Protection des plantes
En viticulture, la protection des plantes est un véritable défi. De nouvelles maladies et de nouveaux ravageurs apparaissent et des néophytes envahissantes s’installent. Parallèlement, les appels en faveur d’une exploitation ménageant les ressources et d’une réduction du recours aux produits phytosanitaires se multiplient. Jürg Waber est conseiller technique chez fenaco Protection des plantes. Ses domaines de spécialisation sont la vigne et les cultures maraîchères. Lui-même vigneron, il connaît on ne peut mieux les problèmes liés à la production viti-vinicole. La Revue UFA l’a interrogé sur les sujets d’actualité en viticulture.
Néophyte de l’année
La vergerette annuelle a été nommée néophyte de l’année 2018. Les néophytes sont des plantes étrangères, qui ne posent pas toutes des problèmes. Certaines d’entre elles, qualifiées d’envahissantes, se multiplient toutefois de façon explosive et menacent la flore indigène, qu’elles chassent de ses biotopes habituels. La vergerette annuelle (Erigeron annus) fait justement partie de ces envahisseurs indésirables. Sa fleur ressemble un peu à une pâquerette. La plante mesure entre 30 cm et 120 cm et produit de très nombreuses fleurs anémochores. La vergerette annuelle est une plante sans exigence, qui s’établit surtout dans les zones rudérales, les prairies maigres et les jachères fleuries. Mais on la trouve aussi de plus en plus dans les vignes. Or, en vertu de l’ordonnance sur les paiements directs, les vignes avec une biodiversité naturelle ne peuvent pas avoir plus de 5 % de leur surface couverte de néophytes. Pour lutter contre la vergerette annuelle, le Groupe de travail espèces envahissantes (AGIN) recommande l’arrachage plante par plante avec les racines. Dans les peuplements de grande ampleur, on conseille de faucher plusieurs fois par an avant que la plante ne se ressème naturellement. Mais cette technique ne permettant pas de l’éliminer complètement, il est recommandé de combiner arrachage et fauchage. Les restes de plantes doivent être compostés de façon professionnelle ou éliminés avec les ordures.
Fort débourrement
2018 a enregistré le deuxième mois d’avril le plus chaud depuis le début des relevés. On le constate aussi dans la vigne, dont la croissance est liée à la somme des températures. « Après un mois de mars froid, la vigne a débourré avec vigueur en avril. Début mai, la végétation avait pris environ 15 jours d’avance », observe Jürg Waber. Grâce au temps sec, nous avons eu extrêmement peu de problèmes avec les maladies fongiques. On n’a toutefois pas pu renoncer à un seul traitement contre le mildiou et l’oïdium.
Pas de conséquence du gel
Si avril 2018 a été chaud, le même mois des deux années précédentes avait été froid. En 2016 et 2017, le gel avait en effet causé d’énormes dégâts. Alors que les vignerons se remémoreront ces deux épisodes encore longtemps, la vigne a déjà tout oublié: on ne constate plus aucune trace du gel sur les plantes.
La branche viti-vinicole suisse demande un délai
Depuis 20 ans, les AOC garantissent l’origine des vins suisses. Or, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) souhaiterait étendre le système des AOP-IGP au vin pour remplacer ces Appellations d’origine contrôlée. Il serait ainsi possible de tenir compte des appellations protégées pour les produits vinicoles entre la Suisse et l’UE. L’OFAG espère qu’il en résulterait une augmentation du potentiel et de la plus-value des vins suisses. La branche viti-vinicole craint au contraire que des dispositions plus strictes en matière d’appellation provoqueraient un renchérissement considérable des produits, réduisant ainsi la compétitivité des vins suisses. La branche, composée des vignerons et du commerce demande, dans une lettre au Conseil fédéral, que l’on mette un terme à la nouvelle définition des règles AOP-IGP et que les dispositions en vigueur en matière d’AOC soient reprises comme règles pour les futures AOP. Concrètement, la lettre contient deux revendications: premièrement, le projet présenté par la branche devrait être pris comme base de la collaboration avec cette dernière. Deuxièmement, il faudrait accorder un délai supplémentaire de deux ans pour l’élaboration du projet AOP/IGP.
