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Gestion

Produire du bois avec des arbres fruitiers

Commercialiser des fruits haute-tige représente un véritable défi. En plus d’être affecté à la production de fruits de cidrerie, un verger haute-tige peut aussi être utilisé pour produire du bois. Mais est-il vraiment rentable de vendre du bois issu de vergers haute-tige?

Agroforst
(Patrick Joller)

Publié le

Actualisé le

MSc Agronomie

L’agroforesterie, soit l’utilisation conjointe du sol pour la production arboricole et les cultures agricoles, repose sur une tradition séculaire en Suisse, sous la forme de vergers extensifs. La mécanisation et la politique agricole ont entraîné un fort recul de l’arboriculture hautetige. Beaucoup d’agriculteurs ne veulent pas renoncer à l’arboriculture, considérant qu’il s’agit d’un moyen d’aménager le paysage et d’un espace de vie pour les animaux. En raison d’une exploitation plus rationnelle, toujours plus de fruits à cidre sont produits dans des vergers basse-tige. Mais quels sont les atouts des vergers haute-tige extensifs ?

Production de bois d’œuvre

Le bois des arbres fruitiers est très apprécié en tant que bois de placage. Une étude récente a cherché à déterminer la rentabilité de la production de bois d’œuvre à partir d’arbres fruitiers. L’introduction de l’agroforesterie dans notre pays fait déjà l’objet d’approches novatrices. Des membres de la CI Agroforesterie ont planté des rangées d’arbres le long de chemins et en bordure de champs, ainsi que dans des prairies et des cultures. Prendre en compte la largeur des machines et l’orientation des arbres au moment de la plantation permet de réduire le nombre d’obstacles et les pertes de rendement. Sur les arbres destinés à la production de bois d’œuvre, toutes les branches dépassant 4 cm de diamètre sont coupées au cours des dix premières années, en vue de produire de longs troncs exempts de branches. On peut ainsi circuler sans problème. L’ombre générée par les couronnes de 5 à 8 m de haut n’est plus aussi importante. En été, les prairies où ces arbres ont été plantés bénéficient d’un léger ombrage.

Production fourragère en présence d’un espacement approprié

Ingénieur forestier, Werner Vonhoff de Bopfingen (D) organisait des mises de bois. Etonné des prix élevés perçus pour le bois de qualité provenant d’arbres fruitiers, il commença à planter des arbres pour son propre compte et à conseiller des agriculteurs souhaitant produire du bois d’œuvre. Les plantations les plus anciennes ont désormais 20 ans et les premiers cerisiers sont déjà utilisés pour produire du bois. Les plantations denses de cet âge ressemblent plutôt à une forêt clairsemée et ne permettent plus une production fourragère digne de ce nom. Une pâture annuelle permet de réduire le risque d’embroussaillement. La photo d’une plantation mise en place il y a dix ans le confirme: les soins réguliers permettent d’obtenir des troncs exempts de branches sur 5 à 7 m de hauteur.

Avantages et inconvénients

Comparés à l’arboriculture intensive, les travaux d’entretien réduits requis par les vergers haute-tige extensifs constituent un avantage indéniable. Selon la densité des arbres, leur orientation et le type de sous-culture, les rendements à proximité des arbres diminuent. Il convient d’être attentif à ces éléments au moment de planifier le verger.

Investissements

Des calculs détaillés (disponibles sur demande) indiquent que le retour sur investissement dépend des espèces cultivées et de leur utilisation. Chaque scénario est basé sur la plantation d’une centaine d’arbres, l’inscription en qualité 2 (Q2) et un salaire horaire de 30 francs.

Lorsqu’il est possible de bénéficier tout de suite des contributions de qualité 2, les recettes dépassent les coûts d’entretien et de soins aux arbres dès la première année d’implantation. Dans le scénario des cerisiers sauvages, l’investissement initial est amorti à partir de la huitième année. Les années sans travaux de taille, le bénéfice net est de l’ordre d’environ 2400 francs/ha. Le niveau de qualité Q1 permet aussi un retour sur investissement positif. La vente de bois d’œuvre n’intervenant que plusieurs décennies plus tard, elle n’a pratiquement pas d’impact d’un point de vue comptable. Outre les arbres fruitiers, certains cantons octroient des contributions à la qualité du paysage pour les espèces indigènes présentes sous la forme d’arbres isolés ou de haies.

Planter à la distance définitive

Heinrich Gubler habite à Hörhausen. En tant que professionnel du bois, il s’est aperçu que les arbres fruitiers recèlent un potentiel intéressant. Sur une surface de 40 a, Heinrich Gubler a planté plusieurs espèces d’arbres il y a 20 ans. Avec les années, il est parvenu à produire de beaux troncs et à acquérir de solides connaissances sur le rythme de croissance des différentes espèces. Les sols situés à proximité des arbres n’ont pas été affectés aux cultures, et l’herbe a été broyée à intervalles réguliers. Heinrich Gubler est arrivé à la conclusion que la plantation à distance finale est la méthode la plus judicieuse.

Contrairement à ce qu’il espérait, la plantation dense n’a pas permis de faire l’impasse sur l’élagage manuel. Désormais, la densité des arbres est si élevée que certains de ceux qui se sont bien développés doivent aussi être abattus lors des travaux d’éclaircissage, pour que ceux qui restent atteignent le diamètre escompté.

Recommandations

Actuellement, les paiements directs versés font qu’il est intéressant de planter des arbres fruitiers pour produire du bois d’œuvre. Une planification approfondie s’impose. Que planter? Outre la production de bois, est-il aussi prévu de récolter des fruits? Le prix des arbres variant selon les espèces, le prix d’achat à un impact déterminant sur les coûts d’implantation. Vu les nouvelles maladies et ravageurs potentiels, il serait également envisageable de planter plusieurs essences. Comment les arbres peuvent-ils être intégrés dans le paysage et les parcelles pour éviter de compliquer l’utilisation des machines ? La main-d’œuvre disponible est-elle suffisante? Si ces questions ont été analysées à fond, la création d’un verger haute-tige extensif peut devenir un investissement rentable. Le retour sur investissement est intéressant, le travail principal lié à la taille peut être accompli en hiver et les paiements directs assurent des rentrées dès le début. L’augmentation de valeur des arbres sur le très long terme bénéficiera aux générations à venir. Quand l’arboriculture suisse était à son apogée, la devise suivante était de mise : «Quand tu as un espace, plante un arbre.» Le soutien accordé par la population et les pouvoirs politiques aux vergers haute-tige et les soins restreints qu’ils requièrent rendent cette devise plus actuelle que jamais. 

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