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Production végétale

Les rotations culturales, clé de la lutte contre la cicadelle

La cicadelle Pentastiridius leporinus était encore considérée comme une espèce menacée en 2016 en Allemagne. Compte tenu du réchauffement climatique, elle s’est toutefois propagée de la France à la Suisse romande – et avec elle, le SBR. A partir du mois d’août 2017, la couleur des champs de betteraves sucrières est passée du vert au jaune. Belle surprise en 2024 : dans certaines régions, les champs arborent de nouveau une couleur verte intense.

Dans la région du Chablais, les surfaces de betteraves sucrières étaient jaunes en 2019. L’adaptation de la rotation culturale a permis d’éviter les jau...

Dans la région du Chablais, les surfaces de betteraves sucrières étaient jaunes en 2019. L’adaptation de la rotation culturale a permis d’éviter les jaunissements en 2024. 

(SFZ)

Publié le

Collaboratrice scientifique, Centre betteravier suisse

En bref

  • Les cicadelles transmettent la protéobactérie ou le phytoplasme du stolbur aux betteraves sucrières, aux pommes de terre ainsi qu’à d’autres légumes.
  • La principale mesure de lutte consiste à cultiver des variétés tolérantes.
  • Adapter la rotation culturale semble être une autre nouvelle mesure prometteuse.

Le syndrome des basses richesses (SBR) est l’une des maladies des betteraves sucrières les plus redoutées. Le responsable désigné est la Pentastiridius leporinus,une espèce thermophile vectrice de deux agents infectieux (protéobactérie et phytoplasme du stolbur). Le SBR a été observé pour la première fois en France en 2004, plus exactement en Bourgogne, faisant cependant l’objet de peu de recherches. En 2024, des scientifiques allemands ont établi que la pomme de terre était également infestée par la cicadelle. La protéobactérie a aussi été recherchée et trouvée dans des légumes tels que les oignons, les carottes, les betteraves rouges et le céleri – un « menu » varié et un défi de taille pour les grandes cultures.

Des variétés tolérantes comme planche de salut

Depuis sa première mise en évidence en 2017 dans le Gros-de-Vaud, la maladie s’est propagée à une vitesse fulgurante vers l’est et l’ouest. Dans le canton de Vaud, à partir d’août 2019, les champs de betteraves sucrières arboraient une couleur jaune sur de vastes surfaces et la teneur moyenne en sucre a soudainement chuté de 4 %.

En 2019, la variété Rhinema, autorisée dans l’UE mais encore jamais testée, se démarquait par son vert intense au milieu des champs jaunis, apparaissant comme la seule planche de salut. La motivation à cultiver les betteraves sucrières dans les régions touchées par le SBR a fortement reculé. Cependant, grâce à l’examen variétal SBR réalisé depuis 2020 (136 variétés testées à ce jour), des variétés plus résistantes au SBR ont pu être rapidement identifiées. Elles sont publiées depuis 2022 dans une liste variétale SBR distincte. En cultivant une variété plus tolérante face au SBR, les producteurs·trices peuvent augmenter le rendement en sucre de 2 à 2,5 tonnes par hectare, pour un produit brut dépassant de 1000 francs celui d’une variété sensible. Toutes les variétés Conviso sont considérées comme sensibles.

Dans les cantons où la rotation culturale a été modifiée, la réduction du rendement en sucre est moindre

Le choix variétal reste actuellement le seul outil de lutte. En effet, les mesures directes permettant de réduire la population de cicadelles et la pression d’infestation font défaut. La lutte par insecticides contre les cicadelles adultes a montré peu d’efficacité en raison de leur très longue période de vol (deux à trois mois) et de leur grande mobilité. Cependant, des scientifiques français ont rapidement constaté qu’une adaptation de la rotation culturale perturbait le développement des nymphes. Les cicadelles pondent leurs œufs dans le sol à proximité des plantes-hôtes pour que les larves écloses puissent se nourrir de leurs racines. Le blé constitue ainsi une source d’alimentation idéale jusqu’à l’envol des adultes au début de l’été.

