En cas de précipitations fréquentes et imprévues, on dispose parfois d’un laps de temps restreint pour épandre le purin. Après que le purin épandu sur une prairie artificielle a été lessivé dans un ruisseau, un tribunal cantonal de première instance s’est penché sur les mesures préventives qu’un agriculteur·trice aurait dû prendre.
Surpris par la météo
L’agriculteur concerné a épandu du purin à raison de 27 m 3 par hectare, sur une prairie artificielle, en juin, par un matin de beau temps. Le soir précédant et le matin tôt, il s’est rendu sur la parcelle concernée pour évaluer la situation. Il a alors constaté que le sol était en mesure d’absorber du purin. Les services météorologiques prévoyaient des orages et des averses isolées dans la journée, à raison de 3 à 4 mm par heure. Les conditions pouvaient par conséquent être considérées comme correctes.
Le purin a été en partie lessivé et s’est écoulé dans un ruisseau situé à proximité, lui conférant une couleur brune.
Après que l’agriculteur a épandu son purin, une forte pluie est tombée localement. Le purin a été en partie lessivé et s’est écoulé dans un ruisseau situé à proximité, lui conférant une couleur brune. De la mousse s’est également formée dans l’eau. Les concentrations en ammonium et en carbone organique dissous étaient nettement supérieures aux valeurs limites autorisées, comme des échantillons d’eau l’ont montré.
L’agriculteur a été dénoncé au procureur cantonal pour infraction à la loi sur la protection des eaux. On lui a reproché d’avoir épandu illégalement et par négligence des substances susceptibles de pouvoir polluer l’eau, à proximité directe ou indirecte d’un ruisseau, et d’avoir ainsi engendré un risque de pollution de l’eau. L’agriculteur a été condamné à une peine pécuniaire.
Il a fait recours, exigeant l’annulation de l’ordonnance pénale et l’acquittement d’infraction par négligence à la loi sur la protection des eaux. Le tribunal a accepté ses requêtes : il l’a acquitté et a annulé son amende.
Respecter l’obligation de diligence
Une condamnation pour infraction par négligence à la loi sur la protection des eaux aurait impliqué que l’agriculteur ait failli à son devoir de diligence. Cela serait le cas s’il avait pu savoir qu’il existait un danger de pollution des eaux et qu’il avait dépassé les limites du risque autorisé. Par exemple, si plusieurs prévisions météorologiques avaient prévu de fortes précipitations.
Le niveau de diligence requis est en premier lieu déterminé par les directives concrètes. En l’absence de telles directives, le niveau de diligence requis se fonde sur le principe général de sauvegarde, selon lequel toute personne qui crée une situation de risque est tenue de prendre toutes les précautions que l’on peut raisonnablement exiger d’elle afin d’empêcher la concrétisation de ce danger et un dommage pour qui que ce soit.
Bases légales
Protection des eaux
Art. 70 de la loi sur la protection des eaux
1 Sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, intentionnellement :
a) aura de manière illicite introduit dans les eaux, directement ou indirectement, des substances de nature à les polluer, aura laissé s’infiltrer de telles substances ou en aura déposé ou épandu hors des eaux, créant ainsi un risque de pollution pour les eaux (art. 6) ;
[…]
2 Si l’auteur a agi par négligence, la peine sera une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus.
Epandage d’engrais
Lorsqu’on applique des engrais, il faut tenir compte de l’ordonnance sur la réduction des risques liés aux produits chimiques (ORRChim)
3.1 Principes de l’ORRChim, annexe 2.6
1 Toute personne qui épand des engrais doit prendre en considération :
a) les éléments nutritifs présents dans le sol et les besoins des plantes en éléments nutritifs (recommandations de fumure) ;
b) le site (végétation, topographie et conditions pédologiques) ;
c) les conditions météorologiques ;
d) les restrictions imposées par les législations sur la protection des eaux, la protection de la nature et du paysage et la protection de l’environnement, ou ayant fait l’objet d’un accord sur la base de cette législation.
[…]
3.2 Restrictions prévues par l’ORRChim annexe 2.6
3.2.1 Engrais contenant de l’azote et engrais liquides 1 L’épandage d’engrais contenant de l’azote n’est autorisé que pendant les périodes où les plantes peuvent absorber l’azote. Si les conditions particulières de la production végétale nécessitent une fumure en dehors de ces périodes, l’épandage de ces engrais n’est autorisé que s’ils ne risquent pas de porter atteinte à la qualité des eaux.
2 L’épandage d’engrais liquides n’est autorisé que si le sol est apte à les absorber. Ils ne doivent surtout pas être épandus lorsque le sol est saturé d’eau, gelé, couvert de neige ou desséché.
Période de repos végétatif
La période de repos végétatif correspond à la période de l’année au cours de laquelle les plantes ne sont actives du point de vue de la photosynthèse. La période de repos végétatif commence après que la température moyenne journalière a été inférieure à 5 °C pendant cinq jours consécutifs. La période de repos végétatif se termine après que la température moyenne a été supérieure à 5 °C pendant sept jours consécutifs.
Fiches techniques
Plusieurs cantons ont rédigé des fiches techniques traitant de l’épandage du purin pendant la période de repos végétatif.
Appréciation correcte du risque
Les exigences imposées à une activité tolérable et utile d’un point de vue social mais dangereuse ne doivent cependant pas atteindre un niveau tel que ladite activité ne puisse plus être exercée. Lorsque l’on épand du purin, il faut par conséquent tenir compte du fait que les précipitations constituent un danger potentiel. Le législateur n’a pas défini à quelles conditions un épandage de purin est interdit lorsque des précipitations sont prévues. Concrètement, il prévoit uniquement que l’épandage d’engrais liquides est interdit sur les sols gelés, couverts de neige, saturés d’eau ou secs. Pendant la période de végétation, au cours de laquelle le sol a un plus grand pouvoir d’absorption et les cultures des besoins élevés en nutriments, il n’est dès lors pas possible de prévoir des exigences plus strictes.
Les prévisions météorologiques des différents instituts ne prévoyaient pas de précipitations importantes au cours des jours suivant l’épandage. Pour cette simple raison, il n’y avait pas lieu de reprocher à l’agriculteur d’avoir manqué à son devoir. Selon la décision du tribunal, épandre du purin lorsque de légères précipitations sont prévues constitue un risque envisageable.