Lorsqu’Armin Bähler a lancé son élevage d’escargots à Elgg (ZH), cela avait tout d’une idée un peu folle. Ces dernières années, des investissements importants ont été réa lisés et, après quelques réajustements, l’entreprise s’est développée avec succès. Même un dégât total, causé par une inondation en 2007, n’a pas mis un terme au projet. Il y a deux ans, A. Bähler a repris de ses parents la ferme et les surfaces agricoles, avec l’élevage d’escargots. Désormais, il vit sur l’exploitation avec sa femme et ses deux enfants. Ces temps-ci, le joaillier de formation, qui continue à travailler à temps partiel dans l’immobilier et qui déborde d’enthousiasme et d’idées, est un peu désabusé. « La pandémie a stoppé le flux de visiteurs, aucune visite n’est prévue, aucun événement n’a lieu, le chalet et le bar à escargots ne sont plus loués pour des fêtes », dit-il, résumant la situation. De plus, il ne peut pas vendre ses escargots car les restaurants sont fermés.
Les escargots se plairaient à merveille dans la serre tropicale Masoala du zoo de Zurich.
100 000 escargots finissent à la casserole
Les années précédentes, sur la période s’écoulant de mai à octobre, Armin Bähler a écoulé en vente directe environ une demie tonne de viande d’escargot, soit une bonne centaine de milliers d’escargots. Les « Schneckenpfännli » (escargots à la poêle), des escargots cuits avec de l’ail et des oignons puis brièvement gratinés avec du beurre aux herbes, étaient très populaires auprès de ses invités de toutes les régions du pays. Il transforme et conserve une demie tonne d’escargots supplémentaire qu’il destine aux restaurants de toute la Suisse alémanique. Son élixir d’escargot, une eau-de-vie de prune aux extraits d’escargot, ainsi qu’une pâte à tartiner à base d’escargot, se vendent également bien. Pour le bricolage, les coquilles d’escargot lavées et entières sont appréciées des écoles, des jardins d’enfants, de même que des ménages, et sont fréquemment commandées.
100 œufs par an
Selon Armin Bähler, la tentative de produire un caviar d’escargot, prometteuse il y a quelques années, a dû être fortement réduite, en raison de la difficulté de l’escargot petit-gris (Helix Aspersa)à s’adapter au changement climatique. Originaire de la région méditerranéenne, il atteint sa maturité sexuelle à un an tout en étant prêt à être consommé. Cette espèce pond jusqu’à 100 œufs par an et était initialement considérée comme très prolifique. Les étés devenant de plus en plus chauds et l’humidité de l’air ayant tendance à baisser, les petits-gris pondent de moins en moins d’œufs. « Les deux premières années, nous avons pu commercialiser une dizaine de kilos d’œufs sous forme de caviar ; aujourd’hui, nous ne vendons qu’une fraction de cette quantité. Avec un prix par kilo de l’ordre de 2000 francs, le caviar aurait pu nous permettre de pérenniser notre activité », regrette A. Bähler.
Trop sec et trop chaud
Les escargots de Bourgogne ne souffrent pas systématiquement du changement climatique. A. Bähler explique que bien qu’elle ait été optimisée à maintes reprises, l’installation d’élevage qui s’étend sur 5000 mètres carrés est toutefois trop chaude et sèche. S’il le pouvait, l’escargot de Bourgogne changerait tout bonnement de domicile, en cherchant un endroit plus humide et ombragé. Les escargots se plairaient à merveille dans la serre tropicale Masoala du zoo de Zurich. Un environnement humide et chaud, sans vent mais juste une légère brise – des conditions que recherchent ces escargots prolifiques pour pondre leurs œufs. L’éleveur est convaincu que si ses protégés pouvaient vivre dans un climat idéal, ils se reproduiraient toute l’année. A. Bähler est bien conscient que le climat ne peut être modifié et qu’à l’avenir les étés auront tendance à être plus chauds et plus secs, de sorte que la planification à long terme de son élevage d’escargots deviendra de plus en plus complexe. La possibilité de déplacer l’élevage dans une serre n’est pas envisagée pour le moment.
Armin Bähler« Mes 300 000 escargots m’enthousiasment toujours autant. »
Il envie la patience de ses petits baveurs
En temps normal, les préparatifs pour l’ouverture de la saison battraient leur plein. Mais cette année aussi, l’apéritif des parrains a été annulé. Les escargots, quant à eux, sont sortis de leur torpeur hivernale, même si l’écart de températures entre un mois de février chaud et les gels d’avril n’était pas idéal. A. Bähler est convaincu que ses protégés continueront à s’accoupler, à pondre des œufs et à se multiplier. Il peut ensuite les ramasser en été et les faire bouillir dans de l’eau salée avant de les apprêter.
Contrairement aux éleveurs d’escargots étrangers, il n’utilise que la tête et le pied du gastéropode. Les viscères au milieu de l’animal sont éliminées, de même que la dentition, qui est coupée avec un ongle. La charge de travail est importante et, sur douze grammes de chair d’escargot, seuls quatre grammes finissent dans un bocal ou à la casserole. Mais il reste optimiste. « Mes 300 000 escargots m’enthousiasment toujours autant », insiste-t-il. Il est fier de ce que lui et son épouse ont accompli au cours des 20 dernières années. « Mais parfois, comme eux, j’aimerais avoir de la patience et pouvoir simplement flâner », résume-t-il.
En camping-car à la ferme d’élevage d’escargots
Lorsque A. Bähler évoque sa dernière trouvaille, ses yeux s’illuminent à nouveau. « Tout était très calme dans notre élevage l’été dernier ; notre ferme est entourée de champs et de prairies avec une vue sur le château d’Elgg et nous avons donc pensé que cet endroit, avec un coin pour faire du feu, une pergola et une aire de jeux pour les enfants, constituerait assurément un site idéal pour les campeurs », dit-il. Ayant entendu parler de Nomady, un organisme qui œuvre en tant qu’intermédiaire entre les campeurs et les prestataires d’emplacement de camping en proposant une plateforme de réservation en ligne, il s’y est inscrit. A peine son emplacement mis en ligne, il a reçu de nombreuses réservations.
Comme les frontières étaient fermées et que de nombreuses personnes ont acheté un camping-car pendant la pandémie, l’intérêt était énorme. Un peu de vie est donc revenue à la ferme des escargots, même s’il ne souhaite proposer un emplacement que pour un seul camping-car ou au maximum deux arrivant simultanément. Les commentaires positifs lui prouvent que les visiteurs se sentent bien dans sa ferme. D’ailleurs, ce printemps, les premiers visiteurs sont déjà arrivés à Pâques.
www.schneckenfarm.ch (en allemand)