L’exploitation se situe encore presque en ville, à moins d’un kilomètre et demi du centre de la vieille ville de Bienne, à la frontière du quartier de Falbringen, dont elle porte le nom. La forêt commence au-dessus des champs et de la ferme.
La ville est une chance
Thilo Camprad et Ellen Richter, sa compagne, ont repris l’exploitation Falbringenhof il y a 13 ans. «Ici, il n’y a pas de clivage entre la ville et la campagne. La population citadine aime la campagne», affirme Thilo Camprad. Les riverains sont heureux que certains terrains ne soient pas construits et qu’ils soient voués à l’agriculture. Les personnes qui habitent à proximité disposent même d’un lien personnel très étroit avec l’exploitation. Bon nombre d’habitants du quartier ont déjà soutenu le Falbringenhof en achetant des produits, en se promenant le week-end le long des champs ou en venant voir les vaches, poules, chèvres et moutons dans les bâtiments qui les abritent et qui restent toujours ouverts. Quelques personnes viennent également saluer Fanny, le cheval utilisé pour le labour dans cette exploitation pratiquant l’agriculture biodynamique. La proximité de la ville n’est pas un handicap mais une opportunité. Seule exception à cette règle, la nuit où Thilo Camprad a fauché à trois heures du matin, avant une période de mauvais temps… Le reste du temps la cohabitation se passe très bien. En fait, il s’agit d’ailleurs presque d’une collaboration: en effet, si les habitants des quartiers voisins n’avaient pas fait preuve d’esprit d’initiative il y a quelques années, l’exploitation Falbringenhof aurait tout simplement disparu. Les bâtiments nécessitaient une rénovation et des investissements conséquents auraient dû être effectués. Mais les moyens financiers faisaient cruellement défaut. La famille qui exploitait alors le domaine décida de le quitter et la ferme resta inoccupée pendant un an. Les habitants du quartier étaient si attachés à sa survie qu’ils fondèrent une association. La fondation créée par la suite a finalement acquis un droit de superficie pour cette exploitation de sept hectares, en s’acquittant d’un franc symbolique à la ville de Bienne.
Nouvelle série «Paysans en ville»
L’agriculture n’est pas seulement pratiquée à la campagne mais également en ville. A Zurich par exemple, 900 ha sont exploités à des fins agricoles. La ville de Berne compte quant à elle 40 familles agricoles et celle de Saint-Gall près de 60 agriculteurs. Dès notre édition de février, nous présentons tous les mois des familles agricoles pratiquant l’agriculture à proximité de la ville. Quels sont les défis qui y sont liés? Quelles sont les opportunités offertes par une situation à proximité de la ville?
Travail pédagogique
Cette petite exploitation très diversifiée située aux abords de la ville de Bienne est unique en son genre. Le travail pédagogique y prime en effet sur l’activité productive. Tous les jours, des classes d’école viennent visiter la ferme. Elles viennent souvent de Bienne mais parfois aussi d’autres régions de Suisse. Chaque année, près de 3000 élèves se rendent sur l’exploitation pour vivre l’agriculture de près et aider aux travaux de la ferme. A cette occasion, ils cuisent du pain, labourent les champs, sèment des pois ou des radis, plantent des pommes de terre, récoltent des carottes, collectent les œufs, nourrissent les chèvres ou étrillent les vaches. «Chaque ville devrait disposer d’une ferme telle que le Falbringenhof», explique Thilo Camprad. «Les enfants sont de plus en plus stressés. Ils sont souvent devant leur télévision et les réalités de la vie sont reléguées au second plan». Cet agriculteur dynamique précise également qu’aujourd’hui les jeunes ont plus que jamais besoin de participer. «Il y a 20 ans, la Suisse était encore très agricole, les grands-parents avaient peut-être encore leur propre ferme et l’agriculture était plus présente dans le quotidien de la population. Il est essentiel que les enfants qui habitent en ville puissent voir comment les denrées alimentaires sont produites.» Les enfants sont étonnés de voir comment les pommes sont transformées et pressées. En brossant une vache pour la première fois, ils prennent conscience de la taille respectable de cet animal. Il arrive alors que les cris fassent tout à coup place à un silence respectueux et que les animaux soient alors étrillés avec la plus grande prudence. Ellen Richter, la compagne de Thilo Camprad, est parfois confrontée à des situations plus désagréables: «Les animaux doivent parfois supporter un peu trop de choses. Il peut arriver que certains enfants ne parviennent tout simplement pas à établir un lien avec l’animal, qu’ils continuent à parler à haute voix et à ne pas faire attention. Il faut alors leur donner un avertissement, dès qu’ils dépassent les bornes. Nous devons tout d’abord leur apprendre à respecter les animaux.» Il s’agit d’un travail pédagogique que chacun doit accomplir au Falbringenhof.
Une exploitation très diversifiée
Malgré le mandat pédagogique qu’il remplit, le couple d’exploitants attache beaucoup d’importance au fait que le domaine reste une exploitation productive. Plusieurs légumes sont cultivés alors que du lait, des yaourts, du séré et du pain sont commercialisés en vente directe. Le pain issu de la boulangerie de l’exploitation est une des spécialités du Falbringenhof. Thilo Camprad se lève quatre fois par semaine à quatre heures du matin pour produire 14 sortes de pains différents. Contrairement au pain fabriqué industriellement, la pâte à pain utilisée lève pendant beaucoup plus longtemps, ce qui la rend plus digeste. L’agriculteur et son équipe commercialisent directement leur pain et d’autres produits sur le marché hebdomadaire organisé dans la vieille ville de Bienne ou dans les magasins bio de la région. La vente directe est une branche rentable pour l’exploitation. Thilo Camprad apprécie par ailleurs le contact direct avec les clients. Ces derniers sont prêts à payer d’avantage pour des produits élaborés dans le cadre de l’agriculture biodynamique. Une vraie histoire d’amour en quelque sorte…