En bref
– Le retrait des PPh est bénéfique pour l’environnement, mais il complique la protection des cultures et la gestion des résistances.
– Les mesures contre le ruissellement et la dérive réduisent les risques, mais se heurtent à certaines limites quant à la mise en œuvre.
– Les approches de lutte mécaniques et biologiques présentent un potentiel, mais augmentent les coûts et/ou les risques.
Afin de minimiser les risques environnementaux liés à l’utilisation de produits phytosanitaires (PPh), il existe en résumé trois voies possibles :
1. L’homologation est retirée aux produits présentant un risque potentiel élevé et des produits alternatifs présentant un risque plus faible sont utilisés – pour autant qu’il en existe.
Les progrès réalisés dans le domaine des eaux souterraines reposent essentiellement sur des retraits d’homologation. Ceux-ci faisaient notamment suite aux valeurs élevées retrouvées dans ces eaux de métabolites du fongicide chlorothalonil (interdit depuis le 1er janvier 2020) ou encore de l’herbicide S-métolachlore, qui n’a pas passé la réévaluation du risque toxicologique (et ne pourra donc plus être utilisé en Suisse à partir du 1er janvier 2025). En raison de ces nombreux retraits et d’une stagnation des demandes d’homologations de nouvelles substances actives, des faiblesses importantes sont apparues dans la protection des cultures. Le dernier rapport intermédiaire du Conseil fédéral sur le PA PPh conclut ainsi que la réduction du nombre de substances actives disponibles rend de plus en plus difficile la protection des cultures et une gestion efficace des résistances.
2. Les apports ponctuels et diffus de PPh sont limités au maximum lors de leur application.
Les contrôles systématiques des aires de lavage ainsi que les mesures contre le ruissellement et la dérive, notamment lors de l’utilisation de pyréthrinoïdes, s’avèrent particulièrement efficaces. Cependant, ces progrès atteignent là aussi leurs limites. Cela est d’autant plus vrai que, dans le cadre du train d’ordonnances agricoles 2024, la Confédération a reporté de deux ans – à la saison 2027 – la sanction en cas de non-respect des exigences en matière de ruissellement, ces dernières ne pouvant actuellement pas être mises en œuvre de manière appropriée selon les conditions de l’ordonnance sur les paiements directs.
3. Le recours aux PPh est abandonné ou est complété par des mesures d’entretien non chimiques.
Outre les mesures encouragées par les contributions aux systèmes de production (CSP) ou celles des labels (p. ex. IP-Suisse), il existe encore d’autres possibilités de réduire le recours aux PPh. Ces mesures requièrent entre autres beaucoup de savoir-faire et une prise de risques, qui n’est pas toujours rentable et requiert souvent de concilier des objectifs divergents. Ces conflits d’objectifs sont examinés plus en détail ci-après, à l’exemple de la culture du colza.
Colza sans herbicides
La culture du colza sans herbicides dans le cadre des PER est possible et rentable. Les essais du Forum Grandes cultures prouvent que les rendements du colza sont comparables, que la culture soit faite avec un herbicide, des méthodes mécaniques, des sous-semis ou même sans traitement. Cependant, il est également apparu que la gestion des adventices doit être considérée dans le contexte de l’ensemble de la rotation des cultures. En effet, en particulier dans le cas de méthodes de culture sans labour ou en présence d’adventices problématiques, une réduction de la lutte contre les adventices aura un effet négatif à long terme sur le potentiel de rendement.
Comme un désherbage mécanique fiable nécessite, d’une part, un semis monograine et, d’autre part, plusieurs passages de herse étrille et de sarcleuse, les coûts de machines sont nettement plus élevés. Pour ces raisons, le colza sans herbicides est souvent cultivé avec un sous-semis. Cependant, le risque de diminution du rendement augmente, car la régulation des adventices est dans une certaine mesure laissée aux caprices de la nature.
Colza sans fongicides
Grâce aux succès de la sélection en matière de résistance au chancre du collet (phoma) et aux faibles taux d’infection par la sclérotiniose dus à la météo, il est possible de renoncer aux fongicides dans la culture du colza avec des risques de diminution du rendement qui restent gérables. Cependant, plusieurs substances actives fongicides ont également un effet raccourcissant ou sont utilisées en mélange avec des régulateurs de croissance – une utilisation qui a gagné en importance ces dernières années. En effet, suite à l’interdiction des néonicotinoïdes à action systémique, il n’y a plus de produits d’enrobage des semences disponibles pour le colza d’automne, entre autres. En réaction, le colza est semé maintenant nettement plus tôt, dans le but que les plantes aient leurs premières vraies feuilles au début du mois de septembre ; ce faisant, les altises du colza volent quand le colza est au stade cotylédons, lesquels ne sont pas attractifs. Il convient dans ce cas d’accepter que le colza commence sa croissance en longueur dès l’automne, ce qui augmente considérablement sa sensibilité au gel. Or, comme il n’est pas possible de faire des prévisions fiables quant à l’éventualité d’un hiver froid avec des dégâts dus au gel, le peuplement est raccourci préventivement avec un fongicide. Pour ces raisons, limiter les produits, c’est parfois jouer à pile ou face.