L’adaptation de la rotation culturale marque un tournant décisif

En 2021 et en 2022, une équipe de recherche de la Haute école spécialisée bernoise (BFH-HAFL) a étudié le potentiel de lutte d’une adaptation de la rotation culturale : renoncer aux cultures d’automne après les betteraves sucrières. Depuis les champs de blé d’automne s’envolaient jusqu’à un million de cicadelles par hectare, un nombre nettement supérieur à celui des champs avec des cultures de printemps (maïs / soja et pommes de terre). A l’automne 2021, pour la première fois, l’adaptation de la rotation culturale a été étendue à une zone géographique isolée (l’ensemble du Chablais). Tous les producteurs se sont engagés à réaliser des cultures de printemps après les betteraves sucrières. L’adaptation de la rotation culturale a rapidement entraîné une forte réduction de l’infestation par les cicadelles. Malheureusement, la teneur en sucre n’a pas rattrapé le niveau précédant l’apparition de la maladie. Cependant, convaincus par les résultats obtenus, les producteurs ont volontairement modifié leur rotation culturale les années suivantes. Deux ans plus tard, les champs du Chablais s’habillent à nouveau de vert en automne. Les analyses de laboratoire visant à mettre en évidence l’agent infectieux ont confirmé ce constat visuel : sur un total de 22 échantillons de betteraves, 21 ne contenaient aucun agent infectieux.

Les producteurs renoncent aux cultures d’automne

Dans le Val-de-Ruz (NE) aussi, les betteraves sucrières étaient à nouveau vertes en octobre dernier. La présence du SBR a été confirmée pour la première fois en 2023, les teneurs en sucre ayant chuté de 17,2 % à 15,2 % en 2022. Grâce à la vulgarisation intense de la station phytosanitaire et du Centre betteravier, tous les producteurs ont volontairement renoncé aux cultures d’automne en 2023. Une fois de plus, l’observation visuelle se confirme : quatre échantillons de betteraves exempts d’agent infectieux, cinq autres présentant des taux très faibles d’un ou des deux agents infectieux.

La maladie entraîne une forte réduction de la teneur en sucre et, par ricochet, une réduction du rendement en sucre par hectare (cf. tableau). Là où la rotation culturale a été modifiée, cette réduction est nettement moins importante (perte de rendement de 1,1 t par hectare) que dans les cantons de Vaud (4 t par hectare) et de Berne (2,2 t par hectare). Il en va de même pour la teneur en sucre : là où les rotations culturales ont été adaptées, la baisse est de seulement 1,9 % (NE) et 2,5 % (VS) par rapport au moment précédent l’apparition de la maladie, contre respectivement 3 % et 4,1 % dans les cantons de Berne et de Vaud. Les pertes importantes observées au niveau du rendement et de la teneur en sucre reflètent également le choix variétal dans le canton de Vaud, où la part des variétés tolérantes au SBR n’est que de 19 %, contre 75 % pour les variétés Conviso sensibles.

La cicadelle demeure, mais des solutions existent

Une rotation culturale ajustée à grande échelle réduit fortement la population de cicadelles et la pression de la maladie, les variétés tolérantes au SBR stabilisant les rendements. Avec des variétés adaptées et grâce au système de rémunération actuel, la production reste attractive malgré le SBR – la surface cultivée augmente depuis 2023 et devrait atteindre près de 17 100 hectares en 2024. Cependant, la cicadelle demeure : la surveillance mise en place en Suisse orientale révèle la présence de foyers infectieux dans les régions de Schaffhouse et du Weinland zurichois. Schaffhouse est considérée comme région potentiellement sensible, les variétés tolérantes au SBR sont recommandées. L’apparition de nouveaux ravageurs implique de nouvelles rotations culturales – le Centre betteravier conseille aux producteurs d’adapter rapidement leur rotation culturale. 

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