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Production végétale

Maraudeurs des champs

Une fois les cultures de printemps semées, on observe sur les parcelles une augmentation du nombre de corvidés venus manger les graines ou les jeunes plantes. Sans produits chimiques d’enrobage, il est difficile de protéger les cultures contre les oiseaux. Les agriculteurs·trices ne sont cependant pas dépourvus de tout moyen.

La consommation d'oiseaux peut être un problème tout au long de la saison

La consommation d'oiseaux peut être un problème tout au long de la saison

(iStock)

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– Les corvidés étant très intelligents, ils apprennent vite et transmettent leur savoir.

– Les mesures visant à prévenir les dégâts causés par les oiseaux n’ont qu’un effet temporaire.

– La combinaison périodique et parcimonieuse de diverses méthodes permet de protéger la culture au bon moment.

Les dégâts commis par les oiseaux dans les grandes cultures, les vignes ou les cultures maraîchères ne datent pas d’aujourd’hui. On peut ainsi lire en 1842 dans une chronique agricole du domaine du chevalier de Lützschena bei Leipzig (DE) que la récolte de colza a été amputée d’un quart en raison de la prédation des oiseaux. Cependant, aujourd’hui, en Suisse, ce problème est plus actuel que jamais depuis que l’agriculture conventionnelle ne disposera bientôt plus de traitement d’enrobage des semences (comme Korit) avec effet répulsif autorisé.

Les corvidés sur les champs et l’ensilage

Les corvidés (Corvidae) que l’on rencontre le plus souvent dans les cultures sont la corneille noire (Corvus corone), la corneille mantelée (Corvus cornix) et le corbeau freux (Corvus frugilegus). Les oiseaux, affamés de graines fraîchement mises en place, s’attaquent aux cultures dès le semis, mais aussi durant la levée, mangeant les jeunes plantes ou arrachant celles-ci par jeu ou curiosité. Plus tard, une fois parvenus à maturité, les grains sont aussi une pitance de choix pour ces animaux. Les oiseaux s’intéressent encore aux silos-tranchées ou aux balles d’ensilage, où ils s’en prennent aux films et aux filets pour atteindre le fourrage, occasionnant des souillures, voire des fermentations anormales.

Tests d’intelligence pour grands singes

Les corvidés sont si intelligents qu’ils sont capables de résoudre des tests destinés à des primates, si bien qu’un éthologiste les a qualifiés de « singes volants ». Un projet de recherche a par exemple démontré que les corneilles sont en mesure de reconnaître les jours de la semaine : on leur présentait chaque jour des boîtes de différentes couleurs et parmi celles-ci une seule, dont la couleur correspondait au jour précis, contenait de la nourriture. Or il a fallu peu de temps aux oiseaux pour savoir quelle était la couleur associée à chaque jour particulier. Une autre étude a montré clairement pourquoi il est si difficile de tenir les corvidés éloignés des surfaces cultivées. Durant deux saisons, des graines de tournesol ont été colorées pour une partie en bleu et traitées pour l’autre partie avec une substance amère. Si, durant la première saison, les oiseaux ont majoritairement mangé les graines amères, la deuxième, ils les ont délaissées pour se régaler des graines bleues : ils avaient appris qu’elles avaient meilleur goût, que leur couleur ne représentait aucun danger et ont transmis ces connaissances à tous les membres du groupe.

Les corneilles sont en mesure de reconnaître les jours de la semaine.

Des méthodes éprouvées contre la prédation des oiseaux

Sur Internet, on trouve de nombreuses recommandations pour prévenir les dégâts causés par les corvidés, mais sans garantie d’efficacité : un certain exploitant conseille de vaporiser de l’huile pimentée, alors qu’un autre exploitant allemand ne jure que par l’enrobage des graines de maïs avec de l’extrait de houblon. Un autre agriculteur est en revanche convaincu que la solution est de pendre des corneilles mortes comme épouvantails est efficace – du reste, les personnes qui partagent cet avis sont nombreuses. Mais cette technique, qui présente un effet délétère sur les promeneurs·euses, est interdite pour des questions de prévention des épizooties.

Cependant, il y a d’autres méthodes qui ont montré leur efficacité contre la prédation des oiseaux – à propos desquelles il faut toutefois préciser d’emblée que la plupart du temps, elles ne fonctionnent que brièvement, car les animaux s’y habituant, ils apprennent vite à les contourner. Il convient aussi de considérer le fait que les oiseaux effrayés peuvent former des populations séparées, aggravant le problème.

