L’agriculture de précision est une réalité sur les exploitations. Les technologies de digitalisation servent à gérer de manière plus précise le tracé des véhicules dans les champs, mais aussi à distribuer les intrants de la manière la plus minutieuse possible, la finalité étant de réaliser des économies lors de l’application et d’optimiser les rendements. Employés depuis près de vingt ans, les capteurs infrarouge NIR (near infrared) permettent de déterminer les composants dans un produit liquide ou solide en utilisant le rayonnement de la lumière infrarouge.
Un appareil pour plusieurs applications
Les appareils de mesure à infrarouge NIR fonctionnent sur le principe de la réflexion de lumière : dans un premier temps, de la lumière est dirigée vers le substrat à analyser ; dans un deuxième temps, elle est renvoyée par ce dernier et mesurée par un capteur intégré. La rapidité du processus est un avantage important, puisqu’il est réalisé en temps réel, permettant une adaptation instantanée.
Les appareils actuels permettent souvent plusieurs utilisations : en poste fixe, montés sur une ensileuse, sur une moissonneuse batteuse ou sur une tonne à lisier. Sur les machines de récolte comme l’ensileuse ou la moissonneuse, les informations recueillies peuvent servir à cartographier les parcelles. Dans l’idéal, la carte d’application permet ensuite un épandage spécifique à la zone à l’intérieur de la parcelle. Le lisier n’est plus épandu par rapport au volume, mais selon les teneurs, à l’image d’un engrais minéral avec d’éventuelles économies d’intrants possibles.
Pour chaque application, les teneurs des différents produits sont mesurées et les données, enregistrées. Celles-ci peuvent ensuite être rappelées pour une utilisation en temps voulu. Dans le domaine des engrais de ferme solides, un capteur NIR (proposé par Samson / Pichon et l’Inrae) monté sur une épandeuse et mesurant la valeur du fumier a été récompensé lors du dernier salon Sima.
Connaître la valeur du lisier
Sur son exploitation à Wohlen AG, Thomas Isler teste l’appareil de mesure Harvest Lab 3000 de John Deere. « Nous employons l’appareil depuis ce printemps pour connaître la valeur réelle des lisiers que nous épandons », explique Thomas Isler, qui travaille avec deux agriculteurs pour l’épandage du lisier sur les cultures. L’appareil est monté sur une rampe d’épandage à pendillards attelée au tracteur. « Les teneurs mesurées avec le Harvest Lab correspondent assez bien aux échantillons prélevés au début de l’année et analysés en laboratoire », explique l’agriculteur. Sur l’exploitation, beaucoup de lisier est remis à des tiers ; il est donc important pour le cédant et le repreneur d’en connaître les teneurs précises. Ainsi, chacun sait quelle quantité de NPK il a effectivement reçue/livrée. «Nous avons constaté que la teneur du lisier varie fortement d’une exploitation à l’autre (type d’animaux, dilution, etc.). Et si le lisier est mal brassé, la teneur varie fortement pendant l’épandage », poursuit Thomas Isler.
De son côté, le fabricant insiste sur la polyvalence de l’appareil en précisant qu’il peut servir pour quatre applications : (1) détection d’humidité et de nutriments sur ensileuse, (2) poste de laboratoire fixe avec une connexion ethernet à un ordinateur, (3) détection de la matière sèche (MS) et des nutriments (NPK) dans les purins issus de porcs, de bovins et de digestats d’installations de biogaz « Manure Sensing » et (4) détection d’humidité et de nutriments sur moissonneuse-batteuse (protéine, amidon, huile), appelé « Grain Sensing ».
«Les résultats correspondent assez bien aux valeurs d’analyses au laboratoire.» Fernand Andrey, agriculteur
Des années d’expérience
Le constructeur allemand Zunhammer emploie la technologie NIR depuis 2005 et la qualité du modèle de calibration de son appareil Van Control dual a été reconnue par la DLG. Un seul modèle de calibration sert pour tous les engrais de ferme liquides et une bonne précision est atteinte, aussi bien par temps froid que lors de températures élevées. L’appareil est utilisable à partir de tous les terminaux Isobus avec une documentation précise des quantités d’éléments nutritifs, y compris de MS.
L’entreprise de travaux agricoles Andrey et Schaffer à St-Silvestre (FR) emploie le Van Control dual depuis quatre ans. « Les teneurs peuvent fortement varier selon le type de lisier et aussi avec l’eau de pluie récupérée dans la fosse », explique Fernand Andrey, qui, ayant comparé les résultats avec des analyses de laboratoire, fait confiance à son appareil. Le capteur est monté à l’entrée de la tonne à lisier de 16 m 3 et l’entrepreneur connaît précisément les teneurs du produit. « Nous mélangeons dans notre fosse du lisier de bovins, de porcs et aussi des digestats d’installations de biogaz », explique Fernand Andrey. « Et le lisier est épandu sur toutes les cultures avec le phosphore comme base de calcul », pré-cise-t-il. Pour l’instant, l’entrepreneur mesure les valeurs des engrais, sans réaliser de cartes d’application. Il détermine aussi la teneur en MS du maïs lors de l’ensilage, car l’ensileuse John Deere qu’il a acquise est un modèle de démonstration sur lequel un appareil de mesure était déjà installé. « L’investissement reste un bémol pour ces technologies d’agriculture de précision », conclut Fernand Andrey.
Gestion active et gestion passive
Le groupe CNH propose son NirXact, prévu pour toutes les utilisations : sur les machines de récolte (ensileuse, moissonneuse), comme outil d’analyse stationnaire et comme appareil de mesure des éléments du lisier. Les modèles de calibration des différents types d’engrais liquides (bovins, porcs ou digestats de biogaz) sont reconnus par la DLG. De plus, l’appareil peut être monté sur la plupart des tonnes à lisier et une fonction d’enregistrement des données est proposée par le constructeur AgXtend. Lors de l’épandage, les teneurs sont analysées en temps réel avec la technologie NIR et transmises à un module « Rate Control ». Sur la base d’une valeur cible, le module calcule la quantité de lisier nécessaire, qui est ensuite gérée de manière passive ou active par la vitesse d’avancement du tracteur. La gestion passive signifie que la vitesse d’avancement est gérée manuellement, par opposition à la gestion active, qui est automatique.
Les différents appareils fonctionnent parfaitement et offrent des résultats fiables, selon les retours des utilisateurs. L’idéal est un système entièrement automatisé, qui permet une modulation de dose intra-parcellaire selon une carte d’application établie. Dans tous les cas, la mesure des éléments donne une information précise de la fumure appliquée, au contraire de l’application basée sur une estimation des teneurs et l’épandage d’un volume définit par hectare.