Quer gelesen
– Le projet « Slow Water » développe et teste des méthodes de rétention d’eau dans les cantons de Bâle-Campagne et de Lucerne.
– Les mesures sont adaptées à chaque bassin versant et conjuguées de manière judicieuse.
– Parmi les méthodes connues figurent les sous-semis et parmi celles nouvelles, la technique d’aménagement des espaces agricoles dite des « keylines ».
Compte tenu des températures estivales qui ont marqué ce début avril, d’aucuns se demandent quelle quantité d’eau de fonte sera encore disponible en été, une question particulièrement pertinente lorsque vagues de chaleur mettent les cultures en situation de stress hydrique. Après des périodes de sécheresse, la pluie souhaitée arrive de plus en plus sous forme de fortes précipitations qui érodent le sol ; et les besoins croissants de l’agriculture ainsi que de l’ensemble de la société en eau potable en cas de sécheresse entraînent de plus en plus souvent des pénuries hydriques dans les communes. Le canton de Bâle-Campagne est particulièrement sensible au dérèglement climatique, car il y fait plus chaud et plus sec que dans d’autres régions de Suisse. De plus, il ne dispose que de très peu de cours d’eau naturels permettant d’irriguer.
Un projet se met en place
L’idée de ralentir l’écoulement des eaux de pluie par des mesures de rétention ad hoc a été suivie dans le cadre d’un projet conçu par le Centre Ebenrain pour l’agriculture, la nature et l’alimentation (alors dirigé par Lukas Kilcher) et Seecon international gmbh (représenté par Johannes Heeb, spécialiste de la gestion intégrée de l’eau). Au début, le canton de Bâle-Campagne était le seul site pilote, puis, le canton de Lucerne est également devenu partenaire du projet, grâce à la participation d’Urs Kiener, agriculteur et président du conseil communal de Hergiswil. En effet, même dans l’arrière-pays lucernois, où les précipitations sont importantes, l’approvisionnement en eau devient difficile en raison de conditions météorologiques extrêmes. Par la suite a été développé le projet « Slow Water ». Dédié à la question de la gestion des ressources, il est mis en œuvre dans les cantons de Lucerne et de Bâle-Campagne depuis 2024. Les entités partenaires qui sont impliquées dans ce dernier sont les suivantes : services de l’agriculture et de vulgarisation des deux cantons précités, 18 communes, unions paysannes cantonales, BioNordwestschweiz, Université de Bâle (suivi des résultats), Seecon gmbh (gestion intégrée des ressources en eau), GWF SA (systèmes de mesure) et Agridea (outils de vulgarisation). Le projet bénéficie aussi d’un soutien financier de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG).
Urs Kiener« En tant qu’agriculteur, je suis directement confronté aux difficultés occasionnées par le réchauffement climatique. Notre commune a aussi une responsabilité sur ce plan. Nous sommes au cœur d’un problème auquel il s’agit de remédier ensemble. »
Font partie de la région pilote du canton de Bâle-Campagne les communes ci-après : Anwil, Buckten, Känerkinden, Kilch berg, Läufelfingen, Oltingen, Rümlingen, Rünenberg, Wenslingen, Wittinsburg, Zeglingen et Riehen (Bâle-Ville) ; celles qui relèvent de la région pilote du canton de Lucerne sont les suivantes : Hergiswil, Luthern, Menznau, Reiden, Romoos et Willisau.
Ralentir et retenir l’eau de pluie
Avec le projet « Slow Water », le groupe de partenaires entend contribuer à maintenir à long terme le niveau de rendement qui est de mise en production végétale et en production animale. En particulier, les stratégies de rétention visent à ralentir l’écoulement de l’eau de pluie et à stocker celle-ci là où elle tombe, c’est-à-dire directement dans les terres cultivées. Ce faisant, il s’agit d’aider à freiner l’augmentation de la demande en eau pour l’irrigation des terres et ainsi, à préserver l’approvisionnement en eau des communes. Le projet permet dans la même foulée de réduire les dommages dus à l’érosion et de protéger les infrastructures communales ainsi que les bâtiments privés contre les dommages dus aux inondations et aux crues.
Johannes Heeb, Seecon« Dans le cadre du projet Slow Water, les agricultrices et les agriculteurs élaborent des stratégies interentreprises de rétention de l’eau en collaboration avec les communes. Elles contribuent ainsi avec efficacité aux adaptations qui sont de mise pour faire face au dérèglement climatique, et ce, pour tous les acteurs concernés ».
