Fort de nombreuses années d’activité dans le domaine de la protection des plantes, Ronald Wohlhauser est, depuis 2000, responsable des techniques d’application chez Syngenta. La Revue UFA s’est entretenue avec cet expert au sujet des effets et des impacts des produits phytosanitaires, ainsi que des techniques d’application et des défis futurs.
Revue UFA : Avec quelles mesures un agriculteur peut-il optimiser l’efficacité des produits phytosanitaires ?
Ronald Wohlhauser : Le produit doit être appliqué au bon moment. Il faut tenir compte, d’une part, de la météo – la température, l’humidité relative de l’air et le vent doivent se situer dans une fourchette adéquate – et, d’autre part, du stade de développement des insectes, champignons ou adventices à combattre. Si on intervient trop tard, l’organisme cible est devenu trop grand et l’efficacité diminue. Il n’est plus possible de remédier à cela, même en doublant ou en triplant la dose, ce qui est d’ailleurs interdit sachant que seule la quantité de produit maximale autorisée peut être appliquée.
La technique d’application joue aussi un rôle central. La pièce la plus importante d’un pulvérisateur est la buse. Bien que petite et discrète, cette pièce voit transiter tous les produits ainsi que l’eau. Si une erreur est commise à ce niveau, l’efficacité sera mauvaise. La quantité d’eau doit aussi être appropriée.
Une bonne efficacité est un aspect, les risques environnementaux en sont un autre. Avec quelles mesures ces derniers peuvent-ils être réduits ?
R. Wohlhauser : Là aussi, il faut traiter quand la situation le permet : la température ne doit pas excéder 25° C et l’humidité relative de l’air doit se situer entre 50 et 60 %, sinon l’évaporation est trop importante. Idéalement, le vent devrait souffler entre 1 et 3 m / s et au maximum à 5 m / s. Aucun produit phytosanitaire ne devrait être épandu lorsque des précipitations sont attendues. Une période d’au moins deux heures sans pluie est nécessaire pour que les produits puissent adhérer à la feuille et y pénétrer. L’application de grosses gouttes permet de diminuer la dérive lorsque les conditions météorologiques ne sont pas optimales, par exemple si le vent souffle entre 3 et 5 m / s. Dès que le vent souffle à plus de 3 m / s, les produits phytosanitaires devraient uniquement être appliqués sous forme de grosses gouttes, pour réduire les pertes liées à la dérive. De manière générale, les buses doivent être conçues de manière à générer peu de dérive. Il faut absolument éviter la formation de gouttelettes fines en raison de la contamination de l’environnement. En arboriculture et en viticulture, l’application de produits phytosanitaires s’effectue avec des systèmes pneumatiques. L’expérience montre que la plupart des producteurs utilisent trop d’air, ce qui génère beaucoup de dérive. La quantité d’air utilisée doit être soigneusement étudiée, afin d’appliquer le plus de produit possible sur la culture et le moins possible dans l’environnement.
Qu’apportent les adjuvants ?
R. Wohlhauser : Les produits disponibles actuellement sur le marché sont déjà formulés, du moins en Europe et en Suisse. Les adjuvants ont une importance relative. Aucun d’entre eux ne fonctionne pour toutes les cultures. Ces produits possèdent diverses caractéristiques agissant sur l’adhérence, le recouvrement ou la pénétration des produits phytosanitaires. Dans les cultures difficiles à recouvrir comme les céréales, le colza, les oignons et les choux ou chez les adventices difficiles à recouvrir, l’utilisation d’un adjuvant approprié permettra d’augmenter l’adhérence des gouttes sur la surface cible et d’améliorer ainsi l’efficacité biologique du traitement.
A quels réglages du pulvérisateur et du tracteur faut-il être attentif ?
R. Wohlhauser : Le calibrage et le réglage correct des appareils utilisés pour la pulvérisation sont essentiels pour appliquer les quantités qui doivent effectivement l’être. Il s’agit d’éviter tout sur- ou sous-dosage. Un nombre croissant d’agriculteurs installent un ordinateur pour la pulvérisation sur leur tracteur. C’est une bonne chose : on peut le programmer et il traite avec précision. Cependant, cela ne fonctionne que si les buses sont fonctionnelles et qu’elles ne sont pas bouchées. Le débit des buses de la rampe doit donc être contrôlé et mesuré une à deux fois par an. La rampe doit par ailleurs être réglée à la bonne hauteur, soit 50 cm au-dessus de la culture. On obtient ainsi une bonne répartition des gouttelettes de bouillie dans la culture et la dérive est relativement faible. Augmenter la hauteur à 80 cm multiplie déjà la dérive par deux.
A quoi faut-il prêter attention lors du choix des buses ?
R. Wohlhauser : De nos jours, protection des plantes rime avec efficacité et préservation maximale de l’environnement. La buse joue un rôle central. Elle doit être choisie de manière à éviter la formation de gouttes fines, c’est-à-dire présentant un diamètre inférieur à 100 - 150 μm. Cela signifie que toutes les buses à jet plat standard génèrent trop de fines gouttelettes d’un point de vue environnemental. A l’avenir, les produits phytosanitaires devraient être appliqués sous forme de gouttes moyennes à grosses, pour obtenir le meilleur compromis entre l’efficacité et la préservation de l’environnement. Si nous n’y parvenons pas, les produits phytosanitaires resteront sur la sellette et des produits disparaîtront du marché.