Un stand au marché, un coin self-service, un abonnement légume ou un magasin à la ferme. Voici quelques-uns des innombrables moyens dont disposent les familles paysannes pour écouler leurs produits, sans passer par des intermédiaires. Les agricultrices et les agriculteurs qui optent pour cette solution en retirent de nombreux avantages : ils sont proches du marché et peuvent s’adapter aux besoins des consommateurs. Pour eux, c’est également un moyen d'augmenter la valeur ajoutée dans leur exploitation.
Tous doivent s'adapter
Toutefois, et tous les vulgarisateurs et vulgarisatrices et l’Union suisse des paysans sont d’accord sur ce point, la vente directe n’est pas la solution miracle pour chaque exploitation. Elle implique que les consommateurs soient prêts à changer leur comportement d’achat. Mais c’est surtout au niveau de l’exploitation que plusieurs éléments doivent être réunis pour que la vente directe se mue en succès. Manuela Isenschmid-Huber, collaboratrice au centre agricole de Liebegg (LZL), conseille les exploitations qui envisagent de se lancer dans la vente directe et les accompagne dans la réalisation de leur projet. « Un emplacement approprié est un facteur-clé pour le succès d’un magasin à la ferme classique », ex-plique-t-elle. Au vu des nombreux canaux de commercialisation possibles, force est de constater que la vente directe peut effectivement convenir à beaucoup d’exploitations. Manuela Isenschmid rappelle cependant qu’une exploitation dont les capacités en main-d’œuvre sont déjà pleinement utilisées a plutôt intérêt à renoncer à la vente directe ou à engager du personnel supplémentaire.
Bernhard Müller, BBZ ArenenbergImpossible de préparer des confitures à minuit quand on est déjà surchargé.
Un projet familial
« La vente directe est une branche d’exploitation en soi et doit être appréhendée comme telle », explique Bernhard Müller, du centre agricole (BBZ) d'Arenenberg. « Elle ne doit en aucun cas surcharger davantage la famille. Celles et ceux qui travaillent déjà aux limites de leurs capacités sept jours sur sept ne peuvent pas en plus préparer des confitures à minuit. Avec le temps, le plaisir de travailler disparaît. » La vente directe prend beaucoup de temps, surtout lorsque les clients viennent à la ferme. La clientèle apprécie les échanges avec ceux qui élaborent leurs produits. Les productrices et les producteurs doivent eux aussi ressentir un tel plaisir. « En pratiquant la vente directe, on entretient un contact très étroit avec la clientèle. Il est primordial que la famille paysanne porte ensemble la vente directe et qu’elle soit aimable avec la clientèle », précise Manuela Isenschmid.
Le travail, un facteur essentiel
La vente directe signifie davantage de valeur ajoutée, mais aussi plus de travail. Pour pouvoir se consacrer à la vente directe, il est donc essentiel de bien gérer son temps et d’être capable de déléguer des tâches.
Manuela Isenschmid, LZL LiebeggLa clientèle souhaite disposer d’un vaste assortiment.
Selon Manuela Isenschmid, seules les familles paysannes appréciant le contact ont intérêt à ouvrir un magasin à la ferme. « Les personnes qui préfèrent avoir moins de passage sur l’exploitation peuvent opter pour une autre forme de commercialisation, comme un magasin en ligne ou un service d’abonnement. »
Calculer avant d’investir
Manuela Isenschmid a constaté que la plupart des familles paysannes se lançaient avec un assortiment restreint et des investissements réduits. « C’est judicieux. La famille peut ainsi évaluer le potentiel réel d’un magasin à la ferme. » On pourra par la suite développer l'offre. Avant d’investir, l’experte en vente directe conseille d’engager une réflexion approfondie, à l’image de ce qui se fait pour les autres branches d’exploitation : « Est-il possible d’amortir les investissements dans un délai raisonnable, disposons-nous des moyens nécessaires, ai-je évalué correctement le potentiel commercial, peuton en tirer un bénéfice ? »
Vente directe
En 2021, le LID (Service d'information agricole) met l'accent, avec sa nouvelle série d'articles, sur la vente directe et aide les agricultrices et les agriculteurs, dans chaque édition, dans la mise en œuvre. Vous trouverez des conseils (en allemand) concernant le travail de relation publique sur www.lid.ch/ bauern.
