En bref
– Obtenant des nutriments grâce à la symbiose avec les champignons mycorhiziens, certaines plantes cultivées sont plus tolérantes au stress.
– Un travail du sol réduit et une couverture permanente du sol par des plantes-hôtes idoines favorisent les mycorhizes.
– Une inoculation dans le maïs est efficace lorsque les communautés microbiennes du sol sont très diversifiées.
Ces dernières décennies, l’intensification de l’agriculture a augmenté les rendements. Cependant, la nécessité de recourir à des modes de production plus durables, qui préservent les sols et utilisent moins de produits agrochimiques, devient pressante. Une solution prometteuse consiste à favoriser les organismes bénéfiques indigènes du sol tels que les champignons mycorhiziens.
Avantages multiples pour les plantes
La plupart des plantes terrestres (y c. les principales plantes cultivées, telles que maïs, blé et pommes de terre) peuvent former une relation symbiotique avec les champignons mycorhiziens. Dans le sol, ceux-ci forment de vastes réseaux d’hyphes (filaments mycéliens) par lesquels ils approvisionnent les plantes-hôtes en nutriments, notamment en phosphore. Ces champignons mycorhiziens arbusculaires (CMA) colonisent les racines des plantes et y forment des structures arborescentes (« arbuscules » ; cf. fig. 1 b). Dans celles-ci, ils échangent avec les plantes des nutriments du sol contre des hydrates de carbone et des acides gras issus de la photosynthèse. Cette relation symbiotique apporte très souvent des effets bénéfiques aux plantes (meilleure absorption des nutriments et résistance plus élevée à la sécheresse et aux maladies), ce qui se traduit par de meilleurs rendements.
La plupart des plantes terrestres peuvent former une relation symbiotique avec les champignons mycorhiziens.
Pratiques favorisant les mycorhizes
Favoriser la diversité des espèces et les communautés de mycorhizes naturellement présentes est possible moyennant diverses mesures agronomiques se fondant sur des approches écologiques et extensives. Parmi ces dernières, une couverture végétale fermée (p. ex. ensemencement intermédiaire ou couverture végétale d’hiver) permet aux racines des plantes-hôtes de se développer, lesquelles sont nécessaires à la multiplication des CMA ; il faut cependant veiller à choisir des espèces végétales pouvant entrer en symbiose avec des CMA (cf. tab.). Il est aussi recommandé d’assurer une rotation équilibrée des cultures et d’éviter toute culture pluriannuelle des mêmes plantes, en particulier si celles-ci ne sont pas des plantes-hôtes. Par ailleurs, il s’agit d’éviter toute fertilisation intensive, surtout avec des engrais minéraux ; en effet, celle-ci peut augmenter la teneur en phosphore du sol, ce qui rend les plantes-hôtes moins dépendantes de l’apport en nutriments par les CMA (la relation symbiotique devenant superflue pour les plantes). Enfin, il faut éviter le travail intensif du sol, car le labour détruit le vaste réseau d’hyphes, bloquant le transport des nutriments vers la plante-hôte. En conclusion, le semis direct ou le travail du sol minimal favorisent la présence des CMA.
Etude sur l’inoculation de mycorhizes
Les CMA peuvent être introduits dans le sol non seulement par des mesures culturales, mais aussi par inoculation. Les résultats de cette dernière méthode sont toutefois très variables, allant d’une amélioration à une péjoration. Il n’est donc pas possible de prédire de manière fiable si ce type de recours ciblé aux CMA permet effectivement d’améliorer les performances des plantes en agriculture. Or la seule manière de faire en sorte que les CMA soient largement utilisés dans la pratique, c’est de s’assurer qu’ils garantissent des rendements plus élevés. Ainsi, afin de déterminer les facteurs de réussite d’une inoculation, Agroscope, le FiBL et les universités de Bâle et Zurich ont analysé l’effet des CMA sur la croissance du maïs dans le cadre d’une étude de grande envergure menée sur 54 surfaces de terres arables sises en Suisse (cf. fig. 2) ; les plantes de maïs ont été inoculées soit avec le CMA Rhizoglomusirregulare souche SAF22 (Collection suisse de champignons à mycorhizes), soit avec un substrat sans champignon (comme témoin ; cf. fig. 3). Les résultats obtenus sont très variables s’agissant de l’effet de stimulation de la croissance, allant d’une baisse du rendement de 12 % à une hausse de celui-ci de 40 % (cf. fig. 4). Pour déterminer dans quelles conditions une inoculation avec des CMA est bénéfique, des paramètres précis ont été analysés peu avant l’ensemencement – à savoir un grand nombre de propriétés diverses du sol (chimiques, physiques et biologiques) et les champignons du sol – à l’aide de méthodes de génétique moléculaire de pointe.
