Zurich – Un brouhaha monte de la salle de cours de l’Académie Hiltl et de la cuisine voisine. La vingtaine de femmes qui enseignent l’économie familiale à l’école secondaire viennent, pour certaines, des mêmes écoles, ou se connaissent pour avoir fréquenté les mêmes cours de formation continue. Monika Neidhart, professeure d’économie familiale, était autrefois enseignante à l’école de paysannes de Schüpfheim et enseigne aujourd’hui à la Haute Ecole pédagogique de Fribourg. Elle explique: «En Suisse alémanique, l’économie familiale regroupe désormais l’économie, la vie professionnelle et l’économie familiale. Cette matière comporte les thèmes classiques d’économie familiale, comme les cours pratiques de cuisine, la gestion domestique et une alimentation équilibrée. A cela viennent se greffer des matières comme la découverte du monde de la production et du travail, la compréhension des marchés et du commerce et la réflexion sur l’argent.» Désormais, cette matière est enseignée durant les trois années d’école secondaire, selon les cantons.
Les jeunes au centre des cours
Les enseignants en économie familiale savent que la cuisine et l’économie familiale ont beaucoup changé ces dernières années. D’une part, le fastfood est présent partout et, à bien des endroits, accessible 24 heures sur 24 à des prix modiques. Les rayons des supermarchés débordent de plats précuisinés et nombreux sont les enfants et adultes à souffrir d’obésité. D’autre part, l’intérêt pour une alimentation saine et complète n’a jamais été aussi grand qu’aujourd’hui. Jeunes et adultes ont tendance de plus en plus à adopter un régime sans viande, voire végan. Les intolérances sont en augmentation, les labels et produits régionaux prennent de plus en plus d’importance et le temps consacré à la cuisine est toujours plus court. Dans ses cours spécialisés dispensés en journée, où la cuisine était une composante solidement établie de la vie quotidienne, Franziska Stöckli a acquis une grande expérience. Du multiculturalisme des élèves est née l’idée d’écrire ensemble un livre consacré à cette diversité et présentant des recettes végétariennes et véganes de Suisse et du monde entier.
Le tofu croustillant plaît
Pendant que les participants suivent le cours de théorie, le chef Martin Ocenas prépare un en-cas pour les enseignants. «Tartare», annonce-t-il avec un clin d’œil en distribuant ses tartines à la garniture rouge foncé qui n’a rien à envier à un véritable steak tartare. Selina, du canton de Glaris, trouve cet en-cas délicieux. «C’est très bon et goûteux comme de la viande», déclare-t-elle, suivie par ses collègues qui opinent du chef. Stefano a lui aussi une classe spécialisée où l’on cuisine tous les jours. Le gourmet qu’il est, comme il le dit, est sceptique: «Est-ce que ça va plaire aux jeunes ? » Ce qui va leur plaire à coup sûr, c’est du tofu croustillant, explique le cuisinier en distribuant d’autres amuse-bouches. Ces bouchées de tofu mariné sont revêtues de chapelure à base de lait de soja, de farine et de cornflakes. Elles sont servies accompagnées d’un délicat chutney à la pomme et à la mangue. Les enseignantes et Stefano sont conquis. Ils donnent raison à l’enseignant: «Ce type de nourriture pourrait plaire aux élèves.»
Cuisiner et manger en toute liberté de choix
Après la dégustation vient l’heure pour les participants de cuisiner en groupe. Alors que la cuisine moderne de l’école est en pleine ébullition, de délicieux effluves commencent à chatouiller les narines. Emincé de poivrons avec pâtes aux épinards, paella de légumes aux oignons, émincé à la zurichoise avec rösti, galettes halloumi-pomme de terre avec goulasch de poivrons et pommes, et bien d’autres plats sortent de la cuisine. Monika Neidhart explique pourquoi elle trouve bon d’enseigner la cuisine végétarienne à l’école: «Le monde a changé.» L’alimentation individuelle est devenue monnaie courante et les élèves renoncent de plus en plus, pour diverses raisons, à une alimentation carnée. «Nous devons prendre cette tendance au sérieux et leur donner le moyen d’apprendre par eux-mêmes, indépendamment de l’industrie, des influenceurs et de la publicité, que renoncer à la viande ne permet pas nécessairement de se nourrir sainement.»
Pour Monika Neidhart, le lait et les produits laitiers demeurent une composante essentielle de l’alimentation suisse. «Nourrissons-nous le plus possible de produits suisses et bien des problèmes écologiques et sociaux disparaîtront. Par ailleurs, nous sécurisons ainsi des emplois et l’existence des agriculteurs suisses.» Le cours de six heures arrive à son terme. Les enseignantes sont ravies des menus.
Classe spécialisée de Frauenfeld
La classe spécialisée Timeout de Frauenfeld offre aux jeunes ne trouvant plus leur place en classe, ayant perdu le sens de l’école ou vivant une crise personnelle la chance de rebondir. La fréquentation de cette classe spécialisée est l’occasion pour eux de faire le bilan du passé, de réfléchir à leur propre comportement et de développer de nouvelles valeurs. Loin du quotidien scolaire habituel, ils ont l’opportunité de libérer des énergies et ressources nouvelles pouvant marquer le point de départ d’une évolution positive. La petite taille du groupe permet un enseignement individuel, l’objectif principal, qui est la réintégration dans une classe normale, devant être assuré par un soutien ciblé.