A était propriétaire d’une entreprise agricole comprenant deux petits terrains d’une superficie inférieure à 25 ares, tous deux classés comme suit : la plus grande partie en zone à bâtir et la part restante en zone agricole. En 2012, il a vendu les deux terrains pour près d’un million de francs. A et les autorités fiscales cantonales ont alors eu un différend sur la manière de traiter ces parcelles au niveau fiscal : s’agit-il d’immeubles agricoles ? Le bénéfice issu de la vente est-il soumis à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les gains immobiliers (plus avantageux pour A) ?
Ce qui est certain, c’est que les terrains avaient été utilisés à des fins agricoles jusqu’à leur vente et faisaient partie de l’activité agricole de A, étant de ce fait soumis au droit foncier rural, et ce, malgré leur taille inférieure à 25 ares. Les autorités fiscales cantonales ont cependant estimé qu’au moment de la vente, les terrains n’étaient plus destinés à un usage agricole, une utilisation possible en tant que terrain à bâtir étant au premier plan. Elles ont donc considéré que ces parcelles constituaient des immeubles « normaux » du point de vue de la législation fiscale, le bénéfice issu de leur vente étant soumis à l’impôt sur le revenu.
Le Tribunal fédéral (TF) a, pour sa part, confirmé cette interprétation : il a retenu que le privilège fiscal en la forme d’un impôt sur les gains immobiliers ne s’appliquait pas lorsqu’un ’immeuble qui relève (certes) du droit foncier a été aliéné sans solliciter les autorisations d’acquisition et les autorisations exceptionnelles requises. Or, le TF relève que c’est précisément le cas en l’espèce : A a vendu les deux terrains sans avoir obtenu l’autorisation nécessaire pour déroger à l’interdiction de partage matériel, et ce, alors qu’il savait – malgré une information erronée du service cantonal de l’agriculture – que les terrains étaient soumis au droit foncier rural. En demandant malgré tout l’application de l’impôt sur les gains immobiliers, le TF considère donc que A se comporte de manière contradictoire, violant l’interdiction de l’abus de droit. Il conclut ainsi que le bénéfice doit être soumis à l’impôt sur le revenu et non à l’impôt sur les gains immobiliers.
Arrêt 9C_336 / 2023 du 3 mai 2024