Cela fait bien longtemps que la digitalisation a aussi étendu son emprise sur nos loisirs. Grâce au partage de données GPS et de vidéos en direct, l’existence d’une piste de vélo ou d’un sentier non officiels se répand en temps réel sur les réseaux sociaux et en fait des lieux très fréquentés. Cette situation met à mal la patience des propriétaires de forêt et du personnel forestier, parfois au delà du raisonnable.
Conflits d’objectifs
D’un point de vue légal, les propriétaires de forêt ne peuvent pas faire grand-chose contre ce fourmillement d’activités. Selon la « stratégie pour la récréation en forêt » de l’Office fédéral de l’environnement, une utilisation durable et intégrale de la forêt inclut expressément des activités de détente et de promotion de la santé. Le Code civil suisse (CC) et la loi fédérale sur les forêts (Lforêts) prévoient un libre-accès aux forêts. Dans ce contexte, une utilisation accrue de la forêt par la population multiplie parfois les conflits d’objectifs.
Convention avec une organisation
L’ingénieur forestier Andreas Bernasconi estime que les forêts situées dans des zones à forte densité de population, en particulier, posent problème. Dans ces zones, la pression s’est fortement accrue ces derniers mois en raison de la pandémie : « Beaucoup de gens ont découvert la forêt en tant que havre de détente sans en connaître les règles du jeu », affirme le spécialiste. En sa qualité de copropriétaire du bureau de planification et de conseil Pan Bern AG, il conseille des entreprises forestières, des organisations environnementales et les autorités lorsqu’il s’agit de concilier les besoins des différentes parties. « Si l’utilisation des installations est gérée par une organisation, on trouve souvent des solutions. » Cette constatation vaut aussi bien pour les projets à long terme que pour les projets temporaires. Selon les cantons ou les communes, une autorisation est obligatoire dès qu’une manifestation dépasse un certain nombre de personnes. Souvent, des groupes de jeux en forêt signent une convention d’utilisation avec les propriétaires de forêts concernés.
Andreas Bernasconi, ingénieur forestier.« La pression liée aux loisirs va encore s’accroître dans les forêts. »
En général, les constructions se limitent à des bancs de branches ou à une place de feu. En termes d’aménagement du territoire, de telles installations ne sont toutefois pas conformes à la zone. « Les directives cantonales font foi: en règle générale, outre l’accord des propriétaires de forêt, l’aval du service cantonal des forêts est aussi indispensable », précise A. Bernasconi. De plus, le spécialiste recommande de conclure une clause de non-responsabilité écrite avec l’organisation responsable.
Eléments à inclure dans un contrat d’utilisation
- Type et durée d’utilisation (droit de jouissance), durée du contrat et délais de résiliation ;
- Portée du droit de jouissance ou délimitation de la surface forestière concernée ;
- Obligation de demander l’autorisation du propriétaire en cas de changement d’affectation (nouveaux parcours / installations) ;
- Exclusion de l’obligation consistant à mettre à disposition des surfaces de forêt de remplacement si l’endroit prévu ne convient pas ;
- Définir l’emplacement de toutes les infrastructures complémentaires ;
- Coûts de construction, d’exploitation et d’entretien à la charge de la société exploitante ;
- Obligation de restitution en fin de contrat ; obligation de remise en état de la forêt ;
- Indemnité pour le droit de jouissance ;
- Obligation d’entretien et contrôle de sécurité ;
- Obligation de ménager les arbres et le sol forestier ;
- Responsabilité pour tous les dégâts liés à l’ouvrage et à son utilisation ;
- Devoir d’informer les propriétaires de forêt en cas d’événements particuliers ;
- Modalités d’utilisation des chemins ;
- Modalités lors du transfert du droit de jouissance.
Source : Pan Bern AG
Responsabilité du propriétaire
Lorsque des changements surviennent de manière insidieuse à cause d’activités en plein air non planifiées, les propriétaires de forêts se retrouvent dans une situation délicate nécessitant une réaction concrète. La responsabilité du propriétaire d’ouvrage (art. 58 CO) peut être impliquée dès lors que des installations non autorisées sont tolérées sur une période prolongée. D’un point de vue strictement légal, les propriétaires ont l’obligation de veiller à la sécurité et à l’entretien, aussi à ces endroits-là (voir encadré).
Questions de responsabilité concernant les installations de loisir en forêt
Selon l’article 58, al. 1, du Code des obligations (CO), le propriétaire de l’ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d’entretien de son bâtiment ou d’un autre ouvrage.
Les routes, les chemins et les bâtiments ne sont pas les seuls éléments considérés comme des ouvrages en forêt. Les cabanes, les places de feu, les bancs, les dépôts de bois, les balançoires ou les sauts sont également considérés comme des ouvrages.
Selon la façon dont l’ouvrage est aménagé, les arbres situés à proximité immédiate des installations en plein air peuvent aussi être considérés comme faisant partie intégrante de l’ouvrage concerné.
Pour les propriétaires de forêt, le fait de tolérer tacitement la présence de constructions illicites dans leur forêt peut avoir pour conséquence qu’ils soient considérés comme propriétaires de ces ouvrages.
Selon Andreas Bernasconi, fermer les yeux et tolérer tacitement la situation n’est toutefois pas non plus la bonne solution : « Les pistes pour vélos sauvages, les sauts et autres installations de grimpe peuvent entraver durablement la fonction protectrice et productive de la forêt. La pose d’installations fixes requiert une autorisation exceptionnelle. » Dans ce cas, il est judicieux de s’annoncer auprès du forestier d’arrondissement local.
Selon la situation, les installations sont enlevées ou leur accès fermé. Une expulsion peut également être prononcée. Avec un peu de chance, l’information concernant les contrôles administratifs se diffusera elle aussi très rapidement sur les réseaux sociaux.
Vente de bois par Twint
Le fait que des places de grillade ou des pistes de vélo non officielles puissent devenir des lieux très fréquentés montre que les multiples fonctions de la forêt posent des dilemmes toujours plus importants. « Nous pensons que la pression résultant des activités de loisirs en forêt continuera à augmenter », affirme A. Bernasconi. C’est ce qui l’incite à motiver les propriétaires à tenter la fuite en avant. Toutes les forêts ne se situent pas nécessairement au centre d’une région à forte densité. A partir du moment où les travaux d’entretien sont définis correctement et qu’une affectation durable est garantie, les services forestiers octroient souvent une autorisation exceptionnelle. Comme cela se fait dans des parcs naturels, pour des installations en plein air de ce genre, les propriétaires de forêt peuvent conclure des contrats de location avec des communes ou des organisations.
Pour eux, il s’agit d’une source de revenus supplémentaire. Les propriétaires peuvent aussi se demander s’ils n’auraient pas intérêt à profiter de l’occasion pour vendre du bois de feu de leur forêt aux personnes utilisant la place de grillades, qui pourraient alors payer le bois par Twint. Procéder ainsi permet au propriétaire de bénéficier des avantages de la digitalisation dans sa forêt, mais pour son propre compte cette fois.
Informations concernant les activités en plein air et les questions de responsabilité en forêt
Activités de loisir et de détente
Questions de responsabilité
- Haftung bei waldtypischen Gefahren (PDF, en allemand)
- Gutachten Haftung bei waldtypischen Gefahren im Wald (PDF, en allemand)
- Rechtsfragen zu illegalen Bauten im Wald (PDF, en allemand)
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Sécurité vis-à-vis des tiers