Toute exploitation recèle des potentiels et le ou la chef(fe) d’exploitation a tout intérêt à les identifier clairement. En tant que chef d’entreprise, il doit être capable de différencier les dimensions qu’il peut influencer de celles qu’il ne peut influencer. Les dimensions non influençables sont par exemple la politique agricole, le marché, le site ou la taille actuelle de l’exploitation. Il s’agit de conditions-cadres dont il convient de tirer le meilleur parti possible. Pour réussir, on agit sur les éléments sur lesquels on a un pouvoir décisionnel et que l’on est en mesure d’influencer.
Introspection sincère
Pour cela, on doit commencer par soi-même. Un ou une chef(fe) d’exploitation devrait être conscient(e) de ses points forts et de ses intérêts, de ce qui est important pour lui ou elle et pourquoi. Mettre l’accent sur les trois dimensions que sont l’économie, l’écologie et les aspects sociaux permet de combiner intérêts et succès de manière optimale. Il est tout aussi important de connaître ses propres points faibles et de savoir dans quels domaines on doit se développer au niveau personnel. Dans chaque exploitation, il y a des activités que l’on accomplit moins volontiers ou pour lesquelles on est moins doué.
Si l’auto-évaluation aboutit à la conclusion que seul un nombre très restreint de travaux sont effectués volontiers et correctement, on devra se demander si le métier de chef(fe) d’exploitation est vraiment celui qui convient le mieux.
Echange interne et externe
Les agricultrices et les agriculteurs sont habitués à observer attentivement leurs cultures et leurs animaux. Or aujourd’hui, ce « don » ne suffit plus pour gérer une exploitation. Pour réussir, il faut considérer l’exploitation dans sa globalité, y compris la vie familiale et les finances. Il est primordial que les activités et les décisions du ou de la chef(fe) d’exploitation soient portées par l’ensemble de la famille. Les défis sont plus simples à relever lorsque l’on se sent soutenu par sa famille. Cette dernière est d’ailleurs directement concernée, que ce soit pour des questions d’emploi du temps ou d’ordre financier.
Les chef(fe)s d’exploitation qui n’ont pas d’objectifs concrets devraient s’en fixer.
Les échanges en dehors de l’exploitation, comme par exemple au sein des cercles de travail, avec des collègues ou avec un conseiller ou une conseillère neutre sont un moyen supplémentaire de conserver une bonne vue d’ensemble. Ces échanges sont par ailleurs une source de motivation. Réussir dans son métier signifie atteindre, voire dépasser, les objectifs que l’on s’est fixés. Dans le cas d’une exploitation agricole, ces objectifs peuvent être répartis dans les trois dimensions de développement durable que sont l’économie, l’écologie et la dimension sociale. Pour assurer la pérennité de l’exploitation, il convient d’atteindre au moins un minimum de points dans chacune de ces dimensions (voir encadré).
Développement durable dans trois dimensions majeures
Une exploitation doit être durable. Pour en assurer la pérennité, il faut atteindre un équilibre minimal dans les trois dimensions que sont l’économie, l’écologie et la dimension sociale.
Economie. Lorsque les moyens financiers disponibles ne suffisent pas à couvrir toutes les dépenses, l’objectif économique de base n’est pas atteint. Tôt ou tard, l’exploitation sera confrontée à une impasse financière. Identifier les problèmes assez tôt implique une analyse détaillée de la comptabilité. Un simple survol ne suffit pas. Les résultats doivent faire l’objet d’une analyse critique et être vérifiés. Pour tirer des conclusions claires, le plan comptable doit être spécifiquement adapté à l’exploitation. En général, on dispose de données de comparaison provenant d’exploitations similaires. En cas de problème financier récurrent, il faudra prendre immédiatement les mesures qui s’imposent. Si les résultats sont bons, le système existant pourra par contre être préservé, optimisé ou développé.
Ecologie. S’agissant de cette dimension, il est essentiel de savoir si l’outil de production est géré de manière adaptée au site et si sa qualité est préservée et bonne dans le temps. Le compactage du sol, l’érosion ou les résidus d’agents de production sont des thèmes importants dans la dimension écologique.
Dimension sociale. La dimension sociale englobe la qualité de vie en général. En font partie la charge de travail et les relations entre les collaborateurs et les membres de la famille. Celui ou celle qui dépasse certaines limites dans cette dimension ne met pas seulement en péril sa propre santé mais aussi le bien-être de sa famille et de son personnel.
Les chef(fes) d’exploitation qui n’ont pas encore d’objectifs concrets devraient s’en fixer. Une analyse approfondie de l’exploitation et de son environnement permet de développer des stratégies qui aident, dans le quotidien professionnel, à prendre des décisions orientées vers l’avenir. Les objectifs doivent être spécifiques, mesurables, attrayants, réalistes et être agendés dans le temps. Il convient aussi de contrôler régulièrement dans quelle mesure ils sont atteints.
Si le travail est bien fait, le ou la chef(fe) d’exploitation sait ce qui va bien et ce qui mérite d’être amélioré. Cela permettra d’élaborer des mesures concrètes pour atteindre les objectifs fixés et de les mettre en œuvre. Au cas où des faiblesses éventuelles affectent une dimension toute entière, on définira des objectifs partiels et des mesures destinées à améliorer la situation. Souvent, les processus de travail, les installations, les machines et les bâtiments sont également concernés. La plupart du temps, plusieurs mesures spécifiques doivent être adoptées pour atteindre l’objectif fixé.
Viser la constance
Un domaine agricole est généralement transmis de génération en génération. Tout chef d’exploitation remettant son domaine est fier de ce qu’il a accompli et de ce qu’ont réalisé avant lui les générations précédentes.
Souvent, on perpétue les traditions sans développer un regard critique.
Il arrive toutefois souvent que les traditions soient perpétuées sans être remises en cause. Or c’est justement là que le bât blesse : au fil du temps, l’environnement de l’exploitation change et des stratégies qui avaient du succès à un moment donné ne sont plus un gage de réussite et devraient donc être abandonnées. En se penchant sur ce qu’ont fait les générations précédentes, on constatera qu’elles ont aussi essayé d’innover pour pérenniser le domaine et assurer la subsistance de leur famille. Dans ce contexte, lors de la reprise, l’accent doit être mis sur la pérennité de l’exploitation et non sur la perpétuation de traditions.
La ou le partenaire sont aussi une source d’innovation. Il ou elle imagine de nouveaux domaines d’activité et les perspectives économiques qui en découlent. Toute innovation n’est pas nécessairement un gage de succès. Les nouvelles idées méritent toutefois d’être étudiées et mises en œuvre si elles sont compatibles. Mais s’il ne s’agit que d’un exercice obligé, mieux vaut ne rien faire ou tester les innovations envisagées dans un cadre restreint dans un premier temps.
Le grand art de l’équilibre
Accomplir les changements nécessaires implique du courage, de la réflexion, de l’énergie, du temps et des moyens financiers. Une fois les mesures prises, il faut contrôler si les objectifs sont atteints. L’exploitation est gérée dans un contexte qui évolue constamment. Les conflits d’objectifs font alors partie de la réalité. Concilier les souhaits les plus divers sans perdre de vue les objectifs devient un défi majeur. Pour y parvenir, il faut avoir confiance en soi, être do-té(e) d’un bon esprit d’observation, disposer de vastes connaissances et d’un grand savoir-faire, être optimiste et, aussi, avoir de la chance.