Betteraves sucrières
La cercosporiose est répandue sur toute la planète. Elle est la principale et la plus sérieuse des maladies du feuillage de la betterave sucrière et de la betterave rouge. Une infection précoce réduit considérablement les rendements et la teneur en sucre. Les pertes peuvent atteindre 40 %. Un hiver clément, un printemps chaud, une fermeture précoce des lignes et des précipitations abondantes en juin et en juillet favorisent les attaques.
Outre la cercosporiose, la betterave est la cible d’autres maladies cryptogamiques touchant les feuilles comme le phoma, l’oïdium et le mildiou, la ramulariose, la rouille et la verticillose. La cercosporiose a fait des dégâts particulièrement importants ces deux dernières années, en Suisse comme dans le sud de l’Allemagne et en Angleterre, où les conditions climatiques sont comparables. Outre le choix de produits adéquats et une stratégie anti-résistance appropriée, il faut veiller davantage à choisir le moment optimal pour les applications et à ne pas tarder avec le premier traitement.
1 re application avant l’apparition des premières taches
utilisation d’un produit à base de strobilurine uniquement lors de la 1 re application
ensuite: produits à base de triazole (alterner les matières actives)
intervalles courts entre les traitements = 14-21 jours
intervalles entre les traitements selon l’accroissement du feuillage (dilution des matières actives dans les feuilles)
pas d’applications sur les cultures trempées ni aux heures chaudes de l’après-midi
jamais de sous-dosage (la quantité de matière active détermine la durée d’action)
attention: à ce jour, le cuivre ou autres fongicides de contact ne sont pas autorisés pour les betteraves sucrières.
Identifier avec certitude les taches sur les feuilles
Au début, on assiste à la formation de petites taches rondes rougeâtres de 2 à 3 mm, dont le centre se couvre ensuite d’un feutrage gris et qui se bordent d’un liseré rouge. Elles ressortent clairement sur le tissu sain. A l’intérieur des taches complètement formées, on peut apercevoir des petits points noirs (spores du champignon). Au fur et à mesure de la progression de l’attaque, le tissu se dessèche, les taches se rejoignent et les feuilles meurent.
Biologie de Cercospora
Les feuilles et les betteraves attaquées restées sur le champ constituent la source d’infection pour l’attaque de l’année suivante. L’agent pathogène peut survivre plusieurs années dans le sol et infecter, par la production de nouvelles spores, les parcelles voisines. A partir de 15° C (optimum 25-30° C) et une humidité relative de plus de 90 % (pluie ou rosée), le champignon produit des conidies qui, disséminées par la pluie et le vent, vont infecter les plantes voisines. L’incubation au champ (= temps entre l’infection et l’attaque visible) dure entre 8 et 14 jours. Les premières taches de cercosporiose apparaissent en général entre fin juin et début juillet. Les premières parcelles atteintes sont celles qui sont situées au bord des fleuves ou des lacs, ainsi que les champs adjacents à des parcelles de betteraves de l’année précédente ou des cultures de betterave irriguées.
Mesures de prévention et application de fongicides
Dans les régions à plantations denses ou dans les cuvettes, il convient de semer une variété tolérante à la cercosporiose. De même, une rotation régulière et suffisamment espacée (au moins trois ans de pause culturale) s’impose. L’enfouissement du feuillage aide à réduire le nombre de spores pour les années suivantes. Le premier traitement fongicide doit être précoce, au plus tard à l’apparition des premières taches. Les traitements suivants doivent avoir lieu à deux ou trois semaines d’intervalle. En cas de fort accroissement du feuillage, généralement en juillet et début août, l’espacement des applications devrait être plus proche de 14 jours, et peut ensuite être prolongé à trois semaines. Par temps sec et chaud, à faible hygrométrie, le fongicide doit être appliqué le matin quand il y a peu de rosée. Lorsque le taux d’hygrométrie est élevé, les applications devraient être reportées au soir. La quantité d’eau doit être adaptée au volume du feuillage (au min. 400 l d’eau/ha).
Alternance des matières actives
Dans certaines régions (vallée du Rhin ou le Thurtal, p. ex.), des cultures avec des isolats résistants aux strobilurines ont été repérées. En cas de détection d’une résistance à une matière active de la famille des strobilurines, les autres matières actives de cette famille sont aussi concernées. Il ne faudrait donc les utiliser que lors de la 1 re application. Si les feuilles sont déjà attaquées, il faut impérativement passer à un fongicide à base de triazole (cf. fongicides autorisés pour l’assortiment de betteraves sucrières p. 56).
Le risque d’apparition de résistances est moindre pour les triazoles que pour les strobilurines. Par divers mécanismes, les pathogènes cryptogamiques s’adaptent toutefois progressivement aux triazoles (ce qu’on appelle le shifting), mais l’efficacité du produit est en général seulement réduite, et pas totalement perdue comme pour les strobilurines. Si l’on remplace le produit par un autre produit de la famille des triazoles, l’action fongicide de ce groupe se maintient mieux. Il est donc impératif, pour éviter le shifting, d’alterner les matières actives ! En outre, il ne faut en aucun cas sous-doser le fongicide, la quantité de matière étant décisive pour la durée d’action.
Demande d’autorisation pour les fongicides de contact
Suite à la baisse de l’efficacité au champ et à l’augmentation des problèmes de résistance aux strobilurines et aux triazoles, une demande d’autorisation pour les fongicides de contact, actuellement prohibés pour les betteraves sucrières, a été soumise à l’OFAG. Dans des essais menés en 2018, les formulations à base de cuivre ont donné les meilleurs résultats en matière de potentialisation de l’action. D’autres fongicides de contact sont à l’étude. Ils ont l’avantage de présenter un très faible risque de résistance. Avant les traitements de la saison 2018, il faut obligatoirement réexaminer le régime des autorisations en vigueur et éventuellement adapter sa stratégie en conséquence. D’autres nouvelles matières actives contre la cercosporiose ne sont pas en vue pour le moment.
Auteur
Hansjörg Meier, fenaco Protection des plantes