Cultures sans insecticides
Alors qu’en renonçant aux herbicides ou aux fongicides, le risque de pertes de récolte augmente faiblement à moyennement, les pertes totales en l’absence d’insecticides ne sont pas rares. Le fait que les produits d’enrobage aient été interdits pour protéger les abeilles et que seuls les pyréthrinoïdes, toxiques pour les eaux, peuvent maintenant être utilisés comme méthode de lutte efficace contre les altises ou les charançons de la tige, crée un dilemme quant à la durabilité. Comme les pyréthrinoïdes présentent un potentiel de risque élevé et sont en fait interdits dans les PER (prestations écologiques requises), on ne peut les utiliser qu’avec une autorisation spéciale lorsque le seuil de lutte est atteint.
En l’absence d’insecticides, les pertes totales ne sont pas rares.
Une fois que l’altise et, plus tard, le charançon de la tige (cf. encadré) ont été vaincus, le méligèthe – le troisième ravageur important – menace le colza. Des essais ont montré que l’application d’argile biologique (kaolin) a un effet inhibiteur. Des bandes semées pour organismes utiles situées à proximité peuvent également favoriser les prédateurs et les parasites du méligèthe. Cependant, malgré les efforts des chercheurs·euses, il n’existe aujourd’hui encore aucune alternative aux insecticides chimiques de synthèse en cas de forte infestation par le méligèthe pour une protection fiable de la récolte.
Le mieux est l’ennemi du bien
Force est de constater que les risques de baisse de rendement augmentent de manière disproportionnée avec la réduction croissante du recours aux produits phytosanitaires, raison pour laquelle la part de colza biologique dans la production totale en Suisse reste encore modeste – elle se monte à seulement 2 % – malgré un prix d’achat qui est plus de deux fois supérieur à celui du colza conventionnel. Si la ferme expérimentale biologique du Strickhof (Stiegenhof) a récolté 38 quintaux de colza à l’hectare en 2024, l’année précédente, il y a eu une perte totale. Pour la production en PER, il faudrait donc envisager une voie médiane. Cependant, il n’existe pas encore de marché pour une solution de ce type. Les subventions fédérales, les labels et les promesses publicitaires au comptoir des magasins ne connaissent que le renoncement total, auquel s’oppose la production intensive.
Les progrès réalisés dans le domaine des eaux souterraines reposent essentiellement sur des retraits d’homologation. Ceux-ci faisaient notamment suite aux valeurs élevées retrouvées dans ces eaux de métabolites du fongicide chlorothalonil (interdit depuis le 1 er janvier 2020) ou encore de l’herbicide S-métolachlore, qui n’a pas passé la réévaluation du risque toxicologique (et ne pourra donc plus être utilisé en Suisse à partir du 1 er janvier 2025). En raison de ces nombreux retraits et d’une stagnation des demandes d’homologations de nouvelles substances actives, des faiblesses importantes sont apparues dans la protection des cultures. Le dernier rapport intermédiaire du Conseil fédéral sur le PA PPh conclut ainsi que la réduction du nombre de substances actives disponibles rend de plus en plus difficile la protection des cultures et une gestion efficace des résistances.
Des pièges intelligents connectés comme aide à la décision
La production intégrée suppose l’application du principe du seuil de tolérance lors de l’utilisation des PPh. S’agissant du charançon de la tige du colza, il est difficile de déterminer ce seuil en comptant le nombre de piqûres sur la tige principale. Aussi le critère décisif sur ce plan est le moment précis du vol principal. Pour déterminer ce dernier, il existe désormais des pièges numériques jaunes qui prennent une photo plusieurs fois par jour, identifient les charançons à l’aide de l’intelligence artificielle et informent d’un éventuel afflux important à travers une application pour smartphone. Ensuite, selon la température, c’est 7 à 14 jours plus tard qu’apparaissent les premières piqûres, lesquelles permettent de déterminer le seuil de lutte dans le champ. Pour éviter les résistances, il est essentiel de trouver le bon moment pour combattre ce ravageur, afin de pouvoir traiter efficacement avec un seul pyréthrinoïde, même dans les cultures intensives de colza. Dans le cadre du projet d’utilisation durable des ressources « Plopf », les cantons d’AG, TG et ZH exploitent un réseau intercantonal de pièges numériques jaunes, ce qui permet de créer une sorte de « système d’alerte précoce » pour surveiller les ravageurs. www.pflopf.ch (en allemand seulement)
Contributions pour une application basée sur la détection
Avec les récentes adaptations de l’ordonnance sur les améliorations structurelles au 1 er janvier 2025, l’acquisition de robots tractés ou automoteurs pour le désherbage est désormais encouragée. Alors que ces appareils ne sont aujourd’hui utilisés que dans les surfaces herbagères ou les cultures maraîchères, ils pourraient aussi être employés dans les grandes cultures, où ils permettent des réductions considérables de PPh (en ce que ceux-ci sont appliqués exclusivement sur certaines plantes ciblées). Lors de traitements insecticides aux premiers stades de développement (p. ex. contre les pucerons sur les betteraves sucrières), une application mieux ciblée serait également possible, par le biais d’une pulvérisation ne visant que les parties vertes des plantes.
Rapport agricole 2024
Dans son rapport agricole 2024, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a résumé les principales tendances dans l’agriculture pour l’année écoulée. Ce qui frappe, c’est la forte participation aux nouveaux systèmes de production visant à réduire les risques liés aux produits phytosanitaires. Pour en savoir plus, consultez le site www.agrarbericht.ch / fr.