Depuis des années, Cédric Leresche, agriculteur à Ballaigues dans le Jura vaudois doit ramasser beaucoup de pierres dans ses champs. Il cultive quatre hectares d’orge et met en place également des prairies artificielles. Jusqu’en 2023, il employait une fraise conventionnelle pour le travail du sol qui, comme la plupart des machines, a tendance à faire remonter les pierres à la surface. « En moyenne, je ramassais chaque année 4 m 3 de pierres dans ma parcelle d’orge », explique Cédric Leresche. L’année dernière, il a remplacé la fraise conventionnelle par une fraise inversée, appelé aussi « enfouisseur de pierres », pour la préparation du sol de ses cultures.
Une machine unique
Le principe de fonctionnement est simple : sur une fraise inversée, le rotor entraîné par la prise de force tourne dans le sens inverse de l’avancement du tracteur. Le sol est découpé sans travail excessif, puis propulsé contre un peigne ou une grille de sélection. Les pierres, les mottes dures et les résidus de végétation retombent en premier et sont ensuite recouverts par la terre fine qui réalise le lit de semence. Le système de rotation inversée de l’axe horizontal permet de travailler sur des terrains durs.
En raison des pluies fréquentes en 2024, Cédric Leresche a mis en place une culture de sorgho fourrager dans des conditions très humides avec sa nouvelle fraise inversée Alpego Inversa IG 300. « Malgré les conditions, je suis satisfait du résultat », déclare l’agriculteur. « Je prépare le lit de semence sans labour préalable et je ramasse quatre fois moins de pierres avec la fraise inversée qu’auparavant », poursuit Cédric Leresche. Avec sa machine, l’agriculteur travaille le sol à une profondeur de 15 cm environ et sème ensuite à l’aide d’un semoir Nodet de 3 m de largeur en décalant les passages entre les deux machines à cause des boudins laissés par la fraise.
Cédric Leresche, agriculteur« Je ramasse quatre fois moins de pierres qu’auparavant. »
Risques d’un lit de semence trop fin
Pour le conseiller agricole Dimitri Martin de Proconseil, la fraise inversée présente des avantages indéniables pour la préparation du sol : « Grâce à son action rotative spécifique, elle affine la terre en surface tout en enfouissant efficacement les pierres et les résidus », déclare le spécialiste. « Cette technique permet d’obtenir un lit de semence idéal pour des cultures exigeantes comme la betterave sucrière ou les légumes », souligne le conseiller agricole. En assurant une structure homogène, elle favorise une levée régulière et un semis précis.
Cependant, cette finesse excessive du sol peut aussi poser problème : « Une terre trop fine en surface augmente le risque d’érosion et de croûtage après une pluie battante », avertit Dimitri Martin. Dans certaines conditions, cela peut compromettre l’infiltration de l’eau et la germination des jeunes plants. « La fraise inversée doit donc être utilisée de manière raisonnée, en fonction du type de sol et des conditions météorologiques, pour maximiser ses bénéfices tout en limitant ses inconvénients », conclut Dimitri Martin.
Portrait de l’exploitation
SAU : 55 ha, dont 25 ha prairie artificielle, 4 ha orge de printemps, et des prairies naturelles
Cheptel : 35 vaches laitières et propre élevage
Production : Gruyère AOP et Vacherin Mont d’Or fabriqués à la fromagerie de Ballaigues
Main d’œuvre : Cédric Leresche avec l’aide de son papa retraité
Ménager les autres machines
Après plusieurs essais avec sa fraise inversée, Cédric Leresche est globalement satisfait du résultat. Les pierres sont bien enfouies, sauf sur certaines bosses très caillouteuses où elles restent en surface. L’outil prépare un lit de semence homogène, ce qui facilite l’implantation des cultures. « Mon tracteur de 125 CV est juste suffisant, c’est vraiment la puissance minimale requise, ce qui entraîne une consommation de carburant assez élevée », précise Cédric Leresche. Pour l’agriculteur, il s’agit d’un bon compromis vu la qualité du travail obtenu, la fraise inversée étant un outil efficace pour ménager les machines de récolte et réduire la charge de travail.
Est-ce que les pierres remontent à la surface ?
D’un point de vue physique, les pierres ne remontent naturellement pas à la surface. En effet, la densité de ces dernières, comprise entre 2 et 2,5, est bien supérieure à celle d’un sol normalement structuré, qui oscille entre 1,2 et 1,3. De plus, un corps lourd a naturellement tendance à s’enfoncer dans un corps plus léger et meuble.
En revanche, le brassage de la terre (et des pierres qui s’y trouvent) induit par l’action de la plupart des machines de préparation du sol tend à ramener les pierres en surface. Par ailleurs, il est généralement admis que l’alternance de gel et de dégel contribue aussi à ce phénomène. Explication : les pierres ou les roches absorbent la chaleur du sol sous-jacent, le refroissant ; celui-ci gèle alors avant la couche de sol située au-dessus. Or, lorsqu’un sol gorgé d’eau gèle, il augmente de volume, faisant remonter les pierres ou roches à travers le sol non gelé sis au-dessus. Au printemps, lors de la fonte des neiges, l’espace ainsi créé sous la pierre se remplit de particules de terre dégelées maintenant les pierres plus proches de la surface.
Sous l’action conjointe du travail du sol et des cycles de gel / dégel, les pierres remontent progressivement année après année, pour finalement apparaître à la surface du sol. A noter que des techniques simplifiées ou le semis direct peuvent contribuer à limiter l’apparition des pierres en surface.