Dans le cadre de la vente directe, il faudrait par ailleurs réfléchir au public cible et à ses besoins. Ainsi, le type de vente, l’offre, la taille des emballages, les horaires d’ouverture et les prix peuvent être fixés de manière beaucoup plus ciblée. « On peut aussi interroger les personnes qui font partie de ce groupe cible sur leurs désirs », affirme Manuela Isenschmid. Pour fixer les prix pour la vente directe et les prestations, elle recommande d’utiliser le programme « Economie familiale – Formulaires et budget de travail » d’Agridea. « Ce programme permet de déterminer s’il est envisageable de créer un assortiment à des prix réa listes et à un tarif horaire correct. » Dans un premier temps, on peut généralement seulement estimer la charge de travail liée à la nouvelle branche d’exploitation. Les personnes qui souhaitent calculer les coûts complets d'une branche d’exploitation définie ont tout intérêt à se faire aider par la vulgarisation.
Regroupement de l'offre
Les agricultrices et agriculteurs dont la ferme n’est pas située à un endroit très fréquenté peuvent aussi regrouper leur assortiment avec d’autres personnes pratiquant la vente directe. Ces magasins communautaires permettent de proposer un plus large assortiment. « Par expérience, on sait que la clientèle apprécie ce genre d’offre », constate Manuela Isenschmid. « Rappelons aussi que celles et ceux qui excellent dans la fabrication de délicieux produits n’ont pas toujours le flair nécessaire pour les vendre et les promouvoir. » Manuela Isenschmid précise qu’une collaboration permet en plus de profiter des compétences de chacun.
Calculer ses prix
Les calculs réalisés indiquent si la vente directe est une branche d’exploitation profitable ou non et quels sont les produits les plus intéressants. « En pratiquant la vente directe, je fixe moi-même mes prix. Ils dépendront de l’endroit où se situe l’exploitation et du public cible », précise encore la spécialiste. Les prix pratiqués dans les magasins à la ferme situés en ville ou à proximité d’une agglomération sont souvent légèrement supérieurs à ceux pratiqués en zone rurale. Pour fixer ses prix, il convient de se baser sur le prix calculé, les prix indicatifs des journaux spécialisés ainsi que sur ceux qui sont appliqués par la concurrence. Pour les produits transformés, il faut toujours garder à l’esprit le prix calculé. « Ce prix inclut les coûts des ingrédients et des moyens de production, une rétribution horaire correcte pour la transformation, l’amortissement au prorata des espaces et des machines utilisés pour la transformation ainsi que les coûts du personnel de vente. » Manuela Isenschmid en est persuadée : « En optant pour la stratégie adéquate, un assortiment mûrement réfléchi et des prix corrects, la vente directe constitue une réelle opportunité. »
Cinq conseils pour faciliter les débuts en vente directe
- Toute la famille doit soutenir cette idée. Cela améliore la compréhension au sein de la famille lors des pics de travail et contribue à un climat agréable pour la clientèle qui vient à la ferme.
- Faut-il engager du personnel ? Etablissez un bilan de travail avec le modèle du Forum la Vulg Suisse (FVS). Site Internet : www.bfs-fvs.ch
- Si vous optez pour la vente directe, aménagez-vous des moments de liberté. Informez à l’avance votre clientèle des horaires d’ouverture et des jours de vacances.
- Les produits non transformés sont davantage soumis à la concurrence du marché. Pour les produits transformés, les prix calculés jouent un rôle très important.
- Ensemble, c’est plus facile : regroupez-vous avec d’autres personnes pratiquant la vente directe, vous disposerez ainsi d’un assortiment plus étoffé et bien adapté à la clientèle.