Alors que la pandémie a un effet désastreux pour l’industrie du voyage, elle permet au contraire aux exploitations agricoles pratiquant l’agrotourisme de générer un revenu additionnel. L’an dernier, à cause des restrictions de voyage, beaucoup de gens avaient déjà choisi de passer leurs vacances dans des fermes suisses. Selon l’association Agritourisme Suisse, le nombre de nuitées a augmenté de 12 % et le chiffre d’affaires de 10 % en 2020. Le chiffre d’affaires de la plateforme de réservation de l’association a même augmenté de 35 %. « Désormais, certaines exploitations réalisent même un tiers de leur chiffre avec l’activité d’hébergement », explique le directeur de l’association, Andreas Allenspach. Selon lui, la tendance est clairement aux appartements de vacances, aux chambres et au camping à la ferme.
Cosy et en pleine nature
La clientèle souhaite de plus en plus disposer de solutions d’hébergement à des endroits exclusifs, où elle peut être seule. Cette demande est intéressante pour les exploitations agricoles souhaitant se lancer dans l’agrotourisme sans devoir trop investir. Les exploitations situées en zone de montage et en zone des collines, en particulier, ont une carte à jouer dans ce domaine. En effet, dans ces dernières, la situation même de l’exploitation offre tranquillité, belle vue et proximité avec la nature.
A partir du moment où une infrastructure minimale existe, l’offre en places de stationnement pour les véhicules de camping ou les tentes peut devenir une source de revenu annexe intéressante. Sur son domaine, Kari Bürgi élève un troupeau de vaches mères zébus et propose une offre de restauration pour les événements. L’agriculteur a par ailleurs créé trois places de stationnement pour véhicules de camping à proximité de sa ferme. Comme l’exploitation dispose déjà d’un local utilisé pour des événements et de l’infrastructure qui en fait partie avec un WC pour les hôtes, les services de l’aménagement du territoire ont autorisé la création de trois places de stationnement à titre d’activité annexe.
Kari Bürgi, agriculteur« La saison dernière, nous avons enregistré 300 locations pour des véhicules de camping »
A 800 m d’altitude, ses hôtes jouissent d’une magnifique vue sur le Rigi, le Mythen ainsi que sur les lacs de Zoug et de Lauerz, loin du tumulte des grands campings. La place de stationnement dispose de l’électricité et d’un gril. L’agriculteur à temps partiel de Suisse centrale demande 40 francs par nuit et par place de camping. Il s’est lancé dans l’accueil de campeurs il y a quatre ans et profite du boom actuel : « La saison dernière, nous avons enregistré 300 locations pour des véhicules de camping », se réjouit Kari Bürgi. Cette activité lui a permis de compenser en grande partie la baisse de chiffre d’affaires enregistrée dans la restauration.
Un organisme professionnel enregistre les réservations
Les débuts ont été un peu compliqués pour cet hôtelier en tourisme rural. La collaboration avec les plateformes de réservation, en particulier, lui a coûté pas mal d’efforts. « Souvent, des prestataires internationaux ont effectué des réservations sans qu’aucun campeur ne se présente », se rappelle-t-il. Depuis, Kari Bürgi a confié les réservations à Nomady, une plateforme suisse. Située à Einsiedeln (SZ), cette start-up de camping en pleine nature propose actuellement une offre de 180 places de camping en Suisse centrale ainsi que dans la région de Napf et les Grisons. Elle mise surtout sur les activités en plein air et sur l’exclusivité.
Oliver Huber, Nomady« Notre offre s’adresse aux touristes pri vilégiant la qualité. »
Contrairement à leurs concurrents internationaux, les responsables de cette start-up connaissent les agricultrices et les agriculteurs proposant une activité d’accueil et sont en contact direct avec eux, en cas de besoin. « Nous souhaitons toucher les touristes individuels souhaitant des prestations de qualité tout en vivant une expérience dans la nature en laissant le moins de traces possible », précise le fondateur et directeur de Nomady, Oliver Huber. Les personnes qui réservent une place de camping via Nomady ne s’engagent pas seulement à respecter les conditions générales : elles concluent aussi un pacte pour le respect de la nature et de l’environnement. Nomady concentre par conséquent ses efforts sur des prestataires privilégiant le tourisme durable et proposant des emplacements attrayants. « Pour nous, il serait bien sûr hors de question de proposer un emplacement de camping à proximité d’une fosse à purin », relève Oliver Huber.
