réduisant encore le risque précité. Selon Ernst Bangerter, il convient à cet effet d’apporter de la paille fraîche tous les jours. Enfin, une complémentation ciblée selon la tranche d’âge complète l’affouragement afin de couvrir de manière optimale les besoins en pro téines et en énergie : les animaux plus jeunes (encore en croissance) reçoivent le concentré de protéines sans soja comme source supplémentaire de protéines ; une fois la croissance terminée, un apport d’énergie supplémentaire s’avère nécessaire, pour assurer une couverture de graisse suffisante. C’est alors un aliment complémentaire riche en énergie qui est utilisé.
La CE Löhr atteint généralement des gains quotidiens de 1600 g.
Quelques difficultés
L’une des problématiques rencontrées lors de la reconversion était de savoir si l’on pouvait atteindre la teneur en PAIE de l’affouragement à base de soja. La PAIE est en effet l’un des paramètres les plus importants pour obtenir les résultats d’abattage escomptés. Les chefs d’exploitation ne cachent pas qu’ils se tourneraient à nouveau vers le soja en cas de détérioration des évaluations à l’abattage. Les performances sont cependant restées stables. La CE Löhr atteint généralement des gains quotidiens de 1600 g. Les évaluations des abattages se situent aussi à un très bon niveau, avec moins de 10 % d’animaux classés 2 et 4 pour la graisse. Quant à la charnure, elle se situe quasi toujours dans les catégories C, H ou T.
En conclusion, les performances visées dans l’engraissement du gros bétail peuvent être obtenues avec ou sans soja. Mais quels sont les substituts du soja ? Le gluten de maïs affiche un fort potentiel, compte tenu de ses teneurs importantes en PAIE. En revanche, le soja présente un profil d’acides aminés plus favorable. On peut aussi utiliser les sous-produits du colza (tourteaux d’extraction et de presse) et les drêches de céréales. Cependant, ces supports protéiques contiennent nettement moins de PAIE, pouvant poser problème pour l’élaboration des rations et donc pour les performances des animaux. Enfin, relevons ici que les supports protéiques mentionnés (y c. tourteau de soja), sont des sous-produits de la production alimentaire. En effet, les tourteaux sont produits lors de l’extraction de l’huile. Le bétail d’engraissement est ainsi en mesure de transformer tous ces sous-produits en protéines précieuses pour l’alimentation humaine.