Combiner pour plus d’efficacité
Les techniques de rétention, qui forment le cœur du projet, sont développées en collaboration avec les exploitations agricoles et les communes d’un bassin versant donné selon un processus empreint de créativité. Le projet encourage aussi bien les mesures agronomiques, (p. ex. sous-semis ou techniques d’aménagement paysager dites des « keylines », cf. encadrés), que les mesures techniques de rétention hydrique (p. ex. bassin de rétention ou bassin d’infiltration). Le côté innovateur et la force de la boîte à outils en question résident dans le fait que celle-ci ne se contente pas d’offrir différentes mesures à appliquer, mais propose d’en combiner plusieurs d’une manière spécifique au lieu concerné (exploitation agricole et bassin versant). Car une stratégie n’impliquant qu’une seule mesure n’est que peu efficace pour retenir l’eau : il vaut mieux en associer plusieurs, ce que les exploitations et les communes visent à faire afin que les effets des divers dispositifs mis en place se renforcent mutuellement. Ainsi, une mesure agronomique appliquée dans une exploitation sise en amont dans le bassin versant (p. ex. sous-semis) peut permettre de retenir l’eau et renforcer ce faisant l’effet d’un bassin d’infiltration situé en aval, car les débits de pointe sont déjà atténués et retardés par la mesure prise en amont.
Stocker l’eau avec des techniques traditionnelles ou nouvelles
Le projet « Slow Water » recourt à diverses mesures de rétention connues dans notre pays et qui, dans certains cas, ont fait leurs preuves. Il fait aussi appel à des méthodes qui proviennent de la région méditerranéenne, plus sèche, où des expériences avec certains dispositifs de rétention ont déjà été réalisées depuis des décennies.
Méthodes connues qui ont fait leurs preuves :
– Sous-semis et semis sous couvert
– Travail du sol ménageant celui-ci
– Aménagement de haies le long de courbes de niveau
– Agroforesterie, arboriculture
– Ourlets sur terres assolées
– Constitution d’humus
Méthodes moins connues en Suisse :
– Aménagement paysager selon la méthode dite en « keylines »
– Bassins de rétention avec ou sans dispositif d’infiltration
– Canaux ou bassins d’infiltration
– Dispositifs de collecte des eaux de pluie
– Dispositifs de drainage pour stocker l’eau
Sous-semis
Le maïs est semé tardivement et moyennant une distance importante entre les rangs. Jusqu’à ce que les peuplements se referment, le sol est particulièrement exposé à l’érosion ; le risque subsiste cependant après qu’ils se sont refermés, notamment lors d’un orage. Les sous-semis dans le maïs, les céréales ou d’autres grandes cultures constituent une mesure efficace pour ralentir le ruissellement de l’eau de pluie : ils contribuent à augmenter l’humidité du sol et l’infiltration de l’eau de pluie dans celui-ci, laquelle reste ainsi plus longtemps disponible pour les cultures en cas de sécheresse. De cette manière, les cultures ont moins besoin d’être irriguées. Autres effets positifs, les sous-semis limitent les adventices à graines, améliorent la portance du sol lors de la récolte et peuvent fixer l’azote qui sera disponible pour la culture suivante. S’ils comportent l’éventuel inconvénient de concurrencer la culture principale pour les nutriments et l’eau, ils présentent de tels avantages pour le régime hydrique, que ces derniers l’emportent clairement. Dans le cadre du projet « Slow Water », des contributions sont allouées pour les sous-semis.
Etangs de rétention
Les étangs de rétention, qui peuvent être munis ou non de dispositifs d’infiltration, sont des structures endiguées d’une capacité de retenue l’eau de 50 m La photo ci-dessous montre un étang sans étanchéité aménagé comme un étang naturel au bord du Geuensee (LU). Il est possible de végétaliser une partie de l’étang ainsi que de réguler la rétention et l’écoulement de l’eau moyennant un barrage (pour peu que cela soit nécessaire). L’eau peut être prélevée avec une pompe ou une conduite à écoulement gravitaire. Les étangs de rétention doivent, le cas échéant, être entourés d’une clôture et leur aménagement est soumis à autorisation. Faisant partie des mesures les plus coûteuses du projet « Slow Water », ils bénéficient de contributions pour soutenir leur construction et leur entretien. Ils présentent une grande utilité, car ils retardent l’écoulement de l’eau en surface et atténuent les débits de pointe en cas de fortes pluies. De même, ils augmentent la quantité d’eau qui s’infiltre dans le sol et les nappes phréatiques, l’eau ainsi stockée étant disponible pour les cultures. Autre effet positif, ils favorisent la biodiversité et valorisent les paysages. Il faut cependant accepter de mettre à disposition l’espace requis à cet effet.