Cette prestation n’est gratuite ni pour les campeurs ni pour les personnes proposant des emplacements. Pour ses prestations, Nomady prélève un forfait de 15 %. Kari Bürgi estime néanmoins qu’il s’agit d’une bonne solution : « Tout est réglé de manière précise et la charge administrative est pratiquement nulle pour moi », constate-t-il. La personne proposant des places de camping peut choisir parmi trois conditions d’annulation : trois jours, dix jours ou pas du tout. Kari Bürgi a opté pour une solution médiane : « Comme toutes les réservations se font par prépaiement, on est payé, même si quelqu’un annule au dernier moment ou ne vient pas du tout. »
Zone grise en dehors de la zone à bâtir
Accueillir des campeurs n’est pas toujours de tout repos. En règle générale, de tels changements d’affectation hors zone à bâtir ne sont pas conformes à la zone.
Hansueli Schaub, Agriexpert« Les personnes souhaitant faire de l’accueil de campeurs une activité professionnelle devraient impérativement le faire en collaboration avec leur commune. »
En l’absence d’autorisation administrative, on se situe toujours dans une zone grise d’un point de vue légal. « Les personnes souhaitant faire de l’accueil de campeurs une activité professionnelle devraient impérativement le faire en accord avec la commune », recommande par conséquent le spécialiste de l’aménagement du territoire d’Agriexpert, Hansueli Schaub. A ce sujet, c’est l’article 24 a de la loi sur l’aménagement du territoire qui s’applique (voir encadré).Il faut être particulièrement attentif aux conséquences découlant d’un changement d’affectation. « Dans la pratique, l’exigence consistant à ce que le changement d’affectation n’ait pas d’incidence sur le territoire, l’équipement et l’environnement est un obstacle très contraignant », précise Ueli Schaub au vu de sa longue expérience de conseiller. Proposer un emplacement pour des véhicules de camping dans une zone sensible dérange souvent plusieurs groupes d’intérêt. Ueli Schaub recommande par conséquent d’intégrer les autorités dans le processus dès le lancement du projet et de déposer, si nécessaire, un permis de construction. Le spécialiste estime que les agricultrices et les agriculteurs qui souhaitent développer et pérenniser une telle activité ont tout intérêt à opter pour une bonne sécurité en matière de planification.
Base légale (LAT)
Art. 24 a Changements d’affectation hors de la zone à bâtir ne nécessitant pas de travaux de transformation
- Lorsque le changement d’affectation de constructions et d’installations sises hors de la zone à bâtir ne nécessite pas de travaux de transformation au sens de l’art. 22, al. 1, l’autorisation doit être accordée aux conditions suivantes :
a. ce changement d’affectation n’a pas d’incidence sur le territoire, l’équipement et l’environnement ;
b. il ne contrevient à aucune autre loi fédérale. - L’autorisation est accordée sous réserve d’une nouvelle décision prise d’office en cas de modification des circonstances.
Mieux canaliser le camping sauvage
Les responsables de Nomady plaident aussi la cause du camping rural auprès des communes et des services en charge de l’aménagement du territoire, pour assurer leur bienveillance vis-à-vis des agricultrices et agriculteurs qui déposent une demande de permis de construire. Leurs interlocuteurs leur prêtent souvent une oreille attentive : « Désormais, les parcs naturels s’adressent directement à nous, afin de mieux gérer le camping sauvage, qui connaît un vrai boom », explique Oliver Huber. Les nuitées en pleine nature ne sont pas réglementées clairement partout. Certains cantons les interdisent, alors que dans d’autres, les services d’aménagement du territoire laissent les communes fixer leurs propres règles.
Œufs pour le petit-déjeuner ou steaks à griller
De nombreuses exploitations proposant une activité d’accueil complètent leur offre par des prestations supplémentaires, par exemple en la combinant avec la vente directe ou un panier pour le petit-déjeuner.
Kari Bürgi« Mettre à disposition un emplacement pour véhicules de camping n’a rien à voir avec les activités d’accueil comme Vacances à la ferme, par exemple »
Kari Bürgi considère que l’accueil de campeurs est peu gourmand en travail : « Mettre à disposition un emplacement pour véhicules de camping n’a rien à voir avec les activités d’accueil comme Vacances à la ferme, par exemple », précise-t-il. Souvent, le contact se limite à quelques mots de bienvenue et aux salutations de départ. « Les personnes qui optent pour ce mode de voyage cherchent avant tout la tranquillité. » Et lorsque ses hôtes souhaitent, après une longue promenade, faire griller un steak juteux de zébu de la ferme, c’est une retombée positive de plus pour lui.
Agences jouant le rôle d’intermédiaires pour des prestations touristiques en Suisse
Directement aux intermédiaires: