Prévoyance financière
Dans la pratique, la prévoyance donne souvent lieu à des controverses au sein des familles paysannes. La prévoyance n’est pas n’ont plus considérée de la même manière selon les étapes de vie dans lesquelles les personnes se trouvent. Comme son nom l’indique, la prévoyance n’est pas quelque chose qui a une utilité immédiate: elle consiste plutôt à prévoir dans la perspective d’une phase de vie ultérieure. Le quotidien des familles paysannes est toutefois marqué par des questions économiques: soucis face aux prix qui diminuent, questions liées à l’organisation du travail sur l’exploitation et au sein de la famille avec ou sans activité extérieure de l’un ou des deux conjoints. En raison des facteurs précités, la constitution d’une prévoyance n’est par conséquent souvent pas prioritaire. Tout le monde sait néanmoins qu’il s’agit d’un sujet important et auquel il convient de faire attention.
A titre de prévoyance, les agriculteurs concluent souvent tout d’abord une assurance risque qui prend effet en cas d’événement grave tel un problème d’invalidité ou un décès. Au cas où la situation financière l’y autorise, il est judicieux voire indispensable d’envisager de se constituer une prévoyance vieillesse.
La prévoyance suisse
La constitution d’une prévoyance basée sur le principe des trois piliers repose sur un principe judicieux. Le premier pilier est obligatoire pour tous et inclut la prévoyance étatique: l’AVS, l’AI ou les prestations complémentaires doivent assurer les moyens de subsistance. Le deuxième pilier inclut la prévoyance professionnelle (LPP) qui doit permettre, en complément au premier pilier, de maintenir le standard de vie habituel. Le deuxième pilier est uniquement obligatoire pour les salariés. Le troisième pilier est ouvert à tous et inclut la prévoyance privée. Le troisième pilier permet de compléter les prestations du premier et du second pilier. Ces explications faites, les réflexions sur la façon dont la famille devrait adapter la prévoyance pour qu’elle corresponde au mieux à ses besoins peuvent commencer. Vu la complexité de cette thématique, il peut être judicieux d’opter pour un conseil global neutre en matière de couverture d’assurance et de prévoyance.
1 er pilier
La paysanne collabore aux travaux d’exploitation et est en plus responsable de la famille et du foyer. Lorsque ces travaux ne sont pas rémunérés, la paysanne est considérée fiscalement comme un membre de la famille sans revenu. Elle n’a pas non plus droit à des allocations maternité. Dès que la paysanne déclare un salaire pour le travail qu’elle réalise sur l’exploitation, elle change de statut et devient un membre de la famille rémunéré en tant que collaboratrice. Elle paye alors des cotisations AVS en fonction de son salaire. Elle a également droit aux allocations maternité. Sur l’année, l’exploitation devrait toutefois être en mesure de lui créditer un montant d’au moins 10 000 francs. Si ce n’est pas le cas, la rémunération de la paysanne n’est pas judicieuse d’un point de vue économique, car elle restreint le montant de la rente à laquelle son partenaire à droit lors d’un premier cas de rente éventuel. La paysanne peut également décompter les revenus tirés d’une branche d’exploitation qu’elle gère à titre indépendant. Le revenu tiré de cette branche d’exploitation doit être déclaré en tant que tel mais la branche de production en question ne requiert pas obligatoirement une comptabilité indépendante.
La paysanne peut également être déclarée en tant que co-entrepreneuse, avec tous les droits et les obligations que cette forme juridique suppose vis-à-vis de son partenaire et de l’exploitation. La paysanne est alors considérée et enregistrée en tant qu’indépendante par l’AVS. Une paysanne ou un agriculteur exerçant une activité externe à l’exploitation et réalisant à cette occasion un revenu annuel de plus de 2300 francs est soumis à l’AVS. Dès lors qu’une personne est engagée en tant que salariée au sein d’un foyer privé (p. ex. pour les travaux de nettoyage), son employeur a l’obligation de payer l’AVS, même s’il s’agit d’un travail de quelques heures par semaine et d’un revenu restreint. Il faut éviter de travailler pour une personne qui n’accepte pas de se soumettre à ses obligations en matière de prévoyance.
2 e pilier
Comme elles exercent une activité entrepreneuriale à titre indépendant, les familles paysannes ne sont pas obligées de se constituer un deuxi ème pilier. En règle générale, l’argent versé dans le deuxième pilier est bloqué après avoir été versé et n’est plus disponible. A travers la Fondation de prévoyance de l’agriculture suisse, les familles paysannes disposent d’une institution dont les activités sont principalement axées sur les besoins de l’agriculture et qui propose des prestations qui sont taillées sur mesure pour ce secteur. Les paysannes qui exercent une activité en dehors de l’exploitation sont souvent rémunérées par leurs employeurs de manière à ne pas dépasser un salaire annuel de 21 150 francs. L’employeur n’a ainsi pas besoin de payer de contributions LPP.
3 e pilier
Lorsqu’elle dispose de son propre revenu AVS, la paysanne peut effectuer des versements dans le pilier 3a. Si tel n’est pas le cas, elle peut également envisager de souscrire une assurance épargne dans le cadre du pilier 3b. Il est judicieux, tant pour la paysanne que pour l’agriculteur, que chaque partenaire constitue sa propre prévoyance. En ce qui concerne le 3 e pilier, l’Union suisse des paysans, les banques et les assurances proposent des solutions qu’il s’agit d’analyser et de comparer entre elles.
Il est intéressant de disposer d’une solution de prévoyance
Même si mettre de l’argent de côté pour la prévoyance alors que l’on gère encore activement son domaine constitue une contrainte, cela permet toutefois, une fois l’âge de la retraite arrivé, de ne pas devoir vivre que de sa seule rente AVS (qui correspond malheureusement souvent à la rente minimale). Les investissements réalisés dans l’exploitation constituent bien entendu une sorte de prévoyance vieillesse: ils augmentent en effet la valeur de l’exploitation. Sachant que la plupart des exploitations sont transmises dans le cadre familial, c’est alors la valeur de rendement qui fait foi et l’augmentation de valeur reste par conséquent limitée.
Prévoyance en cas de divorce
Les investissements dans la prévoyance sont des montants qui doivent généralement être partagés en cas de divorce. Il existe quelques exceptions où ce n’est pas le cas. Les contributions AVS sont divisées en deux à partir de la date où le divorce a été prononcé par le tribunal. Cela signifie que la moitié des rentes AVS est attribuée et versée à chacun des ex-conjoints. Ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque le divorce n’a pas été prononcé. La moitié des contributions LPP versées par l’épouse, en tant que salariée, pendant la période qui précède la séparation, seront octroyées à son expartenaire une fois le divorce prononcé. Dans la pratique, on constate que dans la plupart des cas, il n’y a pas de montant LPP disponible. La paysanne divorcée doit donc assez rapidement souscrire sa propre prévoyance professionnelle.
Recommandations à l’intention de la paysanne
1. Engager une discussion avec votre partenaire en ce qui concerne votre statut sur l’exploitation
2. Veiller, également dans le cadre d’un emploi basé sur une rémunération horaire, à décompter votre AVS
3. En cas de travail en dehors de l’exploitation, il serait bien que vous bénéficiez d’un salaire annuel impliquant le versement des cotisations LPP dans le 2 e pilier.
4. Si vous disposez de votre propre revenu AVS, envisagez des cotisations dans la prévoyance professionnelle (2 e pilier) ou dans le pilier 3a. Vous pouvez sinon opter pour le pilier 3b.
5. Les réflexions concernant la constitution d’une prévoyance professionnelle en faveur de la paysanne et de l’agriculteur doivent résulter d’une approche ciblée mais sereine. Souvent, il est aussi nécessaire d’engager une discussion pour définir les priorités.
6. Dans la perspective d’une séparation ou d’un divorce, la façon de gérer les montants liés à la prévoyance est un sujet important.
7. Si nécessaire, les paysannes divorcées peuvent également constituer leur propre prévoyance.
AuteureSilvia Hohl travaillait dans le conseil et la formation des paysannes jusqu’en juillet 2016.