Aménagement paysager selon la méthode en «keylines»
Dans cette méthode, les schémas d’aménagement et de plantation suivent des courbes de niveau qui sont appelés « keylines » (« lignes clé »). La photo ci-dessous montre les « keylines » dans le domaine du Katzhof à Richental (LU). Ces dernières sont déterminées sur la base d’une analyse géomorphologique du site. Ces « lignes clé » permettent de retenir les eaux de pluie et de limiter le ruissellement de surface, favorisant l’infiltration de celles-ci dans les couches plus profondes du sol. En augmentant ainsi l’humidité du sol et en alimentant la nappe phréatique, elles rendent l’eau disponible pour les cultures. En période de sécheresse, les cultures nécessitent moins d’irrigation et les sources ainsi que les ruisseaux se tarissent moins rapidement. Ce type d’aménagement permet aussi d’atténuer les débits extrêmes en cas de fortes précipitations et de réduire l’érosion. Il requiert un peu d’espace, qui ne peut ainsi pas être utilisé pour les cultures. Le projet « Slow Water » soutient la création et l’entretien de paysages aménagés en « keylines » en allouant des contributions ad hoc.
Connaissances pour les acteurs du terrain
Le projet « Slow Water » ne vise pas seulement développer et tester des techniques de rétention, mais aussi à amasser des connaissances, qu’il s’agit de mettre en forme pour les services de vulgarisation et les personnes du terrain. C’est à Agridea qu’incombe cette tâche. La centrale commencera par développer un guide visant à soutenir le personnel en charge de la vulgarisation dans les diverses régions concernées, en recommandant des stratégies de rétention adaptées à chaque situation. Ce guide ne se contentera pas de décrire les mesures en détail, il montrera aussi comment une stratégie peut être développée spécifiquement pour un bassin versant donné. A cet effet, une démarche participative impliquant les divers acteurs concernés est de mise (agriculteurs·trices impliqués, expert·es en matière de rétention d’eau, personnel des services cantonaux de vulgarisation, représentant·es des communes ainsi que spécialistes de l’Université de Bâle).
Forum sur la gestion durable de l'eau dans l’agriculture
Agridea et la Haute école spécialisée bernoise BFH-HAFL travaillent actuellement à la création du « Forum pour la gestion durable de l'eau dans l'agriculture ». Constituant un réseau national de compétences, ce forum vise à permettre aux acteurs·trices de partager leurs connaissances ainsi qu’à diffuser celles-ci sur le terrain. Il traitera principalement de la gestion durable de l'eau compte tenu du dérèglement climatique dans les domaines de la production végétale (grandes cultures, cultures spéciales et cultures fourragères), la production animale et la transformation des denrées alimentaires, et ce, tant pour les exploitations de plaine que celles d'alpage ; l’un de ses groupes de travail se consacrera à la rétention de l’eau. Le forum sera lancé le 25 juin. Dès ce moment, les connaissances acquises dans ce cadre seront mises en ligne sur la plateforme Agripedia et transmises lors de cours et de manifestations (agripedia.ch).
Intitulé « Wie halte ich das Wasser in den landwirtschaftlichen Böden ? » (« Comment retenir l’eau dans les sols agricoles ? »), le premier cours donné sur cette thématique au niveau national s’est tenu le 26 septembre 2023. Ayant suscité un grand intérêt dans tout le pays, il sera redonné cette année le 4 septembre, dans le domaine du Katzhof (LU). Il est également prévu d’organiser un congrès national annuel. Les informations sur ce dernier seront publiées dans le programme de cours d’Agridea (agridea.ch prestations nos-produits cours, triés par date).
Plus d'informations sur le projet "Slow Water" sont disponibles sur le website du Centre Ebenrain (seulement en allemand).