Enterrer les graines plus profondément

Pour le maïs, il peut être utile d’enterrer les graines plus profondément (7–8 cm dans les sols légers, 3–5 cm dans les sols lourds). Cependant, le semis ne doit être réalisé qu’une fois que la température de la terre se situe entre 8 et 10 °C, sinon la levée va prendre beaucoup de temps. Le rouleau peut ensuite être passé pour « effacer » les raies de semoir. Il est aussi possible de s’entendre avec les voisins pour semer tous en même temps, afin que les oiseaux ne se concentrent pas toujours sur une parcelle. Les engrais de ferme doivent par ailleurs être enterrés, car ils attirent les corvidés.

Dispositifs de dissuasion acoustique et moyens de dernier recours

Des détonations périodiques et des bruits violents effraient provisoirement les oiseaux. Il existe des équipements comme les pétards ou des appareils produisant une combinaison d’effets optiques (banderoles ou fils tournant à haute vitesse) et acoustiques (p. ex. détonations de gaz propane). La diffusion de cris de détresse de congénères ou de cris de rapaces (chez BirdGards) est aussi un moyen de défense acoustique.

Si plus rien ne fonctionne, il reste le tir, qui doit cependant être discuté avec la société de chasse locale et être exécuté par une personne dûment autorisée.

Tromper l’ennemi

Les agriculteurs·trices installent dans leurs parcelles de plus en plus souvent des ballons à surface réfléchissante ou des épouvantails mobiles ressemblant à des rapaces. Ces dispositifs bougeant et projetant des ombres de manière irrégulière, ils sont efficaces. Des tourniquets à vent, des bandes de plastique, des leurres en plumes de rapaces, des laser, des épouvantails gonflables ou des CD suspendus sont aussi des options possibles. Une mesure un peu plus théâtrale est l’installation d’un faux site de déplumage circulaire avec des plumes noires (de poules), comme si un vautour avait dépecé une corneille sur place. En revanche, le bon vieil épouvantail à moineaux ne sert la plupart du temps pas à grand-chose.

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Les cerfs-volants qui simulent la présence d’oiseaux de proie effarouchent les corvidés pendant un certain temps.

(Dr. Katharina Kempf)

Favoriser les vrais ennemis

Dans les villes notamment, on a déjà fait appel à des fauconniers utilisant des rapaces comme la buse de Harris (une espèce américaine), qui ont impressionné les corvidés. Installer des perchoirs à rapaces est donc une bonne idée non seulement pour lutter contre les campagnols, mais aussi pour se prémunir contre les corvidés. Par ailleurs, des drones ressemblant à des rapaces et émettant des cris ont aussi été utilisés au centre-ville d’Yverdon (VD) en 2017, mais leur efficacité n’a pas duré.

Proposer un menu différent ou immangeable

L’offre d’autres sources de nourriture est aussi une approche pour prévenir les dégâts causés par les oiseaux, comme l’alimentation de diversion avec du sarrasin. Le projet de recherche Peacor (Limagrain et Agroscope) table sur la préférence des oiseaux pour les protéines. Dans ce cadre, des bandes de pois ont ainsi été semées à côté du maïs. Cependant, durant la période de nidification, les corvidés préfèrent les protéines d’insectes. Il est donc judicieux d’encourager la présence de ce type d’auxiliaires.

Il n’existait pas encore de véritable alternative aux produits d’enrobage de synthèse. Cependant, cette situation est en passe de changer. En effet, il existe pour l’année 2024 une homologation d’urgence pour le produit de traitement biologique Ibisio ; à base d’extrait de poivre, il est disponible pour les entreprises en Suisse. En outre, la première autorisation de mise sur le marché d’Ecovelex est prévue pour l’année 2025 en Autriche ; produit de traitement d’origine végétale, il est composé d’une association de trois terpènes végétaux.

Diversité rime avec efficacité

Si les méthodes à disposition permettent d’effaroucher provisoirement les animaux, il convient de les utiliser avec parcimonie et pas trop tôt. La solution la plus efficace consiste à « varier les plaisirs » de manière aléatoire. Pour les agriculteurs·trices qui n’ont ni le temps ni l’envie d’orchestrer une telle « valse des méthodes », il existe des équipements comme BirdAlert. Il s’agit d’un caisson invisible équipé de hautparleurs et de micros de reconnaissance qui fonctionne aléatoirement et uniquement en présence des oiseaux. 

Fiches techniques et autres informations sur la prédation des oiseaux

– Le FiBL a écrit un article sur la manière de repousser les corneilles dans les champs cultivés en bio.

Agroscope a lancé en 2022 un projet avec des ornithologues afin d’examiner de nouvelles approches pour repousser les oiseaux.

– Quels sont les oiseaux présents dans les champs ? La Station ornithologique suisse décrit de nombreuses espèces. www.vogelwarte.ch/fr

Retours d’expériences recherchés

Quelle est votre recette pour prévenir les dégâts causés par les oiseaux ? Donnez-la nous sur Instagram avec le mot-dièse #ufarevuecommunity.

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