Données chiffrées sur l’effet des CMA
Fait étonnant : le facteur ayant le mieux prédit le taux de réussite de l’inoculation est la composition des communautés microbiennes du sol, alors que les propriétés chimiques de celui-ci semblent avoir nettement moins d’influence. L’identification de 15 caractéristiques du sol ainsi que de 13 espèces de champignons servant d’indicateurs de réussite de l’inoculation a permis de prédire le degré de variation de cette réussite dans 86 % des cas (c.-à-d. dans 5 champs sur 6). L’inoculation avec des CMA semble être particulièrement bénéfique dans les champs avec beaucoup plus d’agents pathogènes fongiques (p. ex. Fusarium, Olpidiumou Myrothecium). Il en va de même des champs avec des teneurs plus faibles en carbone et en phosphore microbiens ainsi que des teneurs plus élevées en azote minéralisé et en magnésium. En revanche, par rapport aux parcelles où des pathogènes fongiques étaient présents, dans les sols avec de bonnes conditions, ces facteurs n’ont que peu d’incidence sur le rendement (hausse). Selon les données obtenues, la capacité des CMA à protéger les racines contre les agents pathogènes tient à divers mécanismes tels que la compétition directe induite pour la colonisation des racines : dans les champs où l’inoculation a été très efficace, les CMA ont supplanté les champignons pathogènes dans les racines.
La variation dans l’efficacité de l’inoculation a pu être prédite dans 86 % des cas.
Méthode diagnostique pour prédire le taux de réussite des inoculations
Dans le cadre du projet de recherche, une méthode de diagnostic des sols a été développée afin d’optimiser l’inoculation des champs avec des CMA visant à améliorer la croissance des plantes. Dans ce contexte ont été identifiés les facteurs les plus importants permettant de prédire les effets d’une inoculation mycorhizienne sur la croissance des plantes. Les exploitations peuvent ainsi obtenir une recommandation fiable pour savoir si une inoculation de ce type aura l’effet escompté ou non. Car l’utilisation ciblée de CMA peut être une alternative fiable et peu onéreuse aux produits agrochimiques et contribuer à mettre en œuvre une agriculture plus durable.
Recherche: agriculteurs et agricultrices qui cultivent du maïs
D’autres essais sont prévus ces prochaines années afin de pouvoir prédire encore mieux dans quelles conditions les inoculations avec des mycorhizes sont judicieuses et prometteuses sur le plan économique. Dans ce cadre sont recherché·es des agriculteurs·trices qui vont cultiver du maïs l’année prochaine.
Contact pour les personnes intéressées : 058 468 71 87 ou alain.valzano@agroscope.admin.ch
Autres auteurs de l’étude et personnes ayant contribué à l’article
Franz Bender, Groupe de recherche Interactions entre plantes et sol, Agroscope
Prof. Klaus Schläppi, Département des sciences de l’environnement, Université de Bâle
Prof. Dr. Marcel van der Heijden, Chef du Groupe de recherche Interactions entre plantes et sol, Agroscope
Etude : Soil microbiome indicators can predict crop growth response to largescale inoculation with arbus cular mycorrhizal fungi. Parue en 2023 dans la revue « NatureMicrobiology »