Roland Müller
Nouvelles contributions
Depuis cette année, des contributions à l’efficience des ressources sont versées en cas de non-recours total ou partiel aux herbicides et aux fongicides dans la vigne. En cas d’utilisation réduite des herbicides, seuls certains herbicides foliaires peuvent être pulvérisés sur une largeur maximale de 50 cm. Les produits autorisés sont le glyphosate et le plurafufen-éthyl. La contribution pour cette mesure s’élève à 200 fr./ha/an. En cas de renonciation totale aux herbicides, elle passe à 600 francs. Le non-recours aux fongicides de la liste des « Produits phytosanitaires présentant un potentiel de risque particulier » et la pulvérisation d’un maximum d’1,5 kg/ ha/an de cuivre pur donne doit à une contribution de 200 francs. Et si l’on renonce totalement au cuivre, elle passe à 300 francs. Une partie de ces mesures peuvent être annoncées individuellement, une autre partie en combinaison. Les surfaces pour lesquelles des contributions à l’agriculture biologique sont déjà versées ne peuvent être inscrites pour les contributions ci-dessus.
Technologie novatrice
De nombreux travaux sont en cours pour renforcer l’efficience de l’application des produits phytosanitaires. Ces derniers peuvent ainsi être pulvérisés à l’aide de drones (voir encadré). La précision de l’application permet un dosage parcimonieux, alors que le sol est préservé, puisqu’il n’y a plus besoin de rouler dans les parcelles. Cette méthode suscite un vif intérêt. Jürg Waber pense toutefois que l’épandage de produits phytosanitaires avec des drones sera soumis à des exigences sévères.
Autre nouvelle technologie présentée récemment: la lutte contre les mauvaises herbes avec de l’eau. Sur le domaine du « Grand Brûlé », à Leytron (VS), un essai pilote de trois ans est en cours avec une machine qui projette verticalement des jets d’eau sur le sol à une pression de 1200 bar. D’après le canton du Valais, cette méthode détruit non seulement la partie aérienne des mauvaises herbes, mais aussi la partie supérieure de leurs racines sur 2 à 4 cm. La consommation d’eau est d’environ 25 cl/m.
Nouveaux problèmes
De l’avis de Jürg Waber, les apparitions de néophytes vont se multiplier à l’avenir. En fait partie la vergerette annuelle, qui a été sacrée néophyte de l’année (voir encadré). Le virus du Pinot gris (GPGV) montre également qu’il faut toujours s’attendre à de nouveaux problèmes. Ce virus a fait son apparition dans les Grisons en 2016. Les ceps touchés ont des feuilles plus claires, chlorotiques. Le virus provoque des ralentissements de croissance et des pertes de rendement.
Observer avec attention
Jürg Waber résume la situation de façon lapidaire: « Chaque année, il faut s’attendre à tout. » Pour pouvoir réagir au bon moment aux maladies, ravageurs et mauvaises herbes anciens ou nouveaux, il faut observer ses vignes avec attention et rechercher surtout les signes inhabituels. Les vignerons trouveront l’assistance qu’ils recherchent chez les conseillers techniques de fenaco Protection des plantes et chez les responsables des services cantonaux de la viticulture.
Lancement sur le marché des drones agricoles d’Agrofly
L’entreprise Agrofly, créée par Frédéric Hemmeler, est spécialisée dans la fabrication de drones. Mais elle dispose encore d’un potentiel d’expansion à peine exploité. Entre 2016 et 2018, elle a réalisé de nombreux essais en collaboration avec Agroscope et Syngenta. L’épandage de produits phytosanitaires à l’aide de drones étant désormais autorisé, la conquête du marché s’est accélérée. Lors du salon Agrovina, en janvier dernier, Agrofly a présenté un drone dont les derniers essais ont eu lieu en avril. Depuis son lancement sur le marché, en mars dernier, il a déjà été vendu à six exemplaires. L’entreprise assure l’assistance et le suivi des clients lors de l’utilisation de la machine volante, dont le fonctionnement est simple. La parcelle est d’abord cartographiée, puis le drone la survole avec une précision maximale grâce à son GPS. A chaque passage, le traitement phytosanitaire est appliqué sur une largeur de 2,2 m. Les buses sont équipées de vannes automatiques, afin de ne pulvériser le produit que sur les rangs sélectionnés. Le drone permet de traiter de façon appropriée et de réduire la dérive.
L’objectif est de réduire l’utilisation de produits phytosanitaires et d’appliquer le traitement avec précision. L’utilisation de drones permet en outre de réduire le tassement du sol, les émissions sonores (85 dB à 5 m de hauteur) et, dans une large mesure, l’exposition des travailleurs aux pesticides. Frédéric Hemmeler résume son entreprise Agrofly en quelques mots: « Le bon produit au bon moment au bon endroit. »
Virginie Favier, Trainee fenaco-LANDI
Auteure
Verena Säle, Revue UFA, 8401 Winterthour