Pour les agriculteurs·trices, le printemps particulièrement humide a été un sujet de (pré)occupation certain. Il en va de même pour la question de la fertilisation des grandes cultures : aurait-on pu faire autrement ou mieux ?
Importance de la fumure précoce
En février dernier, la saison des grandes cultures 2024 s’annonçait sous les meilleurs auspices : le temps était souvent relativement sec et chaud. Il a été possible de fertiliser tôt, ce qui est d’ailleurs recommandé. Même s’il ne pleut pas, il reste en effet généralement assez d’humidité dans le sol pour dissoudre les granulés d’engrais à la surface du sol lors d’un premier apport précoce d’azote. Le nitrate ainsi libéré s’infiltre vite dans le sol et y est très mobile. La plante peut alors facilement l’absorber avec l’eau du sol.
Le 1 er apport d’engrais doit être effectué avec des produits contenant des nitrates, comme le nitrate d’ammoniaque 27 + Mg. La moitié de l’azote se trouve sous forme de nitrate rapidement disponible et l’autre moitié sous forme d’ammonium immobile, qui sera disponible après la nitrification.
Fumure azotée lors de printemps humides
S’il pleut tout le printemps, les sols ne sont souvent guère praticables. Il est donc difficile de trouver le moment optimal pour épandre. Si la fumure est axée sur l’ammonium, par exemple avec des produits contenant de l’urée, la transformation en nitrate, plus facilement disponible, est très lente lorsque la température du sol est inférieure à 10° C. De plus, les racines doivent pousser pour assimiler l’ammonium plutôt immobile. Or ce phénomène ne se produit que dans les phases de végétation vigoureuses. Les plantes sont en outre mises à mal par un temps froid et humide. L’urée et l’ammonium ont cependant un avantage en cas de fortes précipitations : ils forment des liaisons stables avec les particules du sol et ne sont donc pas immédiatement transférés dans les couches plus profondes.
Lessivage des nitrates et humidité
En raison de leur mobilité après de fortes précipitations, les nitrates ne peuvent plus être atteints aussi facilement par les racines des plantes, car ils pénètrent dans les couches profondes du sol. Le lessivage se produit cependant surtout en automne et durant la période sans végétation. Au printemps, dès que la végétation a démarré, l’eau du sol à tendance à remonter par capillarité. Même en cas de fortes précipitations, les nitrates ne sont guère lessivés au printemps. En effet, pour cela, il faudrait des précipitations considérables sur une longue période. Toutefois, le type de sol et sa capacité de rétention d’eau jouent un rôle crucial sur ce plan (voir le tableau sur le lessivage des nitrates).
Les nitrates peuvent néanmoins être perdus d’une autre manière : si le sol est gorgé d’eau, comme en cas d’humidité stagnante, l’oxygène fait défaut ; le nitrate présent dans le sol est alors utilisé comme source d’énergie par les bactéries anaérobies en raison de l’absence d’oxygène – soit la dénitrification. Le nitrate est en effet transformé en azote moléculaire et en gaz hilarant (protoxyde d’azote), s’échappant dans l’atmosphère. Or le protoxyde d’azote n’est pas seulement un gaz à effet de serre, mais peut aussi nuire à la culture.
Fumure azotée lors de printemps secs
En période sèche, la plus grande difficulté est d’abord la dissolution des granulés d’engrais. Comme mentionné ci-dessus, de petites quantités d’humidité suffisent généralement. Visuellement, il ne reste alors à la surface du sol que le support calcaire de l’engrais concerné. Les nitrates sont avantagés, car ces derniers se déplacent plus rapidement vers la zone racinaire en période sèche. Cependant, si le sol est autant desséché que lors de l’année 2018, les flux d’eau dans le sol se tarissent. Tous les flux de nutriments s’arrêtent alors et tout est bloqué : les cycles et l’activité du sol s’arrêtent presque complètement. Dans cette situation, l’eau est le facteur limitant la croissance et le rendement.
En période sèche, les nitrates se déplacent plus rapidement vers la zone racinaire.
Engrais liquide en cas de sécheresse ?
Dans ce cas, le processus de dissolution des granulés est supprimé. Cependant, si le sol est complètement desséché, l’engrais liquide atteint lui aussi ses limites. La solution consistant par exemple à épandre 300 litres d’engrais azoté liquide par hectare au sol laisse à penser que ce liquide atténue le problème. Cette quantité ne correspond néanmoins qu’à 0,03 mm de précipitations. En cas de sécheresse absolue, la solution d’engrais liquide reste automatiquement à la surface du sol. De plus, la sécheresse est généralement associée à un fort rayonnement solaire sur la surface du sol, occasionnant des températures élevées. Une partie de la solution peut alors s’échapper sous forme de pertes ammoniacales, un phénomène qu’il s’agit d’éviter. Si l’effet de l’engrais liquide foliaire peut certes aider la plante à surmonter la sécheresse, cet effet ne doit pas être surestimé, car la capacité d’absorption par la feuille est limitée.